Acta fabula
ISSN 2115-8037

Dossier critique
2012
Mai-Juin 2012 (volume 13, numéro 5)
titre article
Laure Depretto

Le « librillo de memoria » de Roger Chartier

Roger Chartier, Cardenio entre Cervantès et Shakespeare. Histoire d’une pièce perdue, Paris : Gallimard, « nrf essais », 2011, 375 p., EAN 9782070123872.

Deux ordres de paiement, une entrée dans un registre de libraires, une pièce disparue : voilà dira-t-on un bien mince commencement. Et pourtant, il peut permettre de formuler quelques unes de interrogations les plus fondamentales d’une histoire de l’écrit1.

1Traversant la Sierre Morena, don Quichotte et Sancho trouvent dans une mallette abandonnée « un librillo de memoria ricamente guarnecido ». Diversement traduit parce qu’objet difficile à identifier (« tablettes », « carnet de notes », « livre »), ce « librillo de memoria »2 est un cahier palimpseste, sorte d’ardoise magique avant l’heure, qui permet d’enregistrer des écrits pour les mémoriser, avant de les effacer pour en consigner de nouveaux3. Ce memento abandonné appartient en fait à Cardenio, amant malheureux retiré au désert que don Quichotte et Sancho rencontrent au chapitre XXIII de la première partie. Avant de s’en séparer, Cardenio y a consigné des brouillons de poèmes et de lettres d’amour. Même presque entièrement griffonné, il servira, dans la suite, à don Quichotte de support pour l’écriture d’une lettre de change et d’une lettre d’amour à Dulcinée. Aide-mémoire transitoire, ce carnet de notes magique faisait déjà le lien entre Espagne et Angleterre, entre Cervantès et Shakespeare dans un précédent travail de Roger Chartier sur mémoire et écriture4 : Cardenio et Hamlet, personnages hantés par le souvenir, étaient tous deux en possession de telles « tablettes » (writing tables).

2Poursuivant ses travaux sur les relations entre représentation et publication, entre mise en scène et mise en texte5, Roger Chartier revient à Cardenio dans son dernier livre, aboutissement d’un projet « quelque peu borgésien6 » annoncé lors de sa leçon inaugurale au Collège de France :

[s’attacher à] une œuvre disparue dont ne subsiste ni manuscrit, ni édition imprimée. Elle fut deux fois représentée à la cour d’Angleterre au début de l’année 1613. Les ordres de paiement établis pour la compagnie qui la joua, les King’s men, indiquent son titre, Cardenio, et rien de plus. Quarante ans plus tard, en 1653, Humphrey Moseley, un libraire londonien qui voulait donner à lire les œuvres dramatiques interdites de représentation durant les temps révolutionnaires de la fermeture des théâtres, fit enregistrer son droit sur cette même pièce. Il indiqua au secrétaire de la communauté des libraires et imprimeurs le nom de ses deux auteurs : « The History of Cardenio, By Mr Fletcher & Mr Shakespeare ». La pièce ne fut jamais imprimée et, comme un fantôme, dès le xviiie siècle, elle commença à hanter les passions et imaginations shakespeariennes7.   

3C’est l’histoire d’une « disparition imparfaite8 » : celle d’une pièce représentée au début du xviie siècle en Angleterre, attribuée au fil du temps à Shakespeare, qui empruntait vraisemblablement son intrigue à une histoire enchâssée du Don Quichotte de Cervantès. C’est surtout l’histoire d’une mémoire, des manières dont les œuvres survivent, traversent les frontières et les siècles.  Sur cette tablette effacée, on n’a cessé de reconstituer,  de graver progressivement hypothèses, récritures, adaptations. Fascinant support, le librillo pourrait bien être l’emblème de l’enquête historique menée par Roger Chartier qui fait état tout ensemble de la fragilité de conservation de certains textes et de l’entêtante mémoire qui les entoure.

4La pièce de Shakespeare n’est malheureusement (mais heureusement pour les amateurs d’enquête) le seul cas d’un texte qu’on se désole de n’avoir plus. Il existe tout un éventail de cas de figure possibles, entre les deux pôles que sont la perte totale (à tel point qu’il n’y a pas, à proprement parler,  de « disparition » puisque on ignore même l’existence de ce qui n’est plus) et la conservation complète. Il y a les textes qui ont bien failli disparaître, retrouvées in extremis (le Woyzeck de Büchner), ceux dont on n’a que le titre (et encore) ; des pièces semi-disparues : Massacre à Paris de Marlowe est amputé d’une partie importante de ses actes centraux, le texte a été un peu recousu au xixe siècle par la découverte d’un manuscrit.

