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Chanter le collectif : hymnes nationaux, patriotiques, partisans, sportifs…

Chanter le collectif : hymnes nationaux, patriotiques, partisans, sportifs…

Publié le par Marc Escola (Source : François Genton)

Mots. Les langages du politique.

No 124, novembre 2020 – "Chanter le collectif : hymnes nationaux, patriotiques, partisans, sportifs…"

Date limite de réception des avant-projets : 10 septembre 2019

 

Chanter le collectif : hymnes nationaux, patriotiques, partisans, sportifs…

1/ Conditions de naissance et d’existence des hymnes

2/ Caractéristiques langagières et musicales des hymnes

3/ Usages des hymnes

Références

Modalités de soumission

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Chanter le collectif : hymnes nationaux, patriotiques, partisans, sportifs…

 

Coordonné par Paul Bacot, Valérie Bonnet et François Genton

 

Plus encore que le drapeau, symbole visuel et tactile d’une collectivité révérée abstraite (la Nation, la Fédération, la Province, le Club, la Révolution, le Parti, etc.), l’hymne chanté ou simplement écouté permet à la foule de se vivre momentanément comme le corps de cette collectivité, créant un frisson, même quand il arrive qu’un hymne n’ait pas de texte, ou bien qu’il soit repris de celui d’un autre pays.

On compte aujourd’hui environ deux cents pays qui disposent à peu près tous d’un hymne national. Mais il y a aussi le cas des hymnes de communautés non reconnues internationalement comme des États. Au-delà de ces chants nationaux officiels ou officieux, ce dossier s’intéressera plus largement à tous les chants dotés d’une certaine charge symbolique, pourvus d’un potentiel émotionnel et intégrés à certaines pratiques rituelles, qui célèbrent l’existence d’un collectif humain – entités nationales, régionales ou internationales, partis politiques, clubs sportifs, institutions militaires ou corporatives…

En somme, il peut s’agir de tout chant qui, comme le fameux « Chant des Canuts », pourrait commencer par « C’est nous les… ! », instaurant en quelque sorte une collectivité. À côté de « La Marseillaise », du « Star-Spangled Banner », du « God Save The Queen », de « Fratelli d’Italia » ou de la « Marche des Volontaires » chinoise, pourront donc être évoqués le « Chant des Partisans » et le « Chant des Marais », « L’Internationale » et l’« Hymne européen », le « Chant des Africains » et le « Chant des Girondins », « El Cant del Barça » et « Olé Betis! », « Va, pensiero » et le « Chant du Départ ». La liste n’est pas exhaustive, et ne peut pas l’être tant il est vrai que l’histoire qui se fait apporte régulièrement de nouveaux exemples de pratiques (« Chant des Gilets jaunes ») et d’inventions.

L’appellation générique d’« hymne » peut être l’enjeu de luttes et le mot pourra être interrogé. On s’intéressera à la distinction qu’il faut opérer entre l’hymne et d’autres chants, fonctionnels et moins ambitieux (chants de soldat, chants de marins, chants locaux ou régionaux, etc.), ou à l’émergence de chants de substitution quand les hymnes disponibles ne conviennent pas (par exemple « Maréchal, nous voilà » en 1940, « We Shall Overcome » dans les années 1960, « Le chiffon rouge » en 1977, « Wind of Change » en 1990).

De nombreuses questions pourront être posées, portant tant sur la naissance et les conditions d’existence et parfois de disparition des hymnes que sur leurs caractéristiques musicales et textuelles, ou encore sur les usages multiples qui en sont faits. De ces trois points de vue, comme de celui de leur fonction de mise en scène d’un collectif face à d’autres, les hymnes sont des objets fondamentalement et indissociablement politiques en même temps que langagiers et musicaux.

1/ Conditions de naissance et d’existence des hymnes

Comment s’impose l’idée qu’un hymne est nécessaire à une communauté donnée ? Comment sa musique et son texte sont-ils choisis ou commandés ? Comment et pourquoi un chant préexistant devient-il un hymne (en quelque sorte) par destination (c’est le cas de « Lift Ev’ry Voice and Sing » devenu « the black national anthem » en 1919) ? Dans quel contexte, conflictuel ou non, s’opère la naissance d’un hymne ? Qui sont les acteurs de l’avènement d’un hymne (auteurs, compositeurs, décideurs, initiateurs, commanditaires comme certains présidents de clubs sportifs) ? Peut-on parler d’invention de l’hymne comme de l’invention d’une tradition (on songe ici à l’hymne de la Pena baiona, emprunt à un morceau de musique populaire austro-allemand) ?

Les mêmes questions se posent en cas de modification ou de changement d’un hymne.

