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Écrire la double appartenance dans la littérature hispanique (Metz)

Écrire la double appartenance dans la littérature hispanique (Metz)

Publié le par Marc Escola (Source : Gregoria Palomar)

Écrire la double appartenance dans la littérature hispanique

Colloque international

Metz, 24-25 janvier 2019

 

La relation « naturelle » entre l’expression littéraire (ou artistique) et un territoire d’origine ou d’appartenance, telle qu’elle avait été configurée en Europe à l’époque du romantisme national, s’est modifiée à partir de la deuxième moitié du xxe siècle. Les exils résultant de la Seconde Guerre mondiale ou de la Guerre froide, ceux qui ont été provoqués par les dictatures, tout comme les déplacements de population liés aux décolonisations multiples et à la globalisation ont favorisé l’émergence d’une littérature transnationale, brouillant les frontières territoriales et parfois se réclamant d’une extraterritorialité dont la « littérature-monde » francophone serait une expression. Tomás Albaladejo qualifie d’ectopique cette littérature qui « recouvre les phénomènes de déterritorialisation, reterritorialisation et transterritorialisation auxquels participent un nombre important d’écrivains représentatifs de la littérature interculturelle contemporaine [1] ». On observe alors l’apparition d’une transnationalité (ou plurinationalité ?) qui pourrait s’appliquer à des écrivains qui se sont inscrits dans deux, voire dans plusieurs champs culturels et/ou linguistiques et qui revendiquent cette double appartenance culturelle.

Cependant, André Malraux affirmait dans Le démon de l’absolu que « le colonel Lawrence d’Arabie disait par expérience que tout homme qui appartient réellement à deux cultures perdait son âme[2] », alors que Tzvetan Todorov, de retour dans son pays natal après un long exil constatait : « Ma double appartenance ne produisait qu’un résultat : à mes yeux mêmes, elle frappait d’inauthenticité chacun de mes deux discours, puisque chacun ne pouvait correspondre qu’à la moitié de mon être, or j’étais bien double[3] », comme s’il était difficile d’assumer une identité hybride.

Ce sentiment de double appartenance peut être le résultat d’un déplacement forcé : l’histoire récente de l’Espagne et de l’Amérique latine a généré de multiples exils. C’est le cas, par exemple, des Espagnols Michel del Castillo, Agustín Gómez Arcos, Jorge Semprún, ou bien de l’Argentin Hector Bianciotti. Mais ce sont également les descendants de ces exilés qui expriment, dans leurs écrits, un va-et-vient entre deux cultures, dans un phénomène « d’entre-captage entre langue d’accueil et langue d’origine[4] », comme le fait Lydie Salvayre dans son roman Pas pleurer ou dans une appropriation du passé familial, ou encore le Mexicain Jordi Soler dans Los rojos de ultramar ou le Français Juan Manuel Florenza dans Les mille et un jours des Cuevas, témoignant parfois de ce que l’on peut considérer comme une identité déchirée.  

S’agissant des littératures hispaniques, nous pouvons également nous interroger sur les rapports entre littérature nationale et régionale, ou sur la présence des cultures amérindiennes dans les œuvres latino-américaines, ou encore, comme le fait Ignacio Martínez de Pisón dans son roman La buena reputación, la coexistence, au sein d’une même famille, de la culture juive sépharade et chrétienne.

Il s’agira d’étudier comment les auteurs expriment ce sentiment de double appartenance, en étudiant différents aspects de cette hybridité linguistique et/ou culturelle. D’un point de vue thématique, nous verrons comment se manifestent, dans les fictions romanesques ou les créations poétiques, les conflits identitaires, ou l’hybridisme culturel.  Sur le plan linguistique, nous pourrons interroger les interférences résultant des situations de bilinguisme (plutôt psycholinguistique) et/ou de diglossie (plutôt sociolinguistique), comme définie par Charles A. Ferguson, affectant tant le signifiant que le signifié. Les influences des langues en contact seront abordées aussi bien sur le plan phonique que morphologique et sémantique et ne manqueront pas de convoquer les concepts d'emprunt, xénisme, citation, calque, adaptation, dans une approche descriptive mais aussi normative.

Ce colloque s’inscrit dans la continuité des travaux sur la construction mémorielle et les histoires littéraires de l’axe 3 du laboratoire Écritures, COMES (Constructions Mémorielles et Sacralisations). Il fait suite à une journée d’études organisée en décembre 2016 qui avait étudié les processus de reconnaissance et de canonisation des écrivains relevant de plusieurs littératures nationales pour voir comment les écrivains s’inscrivent dans l’histoire littéraire de l’un ou l’autre de leurs pays, de leur région par rapport à la nation.

Le colloque s’attachera aux œuvres d’écrivains (romanciers, dramaturges, poètes) espagnols ou latino-américains, exprimant dans leurs écrits une double appartenance ou d’écrivains français exprimant dans leurs œuvres une double identité française / hispanique.

*

Les langues du colloque seront le français et l’espagnol. Les propositions de communication de 15 lignes maximum sont à envoyer avant le 30 septembre 2018 à :

Gregoria Palomar : gregoria.palomar@univ-lorraine.fr

Stéphane Oury : stephane.oury@univ-lorraine.fr

 

Comité scientifique :

Manuel Aznar Soler, Universidad Autónoma de Barcelona

Raul Caplán, Université de Grenoble

Valentina Litvan, Université de Lorraine

Alexandra Oddo, Paris X-Nanterre

Stéphane Oury, Université de Lorraine

Gregoria Palomar, Université de Lorraine

Isabelle Reck, Université de Strasbourg

 

[1] Alfaro, Margarita, « De la littérature romande à la littérature interculturelle francophone en Europe. Adrien Pasquali ou la dualité dévastatrice de l’appartenance culturelle », in : Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses, Vol 27 (2012) p. 13-27.  

[2] Cité par Nowicki, Johanna, « Le dédoublement de la personnalité chez les exilés de l’Europe médiane », in Gérard Conio (dir.) Figures du double dans les littératures européennes, Lausanne, Cahiers de Cercle, 2001, p. 247.

[3] Todorov, Tzvetan, L’homme dépaysé, Paris : Éditions du Seuil, 1996, p. 17.

[4] Carmignani, Paul, « Entre exil et asile : les écrivains « linguistiquement délogés », Exils, Presses universitaires de perpignan, 2010, p. 144.