5Tout contre le défilé des disparus se dresse une liste d’un autre type : la prolifération des textes inventés par des auteurs sans qu’ils aient toujours à les écrire. En ouverture de son livre, R. Chartier en cite quelques exemples, fils lointains de Cervantès : Bolaño inventant auteurs et titres « d’une bibliothèque entière, effrayante » dans La Littérature nazie en Amérique (p. 10) ; Ricardo Piglia prêtant des œuvres fictives à des auteurs réels (Hemingway ou Kafka racontant l’histoire de Cris et chuchotements) , et évidemment le père de ces fictions érudites, Borges, qui dans Histoire universelle de l’infamie, rassemble des textes supposément écrits par des auteurs réels. Qu’on pense encore au catalogue de l’ « œuvre visible » de Pierre Ménard9.

6Que faut-il comprendre de ce face à face en ouverture d’un livre qui se propose de faire l’histoire d’une œuvre qui a probablement existé mais que nous n’avons plus ? D’abord qu’il y a deux façons de ne pas exister : en étant pure invention d’auteur ou en disparaissant (incendies de bibliothèques, autodafés etc.) Mais peut-être aussi que d’une certaine façon, la première modalité, l’invention, pourrait faire signe vers des tentatives de compensation de la seconde : ne pas se résigner, spéculer, réinventer et ce, dans les limites de l’archive. Enfin, surtout, que la survie de l’œuvre dont il va être question dépend justement de toutes les tentatives — érudites comme fictionnelles — faites depuis pour la récupérer, pour substituer au texte manquant un autre texte. Comme si le point de rencontre entre fiction et histoire ne résidait pas seulement dans des gestes d’écriture communs, dans le partage d’une nécessaire « mise en intrigue » mais aussi dans des constructions mémorielles, dans des exercices de sauvegarde d’un patrimoine disparu. Comme deux modes de « relations au passé10 ». Cette « histoire d’une pièce perdue » s’inscrit dans (et à la suite) de toute une lignée d’essais, historiques ou fictionnels, pour conjurer cette perte.

7Au seuil de l’enquête et en raison de la complexité de cette histoire à rebondissements, je commencerai par proposer au lecteur quelques repères. À partir de ces jalons, j’explorerai ce qui m’apparaît comme des livres (possibles) dans le livre. Au nombre de quatre, ils constituent comme ces fils entrelacés par des « tisserands astucieux » qui font « avec la Laine Espagnole le meilleur des Tisserands Anglais » :

Sancho est maintenant récompensé, et n’a pas besoin de chercher

Pour trouver une Île plus loin que ce livre

Dans lequel le Texte comme une Terre entourée, flotte

Au milieu du vaste Océan des Notes de l’Auteur

Qui dans son Livre, comme les Tisserands astucieux, fait

Avec la Laine Espagnole le meilleur des Tisserands Anglais11.

Chronologie indicative

81565 Édition de la 1re tragédie anglaise : The Tragedie of Gordobuc de Thomas Norton et Thomas Sackville. La plupart des pièces représentées entre 1565 et 1642 n’ont jamais été imprimées.

91605 Publication de Don Quichotte (première partie).

101607-1609 Guillén de Castro, El Curioso impertinente, comédie : adaptation de la nouvelle éponyme (dans Don Quichotte, chap. XXXIII-XXXIV, 1re partie).

11Avant 1608 Guillén de Castro, Don Quijote de la Mancha, comédie publiée à Valence en 1618.

121611 Thomas Middleton, The Second Maiden Tragedy, comédie : adaptation de la nouvelle du « Curieux impertinent ».

131612 L’éditeur Edward Blount, dans un contexte éditorial et théâtral propice à l’Espagne, publie The History of the Valourous and Wittie Knight-Errant Don-Quixote of the Mancha (sans nom d’auteur), traduction par Thomas Shelton.

141613 Traces d’un paiement versé à un acteur, John Heminges, pour les représentations d’une pièce appelée Cardenno/Cardenna (pièce au titre instable).

151614 Ballet Don Quichot dansé au Louvre. Traduction française par César Oudin (avant : quelques traductions partielles). Don Quichotte apparaît en illustrations en Allemagne.

161618 Traduction française de la seconde partie par François de Rosset.

171620 Don Quichotte apparaît dans un ballet dansé au Louvre, Les Chercheurs de Midy à Quatorze Heures.

181623 Folio de John Heminges et Henry Condel qui rassemblent les « Comedies Histories & Tragedies » de Shakespeare.

191628-1629 Pichou, Les Folies de Cardenio, tragi-comédie, jouée par les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne : 1re adaptation théâtrale en France de Don Quichotte.

201638 Parution de la comédie Dom Quixote de la Manche, chez l’éditeur Toussaint Quinet (auteurs supposés : Guérin de Bouscal ou Mareschal).

211642 Angleterre : fermeture des salles de théâtre.

221652 1re réédition de la traduction de Shelton.

231653 Le registre des libraires et imprimeurs de Londres mentionne « The History of Cardenio, by M. Fletcher & Shakespeare ».

241654 Edmund Gayton, Pleasant Notes upon Don Quixot ; réédition de six Nouvelles exemplaires parues en 1640 dans la traduction de James Mabbe.