Mais encore, peut-on concevoir un hymne pour un collectif composé de sous-ensembles qui en sont déjà dotés (on pense bien sûr à un hymne plurinational, comme l’Ode à la Joie devenue l’hymne européen) ?

2/ Caractéristiques langagières et musicales des hymnes

Y a-t-il des caractéristiques communes à toutes les musiques d’hymnes, ou à tout le moins peut-on distinguer quelques grandes catégories ou quelques grands types ? La musique est-elle originale ou reprise d’un autre hymne (comme « Olé Betis! » est chanté sur l’air de « La Marseillaise ») ? Contient-elle des citations ?

L’hymne comporte-t-il des paroles, et si c’est le cas, quelles en sont les marques linguistiques (lexicales, stylistiques, syntaxiques…) et énonciatives (le nous du collectif comme dans les hymnes français, allemand ou anglais, l’injonctif du mot d’ordre comme dans « La Marseillaise », le délocutif d’adresse comme dans « You’ll Never Walk Alone ») ? Quelle rhétorique propose-t-il (le genre épidictique comme « God Save the Queen », l’ethos collectif comme « Le Chant des Partisans », l’allégorie comme « Les Allobroges ») ? Quels messages véhicule-t-il ? Peut-on parler d’intertextualité (influences étrangères, citations littéraires, emprunts…) ? Le texte comporte-t-il des variantes ? Fait-il l’objet de traductions ? On pourra bien sûr s’intéresser au titre donné à l’hymne (l’officiel et, le cas échéant, l’officieux).

3/ Usages des hymnes

Où et quand les joue ou les chante-t-on ? Qui les joue ou les chante ? Qui refuse de les jouer ou de les chanter ? Comment les apprend-on ? Comment se diffusent-ils ? Comment sont-ils mis en scène au quotidien et dans les grandes occasions ? Quelles sont les mises en scène de l’hymne dans les modes de protestation, d’adhésion, de constitution en tant que collectif ? Comment les hymnes entrent-ils en concurrence ? Comment font-ils l’objet de détournements, de reprises ou de réécritures parodiques au sein ou à l’extérieur du collectif ? Que disent les citations musicales et textuelles ? Quelles relations se nouent entre les hymnes et d’autres symboles manifestant l’existence du collectif (drapeau, devise…) ? Quel rapport se noue entre l’hymne, le sacré et le profane ?

Quelle est la place des hymnes nationaux dans la musique, la littérature, la peinture, le cinéma, la sculpture, la philatélie ?

La perspective générale de ce dossier est comparative. Les travaux proposés pourront porter sur un hymne particulier, sur une catégorie d’hymnes, sur la comparaison de plusieurs hymnes, mais devront contribuer à cette problématique de la comparaison dans le temps, dans l’espace géographique et dans les espaces sociaux. La double dimension langagière et musicale, d’une part, et politique, d’autre part, devra évidemment être privilégiée.

Références

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Modalités de soumission

Les contributions pourront prendre la forme d’articles (maximum 45 000 signes tout compris) ou de notes de recherche (maximum 20 000 signes tout compris). Les auteurs devront soumettre aux trois coordinateurs, avant le 10 septembre 2019, un avant-projet (3 000 signes maximum tout compris), dont l’acceptation vaudra encouragement mais non pas engagement de publication. Les contributions devront être proposées aux trois coordinateurs avant le 15 décembre 2019.

Conformément aux règles habituelles de la revue, elles seront préalablement examinées par les coordinateurs du dossier, puis soumises à l’évaluation doublement anonyme de trois lecteurs français ou étrangers de différentes disciplines. Les réponses aux propositions de contributions seront données à leurs auteurs au plus tard fin mars 2020, après délibération du comité éditorial. La version définitive des articles devra être remise aux coordinateurs avant la fin du mois d’avril 2020.

Les textes devront respecter les règles de présentation habituellement appliquées par la revue (voir https://journals.openedition.org/​mots/​76). Ils devront être accompagnés d’un résumé et de cinq mots-clés qui, comme le titre de l’article, devront également être traduits en anglais et en espagnol.

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Coordination du dossier :

Paul Bacot

Politiste, professeur des universités émérite, Sciences Po Lyon, Triangle (UMR 5206)

paul.bacot@sciencespo-lyon.fr

Valérie Bonnet

Linguiste, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, Université Toulouse 3, LERASS (EA 827)

valerie.bonnet@free.fr

François Genton

Germaniste, professeur des universités, Université Grenoble-Alpes, ILCEA4/CERAAC (EA 7356)

francois.genton@univ-grenoble-alpes.fr