251657 1re édition illustrée du Don Quichotte (Dordrecht, Jacob Savery) dans la traduction néerlandaise.

261662 1re édition illustrée du texte espagnol, publiée à Bruxelles

271686 Small book : The Famous History of Don Quixote de la Mancha, 20 pages, in-12.

281689 The Delightful History of Don Quixot, in-12.

291694 Thomas d’Urfey, The Comical History of Don Quixote, représentée à Dorset Garden au Queen’s Theatre. Puis 2e pièce du même auteur qui s’inspire, cette fois, de la seconde partie de Don Quichotte.

301696 Thomas d’Urfey propose une 3e pièce inspirée du roman qui exploite les épisodes laissés de côté dans ses deux pièces précédentes (échec).

311699 Édition abrégée de Boddington : réapparition de l’histoire de Cardenio.

321710 Publication périodique de Don Quichotte, mis en vers par Edward Ward.

331725 Premier numéro d’une édition bilingue de Don Quichotte.

341726 Lewis Theobald, Shakespeare restored : or, a Specimen of the Many Errors, as well Committed, as Unamended by Mr Pope in his Late Edition of the Poet. Designed Not only to correct the said Edition, but to restore the True Reading of Shakespeare in all the Editions ever yet published.

351727 Lewis Theobald fait représenter une pièce Double Falshood or The Distrest Lovers (publiée en 1728 avec une préface garantissant l’établissement du texte à partir de plusieurs manuscrits autographes de Shakespeare). Authenticité contestée, accusation de faux.

361733 Nouvelle édition des Works de Shakespeare par Theobald : il n’y fait pas figurer Double Falshood.

371738 Édition de luxe du texte espagnol avec illustrations (London, Tonson) : 4 vol. in-4, 1re à proposer une « Vie » de Cervantès.

381916 Walter Graham démontre la parenté entre des passages de Double Falshood et la traduction de Shelton et suggère la présence de deux styles dans la pièce.

391974 Harriet C. Frazier soutient que Double Falshood est une complète mystification.

401994 Charles Hamilton identifie Cardenio à une pièce conservée sous un titre différent : The Second Maiden’s Tragedy, attribué généralement à Thomas Middleton (voir l’entrée 1611).

411995 Kermit Christian monte un Cardenio à partir du texte de The Second Maiden’s Tragedy ; de même dans des représentations de 1998, 2002, 2004.

422002 Roman de Jasper Fforde, Lost in a Good Book : le manuscrit de Cardenio y est retrouvé dans la bibliothèque d’un particulier.

432007 Roman de Jennifer Lee Carrell, Interred with their Bones : le manuscrit est retrouvé sur une tombe dans une caverne de l’Arizona.

442007-2009 Représentations de Cardenio à partir d’adaptations du texte de Theobald (mises en scène de Christopher Marino, Joe Cacaci, Stephen Fried, David Carnegie, Bernard Richards).

452008 Stephen Greenblatt (auteur de Shakespearian Negotiations et de Will in the World) et Charles Mee propose une expérience de « recycling » de Cardenio.

462011 Mise en scène de Gregory Doran pour la Royal Shakespeare Company : mélange du texte de Cervantès, de la traduction de Shelton, de l’adaptation de Theobald.

Livre 1. Looking for Cardenio

Pièce du dossier n°1.

Un registre de comptes indique un versement à l’acteur John Heminges de la troupe des King’s Men pour des représentations données à la cour. Une de ces pièces est Cardenno. Un second versement indique un titre différent : Cardenna.

47Pour retracer l’histoire de cette pièce dont il ne reste qu’un titre — et un titre instable encore — l’historien tente de résoudre une série d’énigmes locales.

48La première concerne les premières apparitions de don Quichotte en Angleterre au tout début du xviie siècle : avant même le Cardenio de 1613, le Chevalier à la Triste figure avait déjà passé les frontières. Comment dès lors a-t-il pu apparaître sur les planches anglaises avant la première traduction de Don Quichotte en anglais, en 1612 ? Par exemple, la pièce The Knight of the Burning Pestle (Le Chevalier à l’ardent pilon), attribuée à Beaumont et Fletcher puis à Beaumont uniquement, a sans doute été représentée avant la traduction anglaise. Deux hypothèses permettent de dénouer cette première question : soit les auteurs le lisaient en castillan soit ils avaient accès à la traduction de Shelton, qui circulait en manuscrit. Plus largement, cette première étape est l’occasion d’une mise au point sur la présence espagnole en Angleterre à cette période. Présence à la fois éditoriale (l’éditeur Blount publie, entre autres, des œuvres espagnoles) et théâtrale (The Spanish Tragedy de Thomas Kyd etc.)

49Dès lors, une deuxième énigme porte sur le contenu de l’intrigue ou plus exactement sur le rapport entre un titre et une intrigue : pourquoi en 1613 mettre sur scène l’histoire de Cardenio, et non celle de don Quichotte ? La question vaut pour deux : pourquoi préférer au héros un personnage secondaire ? Comment une histoire qui n’avait pas une totale autonomie dans la diégèse était-elle transposable au théâtre ? Rappelons ici que l’histoire de Cardenio et de Luscinda est une histoire d’amour racontée par plusieurs personnages à partir du chapitre XXIII de la première partie : loin d’être linéaire, elle n’est pas une nouvelle insérée et autonome, comme Le Curieux impertinent par exemple (chap. XXXIII-XXXV de la première partie). Cardenio commence par raconter son histoire à don Quichotte et Sancho rencontrés dans la Sierra Morena. Il interrompt une première fois son récit avant de le reprendre au chapitre XXV auprès cette fois du curé et du barbier. Amoureux de Luscinda, il souhaitait l’épouser et demanda sa main à son père qui lui répondit qu’il devait d’abord obtenir la permission de son propre père. Obligé de s’absenter pour servir don Ricardo, il fait la connaissance du fils de son maître, Fernando, à qui il confie sa situation amoureuse. Fernando qui lui a promis d’intercéder en sa faveur, le trahit et épouse lui-même Luscinda alors qu’il s’est déjà marié en secret à Dorotea. Cardenio qui a assisté en secret aux noces, de désespoir, se rend dans la Sierra Morena pour y vivre comme un ermite. Le temps de l’histoire rejoint le temps de la narration et l’intrigue apparemment terminée pourrait, sans difficulté, faire l’objet d’une adaptation, à condition toutefois de transformer un récit analeptique et discontinu à la première personne en fable théâtrale. Mais Cardenio, le curé et le barbier rencontrent ensuite Dorotea, déguisé en homme qui a fui suite au déshonneur du mariage secret et qui cherche à retrouver Fernando. L’intrigue se joue désormais à quatre personnages : Cardenio et Dorotea, les deux amants délaissés s’unissant pour annuler le mariage entre ceux qui leur étaient promis, Luscinda et Fernando. L’affaire se complique encore – si une telle chose est possible – quand don Quichotte, en l’honneur de sa dame, décide, à l’image de cet autre fou de Cardenio, de faire pénitence dans la Sierra Morena. Leurs deux histoires sont dès lors entrelacées.

50Faut-il penser que cette histoire enchâssée est plus intéressante que les aventures du « plus grand fou qui ait pu venir à l’esprit d’un romancier12 » ? Qu’une adaptation théâtrale de l’histoire de Cardenio devait nécessairement inclure celle de don Quichotte et de Dulcinée, en somme que cette intrigue était une double histoire ? Y a-t-il des personnages plus aptes que d’autres à migrer du roman vers le théâtre ? De ces enquêtes enchâssées, le livre permet de tirer deux leçons :

511) Un personnage éponyme n’est pas toujours un personnage principal et vice versa, il n’est donc pas sûr que la pièce Cardenio/Cardenna figurant sur le registre prenne en charge l’histoire de Cardenio, en tout cas, il n’en est pas nécessairement le rôle-titre13;

522)Cette pièce perdue témoigne d’une tendance forte à cette période : l’utilisation des nouvelles insérées dans les romans comme réservoir d’intrigues à la disposition des dramaturges : « une manière de lire Don Quichotte qui tenait le livre comme un recueil de “novelas” qui pouvaient donner la matière à des intrigues de théâtre séparées des exploits du chevalier errant » (p. 182) Plus loin, l’historien conclut encore que « la compréhension de Don Quichotte comme un répertoire de nouvelles, bonnes à publier séparément ou à porter sur la scène, témoigne pour une lecture qui s’attachait aux histoires dans l’histoire et qui, volontairement, laissait sur le côté le principal héros. » (p. 286) Ce n’est d’ailleurs pas une spécificité du roman de Cervantès : La Nuit des Rois met en scène l’histoire d’« Apollonius et Silla », racontée par Barnabe Riche dans Riche His Farewell to Military Profession ; le Conte d’hiver emprunte au Pandosto de Robert Greene14. Don Quichotte n’est pas non plus le premier personnage espagnol à passer sur la scène anglaise : Lazarillo de Tormes, premier des picaros est le héros d’une pièce attribuée à Thomas Dekker, Blurt Master Constable. Or the Spaniards Nignt-walke (publiée en 1602).

53Cependant, on l’a vu, l’histoire de Cardenio est entrelacée à celle de don Quichotte, elle n’a pas l’autonomie totale d’une nouvelle comme « Le Curieux impertinent ». Dès lors, elle implique des choix dramaturgiques différents. Pour s’approcher d’hypothèses vraisemblables, l’auteur se livre à une série de comparaisons à partir d’un corpus plus ou moins contemporain de la pièce perdue. En comparant ce que d’autres dramaturges dont nous possédons les textes ont fait de l’histoire de Cardenio racontée par Cervantès, Chartier liste les différentes voies qui s’offraient à Shakespeare. À partir de pièces conservées, des hypothèses probables sont proposées pour « imaginer ce qu’aurait pu être le Cardenio anglais joué à Londres en 1612 ou 1613 » (p. 103) C’est notamment le cas d’une comparaison faite avec la pièce attribuée à Guillén, Don Quijote de la Mancha : par un effet de chiasme, si celle-ci était surtout l’histoire de Cardenio, faut-il en conclure que le Cardenio portait largement sur le chevalier à la triste figure ? À propos de cette adaptation, R. Chartier montre que le dramaturge a fait le choix de conserver une intrigue complexe en maintenant le lien entre les deux histoires. Cependant, « il invente des personnages absents du premier récit et modifie l’intrigue selon les nécessités du théâtre — et de l’idéologie. Aux retours en arrière de la narration de Don Quichotte est substitué le déroulement chronologique des événements » (p. 82‑83). Quant à Pichou dans Les Folies de Cardenio, il « a retenu les éléments qui lui permettaient de faire une tragi-comédie et de composer de longs monologues poétiques mobilisant les motifs favoris d’une esthétique de l’inconstance des êtres et des éléments, située entre les plaintes de la pastorale et l’effroi du macabre » (p. 102-103). Guérin de Bouscal présente un premier tournant : Cardenio n’est plus au centre et l’histoire de don Quichotte qui jusqu’ici servait de contrepoint comique, devient l’intrigue principale. La dernière comparaison porte sur la transposition de Thomas d’Urfey à la fin du xviie siècle : ce dernier « donne une importance comique à des personnages qui ne l’ont pas dans l’histoire, la fille de Sancho par exemple, et redistribue de manière inattendue les différents épisodes » (p. 227 et suivantes).

54On peut imaginer que le Cardenio disparu était une pièce qui traitait en parallèle l’histoire de Cardenio et celle de don Quichotte, qui maintenait l’entrelacs des deux intrigues, celle de don Quichotte servant par exemple de pendant comique à l’histoire principale. Ou bien, elle ne traitait que de l’amant trahi de la Sierra Morena et transformait de fait une histoire parallèle en nouvelle détachable. À ce stade, il serait difficile d’en savoir plus si un rebondissement n’était pas intervenu au siècle suivant :

Pièce du dossier n°3

1727 Lewis Theobald un des trois premiers éditeurs des œuvres de Shakespeare au xviiie siècle fait représenter à Londres une pièce intitulée Double Falshood, or The Distrest Lovers, publiée en 1728. La page de titre indique : « Written Originally by W. Shakespeare ; And now Revised and Adapted to the Stage By Mr. Theobald, the Author of Shakespeare Restor’d ». Il affirmait dans sa préface qu’il possédait plusieurs manuscrits d’une pièce perdue de Shakespeare.

55A priori, pas de Cardenio en vue — les personnages par exemple portent un autre nom. Pourtant, il n’est pas interdit d’y penser : parenté d’intrigue, attribution à Shakespeare (voir pièce du dossier n°2). La pièce présentée par Theobald pose surtout la question de l’auteur.

Livre 2. « Une pièce sans texte mais non sans auteur »

Pièce du dossier n°2.

1653 : le libraire Humphrey Moseley fait enregistrer par la communauté des libraires et imprimeurs londoniens, les titres de quarante et une pièces de théâtre sur lesquelles il a propriété exclusive. Parmi elles, figure « The History of Cardenio, by M. Fletcher & Shakespeare ». L’hypothèse d’une création collective n’est pas invraisemblable ; ils ont déjà travaillé ensemble sur All is true devenu Henri VIII et sur Les Deux nobles cousins.

(1623 : les éditeurs du Folio Folio rassemblant les « Comedies Histories & Tragedies » de Shakespeare, s’ils possédaient un manuscrit de Cardenio l’ont exlu, comme Les Deux nobles cousins ; la pièce n’est pas non plus intégré aux œuvres de John Fletcher).

56Si l’on ne sait pas ce que contenait la pièce, son attribution pourrait sembler moins problématique. Voire. Avec cette deuxième pièce versée au dossier, on progresse, par rapport à la première (1613) dans le degré d’information : d’un titre, on passe à un titre et des auteurs. Mais en 1727 (pièce n°3), un des auteurs manque à l’appel. Comment expliquer qu’en 1623, les éditeurs du Folio — véritable « monumentalisation de Shakespeare » (p. 120) – n’ont pas intégré cette pièce au canon ? Qu’en 1727, Theobald présente sa pièce comme un inédit du seul Shakespeare ?

57R. Chartier montre que deux logiques auctoriales successives ont conduit à l’attribution unique à Shakespeare : alors qu’au moment de la représentation, beaucoup d’œuvres étaient écrites en collaboration, la publication des pièces a progressivement entraîné la réduction à un auteur unique. Dans ce contexte, Cardenio n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’effacement éditorial des écritures collaboratives. Si cette pièce n’apparaît pas dans le folio de 1623, c’est que les pièces écrites à plusieurs mains n’ont pas été retenues, dans ce cas, le Cardenio devait sans doute n’être pas uniquement une pièce de Shakespeare. Revenant sur la constitution du corpus shakespearien au moment de la parution du Folio de 1623 par Heminges et Condell, Chartier rappelle que les éditeurs ont inclus Henri VIII dans le canon, alors qu’ils excluaient Les Deux nobles cousins, pièce écrite en collaboration avec Fletcher, deux pièces sans doutes écrites ou jouées à la même période que Cardenio. Après avoir rappelé l’intrigue de la pièce et ses thèmes centraux, Chartier évoque les liens avec l’intrigue de Cardenio chez Cervantès, concluant que la pièce perdue devait sans doute s’approcher davantage des Deux nobles cousins. En somme, si un manuscrit de Cardenio était encore disponible en 1623, il a connu le sort des Deux nobles cousins, et non celui d’Henri VIII. Pour autant, la pièce ne fut pas comptée au nombre des Œuvres de Fletcher (p. 142).

58Ce qu’est qu’en 1727 qu’un éditeur prétendit posséder plusieurs manuscrits d’une pièce qui ne s’appelait plus Cardenio mais qui serait bien de Shakespeare, même si le texte en a été adapté par Theobald. L’opération éditoriale de Theobald doit-elle être prise au sérieux ou relève-t-elle de la plus totale mystification comme des érudits ont pu tenter de le démontrer ? En effet, d’après l’un d’entre eux, Theobald aurait accidentellement imité le mauvais auteur, son style serait plus proche de celui de Fletcher que de celui de Shakespeare (p. 261). Si Theobald était si sûr de l’authenticité de cette pièce présentée comme un inédit retrouvé, on comprend mal pourquoi quand il réédite les œuvres de Shakespeare en 1733, il n’y fait pas figurer Double Falshood. Sans doute était-ce admettre la part majoritaire de récriture d’une « relique shakespearienne […] inspirée par un premier auteur, tout aussi fameux » (p. 188).

Livre 3. Don Quichotte everywhere

59Les adaptations théâtrales évoquées témoignent d’une vitalité du roman de Cervantès dès (et longtemps après) sa parution au début du xviie siècle. Même si Don Quichotte n’a jamais totalement disparu, l’histoire de sa présence à éclipses montre qu’une réception est toujours de l’ordre du discontinu : les œuvres émergent, disparaissent et réapparaissent. Deux grandes périodes d’omniprésence et de succès sont mises en avant par Chartier. La première, immédiatement contemporaine de la parution voit notamment l’apparition du chevalier dans les cortèges parodiques, comme celui réalisé à l’occasion de la béatification d’Ignace de Loyola à Salamanque en 1610. On peut même suivre les voyages du livre, embarqué en centaines d’exemplaires vers les Indes espagnoles (262 exemplaires embarqués sur l’Espiritu Santo pour Clemente de Valdés, cent exemplaires à Carthagène etc., p. 160).

60La seconde période, plus spécifiquement centrée sur le cas anglais et que Chartier appelle le « revival » (p. 145) de l’histoire de Cervantès au mitan du xviie siècle est marquée par l’entrée dans le langage courant d’antonomases (expression « the Quixotes of this Age », « to be Don Quixoted », « quixotical »), la réédition de la traduction de Shelton, les commentaires d’Edmund Gayton dans son Pleasant Notes upon Don Quixot. Dans sa Cosmographie, Peter Heylin dresse un inventaire des lieux imaginaires et inclut des espaces du roman comme Micomicon. L’inventaire des meubles du château de Kilkenny mentionne des tapisseries représentant les aventures de don Quichotte etc. Dans ses Pleasant Notes upon Don Quixot, Edmund Gayton, à en croire les poèmes qui ouvrent l’ouvrage, est un commentateur qui a dépassé l’auteur commenté. Dans les arguments versifiés qui précèdent les commentaires en prose, Gayton introduit de nouveaux motifs dans la trame de Cervantès : il invente par exemple les lettres échangées entre Cardenio et Luscinda. Non seulement un roman en prose est récrit en vers avant de faire l’objet d’interprétations, mais l’intrigue du roman est complétée par l’ajout de pièces inventées par le critique. Ce livre hybride est un exemple de l’appropriation par les lecteurs d’un roman qui fit l’objet de toutes sortes de manipulations, d’écriture comme d’édition. On pourra compléter ce panorama, en constatant qu’en France, on observe des phénomènes du même ordre : dans la correspondance de Sévigné, de nombreuses éléments du roman de Cervantès sont lexicalisés, proverbialisées15. « Don Quichotte, accompagné ou non par Cardenio, est donc présent sous de multiples formes dans l’Angleterre des années 1660‑1730 » (p. 226).

61Ce ne sont plus seulement les adaptations du livre à la scène qui intéresse R. Chartier dans ce « troisième livre » mais la prolifération des supports de présence, les métamorphoses du texte en fonction de ce support, et particulièrement les rapports entre texte et image. Don Quichotte apparaît dans des gravures, dans des livrets de ballets, dans des versions abrégées. Il est lancé sous forme de publications périodiques et mis en vers à la fin de la décennie 1670. Ce dossier iconographique permet de mesurer la différence de traitement de l’histoire de Cardenio d’un support à l’autre : privilégié au théâtre, Cardenio disparaît quasiment des illustrations.  

Si pour les dramaturges des xviie et xviiie siècles, l’histoire écrite par Cervantès était avant tout un répertoire de “nouvelles” qui pouvaient se transformer en intrigues de théâtre, avec ou sans la présence du chevalier errant, il n’en allait pas de même pour les programmes iconographiques dominés par les aventures de l’hidalgo et le traitement comique ou la leçon morale que leur mise en images pouvait inspirer. (p. 205).

62Isolable comme intrigue réutilisable à la scène, la nouvelle n’a plus sa place quand il s’agit de donner des versions abrégées du roman et donc de centrer l’histoire sur son héros éponyme. De même, la nouvelle du « Curieux impertinent » fut beaucoup représentée au théâtre, alors qu’avant l’édition de 1738, on ne trouve aucune image de cette nouvelle. Le sort réservé aux nouvelles dans les livrets de colportage (chapbooks) n’est guère plus enviable : absence ou quasi-absence. Quand le roman a été repris en version abrégée, Cardenio avait complètement disparu. Cardenio, mis à l’honneur sur les planches est le grand absent d’un certain nombre d’éditions abrégées ou illustrées.

Livre 4. Les trois mémoires

63C’est précisément cette omniprésence qui permet, pour Roger Chartier de mesurer la « grande familiarité des lecteurs et spectateurs anglais avec l’histoire parue en castillan à Madrid en 1605 » (p. 237) et partant, de comprendre comment, même avec des noms de scène modifiés, les spectateurs pouvaient reconnaître les personnages issus du roman. Le librillo de Chartier est traversé par différents types de mémoires.

64On évoquera d’abord celle du spectateur à travers un seul exemple16. Analysant la pièce de Guillén de Castro, Chartier montre que son adaptation est à l’histoire de don Quichotte ce que les romans de chevalerie étaient au personnage : « Il suppose que le livre qui raconte les exploits du chevalier errant est présent dans la mémoire des spectateurs et que les mots prononcés sur la scène les feront souvenir de leur lecture » (p. 60).

65La recension des tentatives faites, depuis la disparition de la pièce, pour donner un texte à ce titre fait apparaître une deuxième mémoire, celle de ceux qui ne se résolvaient pas à la disparition. Comment les romanciers et dramaturges se sont-ils emparés de cette histoire pour lui redonner vie, pour lui attribuer malgré tout un contenu ? C’est en particulier l’objet de l’épilogue du livre qui souligne un paradoxe de taille : cette pièce a davantage été jouée quand son texte en était perdu que lorsque son manuscrit était disponible (p. 277).Ce retour sur scène a pu prendre plusieurs formes :

66soit le metteur en scène décida que Cardenio n’était pas une pièce perdue, seulement une pièce que la tradition avait baptisée différemment : Cardenio serait en fait The Second Maiden’s Tragedy – dont on peut raisonnablement penser qu’elle est de Middleton : c’est ce que fit Charles Hamilton sans emporter l’adhésion, pièce que le metteur en scène Kermit Christian a montée en 1995 et 1996. Cette pièce fit une belle carrière avec un titre double : Cardenio or the second maiden’s tragedy. Une pièce intitulée Cardenio et sans rapport avec l’histoire racontée par Cervantès fut représentée sans discontinuer de 1995 à 2004.

67soit le metteur en scène choisissait la pièce de Theobald Double Falshood, et pour la rendre plus « shakespearienne », introduisait des fragments d’autres pièces ou des Sonnets de l’auteur consacré. À condition de récrire le texte de Theobald, on pouvait sans dommage l’attribuer à Shakespeare.

68soit le metteur en scène pouvait « recycler » et intégrer à la représentation l’histoire même de cette pièce perdue. C’est l’expérience de Greenblatt et Mee qui situent la pièce de nos jours, un couple d’amants jouant les personnages de l’histoire de Cervantès. Tout en prenant acte de la distance temporelle et d’une illusoire reconstitution, les auteurs remettent au goût du jour deux pratiques d’époque : le théâtre dans le théâtre et l’écriture collaborative.

69Même si on avait pu retrouver le texte de cette pièce, l’intérêt de cette migration d’un genre à l’autre, d’un pays à l’autre, d’un personnage à l’autre demeurerait intact. « Ce cas limite, qui est presque une expérience de laboratoire » (p. 288) est sans doute suffisamment rare pour être noté : ce qui était au départ un débat d’érudits est devenu la « fièvre Cardenio » (p. 265) : deux fictions récentes qui se sont emparées du mystère manifestent un tel changement de statut : le roman de Jasper Fforde, Lost in a Good Book dans lequel l’agent de la Brigade littéraire retrouve le manuscrit dans une bibliothèque privée et celui de Jennifer Lee Carrell, Interred with their Bones, où le manuscrit est placé sur une tombe dans une caverne de l’Arizona17. À l’issue de cette enquête, c’est la troublante proximité des gestes qui est soulignée : « les romanciers contemporains, tout comme les dramaturges du xviie siècle hésitent entre deux partis : soit faire de don Quichotte l’un des personnages, sinon le principal personnage de la pièce […] soit […] donner le premier rôle à Cardenio » (p. 257).  

70Et puis, on l’aura peut-être déjà compris, il y a la mémoire de l’historien, cumulative et panoramique qui repère des similitudes, des ressemblances, qui reconnaît dans une nouvelle œuvre les traces d’une précédente, qui, parfois, aussi recouvre celle, supposée, des lecteurs et spectateurs du passé, voire leur prête la sienne. Mémoire minutieuse qui n’est pas sans rappeler celle de l’Irénée Funes de Borges18.

Épilogue. Comment être le Pierre Ménard de Cardenio

71Ou d’un personnage de Borges à l’autre… Il y a quelques années, R. Chartier se demandait plaisamment s’il n’était pas le Pierre Ménard des Origines intellectuelles de la Révolution française : « Les origines culturelles de la Révolution française ou pourquoi écrire aujourd’hui un livre qui existe déjà19 ». Comme son fictionnel prédécesseur, R. Chartier écrivait un livre totalement différent, parce que les questions posées à la Révolution avaient changé depuis 1933 :

Donc, ne pas récrire le Mornet, mais plus modestement ou plus témérairement, comme on voudra, poser des questions qui ne pouvaient pas être les siennes20.

72Dans son dernier livre, certes, l’historien ne récrit pas Cardenio à l’identique et pour cause21 : il rêve méthodiquement à ce qu’aurait pu contenir cette pièce, en exposant les différentes manières dont d’autres avant lui ont pu spéculer sur cette disparition ou tenter de la conjurer. « J’ayme ces mots qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions : A l’avanture, Aucunement, Quelque, On dict, Je pense, et semblables22. » Déclaration que Roger Chartier pourrait faire sienne – et son lecteur avec lui – tant son propos est jalonné de marques prudentielles : conscient de composer avec les incertitudes liées à la fragilité de la preuve en matière auctoriale particulièrement, l’historien ne manque pas de modaliser les hypothèses qu’il avance, de placer ses propositions sous conditions ( « si l’on admet que la pièce est antérieure aux Deux nobles cousins », p. 136 ; « si les éditeurs du Folio de 1623 possédaient un manuscrit de The History of Cardenio », p. 141 ; « si Moseley dit vrai », p. 144, « si Theobald dit vrai », p. 157) etc. Cette manière d’écrire offre au lecteur l’agréable privilège de suivre un raisonnement pas à pas et d’être partie prenante d’une enquête, plus suggestive qu’imposante. Si l’historien s’autorise des conclusions, ces dernières ne sont jamais autoritaires.

73Une enquête sur une pièce perdue procédant par comparaison avec d’autres conservées ; une histoire de la réception et des usages du Don Quichotte fondée sur l’étude de ses adaptations théâtrales et éditoriales ; une illustration des changements du statut d’auteur impliqués par la publication des textes de théâtre ; une réflexion sur les différentes prises en charge de la mémoire des œuvres. Plusieurs livres donc dans ce « librillo de memoria », « rêve d’histoire23 » qui se réalise.

Du même auteur. Sélection

74Publishing drama in early Modern Europe [1998], London, The British library, « The Panizzi lectures », 1999.

75« Hamlet 1676. Les temps de l’œuvre » dans J. Neefs (dir.), Le Temps des œuvres. Mémoire et préfiguration, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, « Culture et société », 2001, p. 143‑154.

76 « “Coppied onely by the eare” : le texte de théâtre entre la scène et la page au xviie siècle », dans L. F. Norman, P. Desan et R. Strier, Du spectateur au Lecteur. Imprimer la scène aux xvie et xviie siècles, Fasano/Paris, Schena Editore / Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 31‑53.

77Inscrire et effacer. Culture écrite et littérature (xie-xviiie siècle), Paris, Gallimard / Seuil, « Hautes Études », chap. II « Écriture et mémoire. Le “librillo” de Cardenio », 2005, p. 33‑52.

78Écouter les morts avec les yeux [11 octobre 2007], Paris, Fayard, « Leçons inaugurales du Collège de France », n° 195, 2008.

79Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude [1998], Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l’Évolution de l’Humanité », 2009, p. 353‑362.

80 « Écrit et cultures dans l'Europe moderne, Cours du 17 novembre 2011. Mémoires et écritures. Ricœur, Borges, Don Quichotte. 2e heure », URL : http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/eur_mod/Cours_du_17_novembre_2011_M__2.htm.