Actualité
Appels à contributions
Michèle Gazier, une traversée des frontières (Arras)

Michèle Gazier, une traversée des frontières (Arras)

Publié le par Marc Escola (Source : Evelyne Thoizet )

Appel à communication

Colloque : Michèle Gazier, une traversée des frontières.

Université d’Artois - ARRAS –  4 et 5 avril 2018

(Textes et cultures : axes Translittéraires, Praxis et esthétique des arts)

En présence de l’écrivain

 

Romancière, critique littéraire, traductrice et éditrice, Michèle Gazier traverse les frontières qui séparent les langues, la lecture critique et la création, les genres littéraires.

Une traversée des langues et des œuvres : de la traduction à la critique littéraire

Titulaire d’une maîtrise d’espagnol et du CAPES, Michèle Pardina (épouse Lepape, dite Michèle Gazier) enseigne l’espagnol en lycée et collège de 1970 à 1983. À partir des années 1980, elle contribue à faire découvrir de grands écrivains espagnols tels que Manuel Vázquez Montalbán ou Juan Marsé en traduisant leurs œuvres. Ses chroniques pour le quotidien Libération, dès 1983, traitent principalement de la littérature espagnole, italienne et portugaise.

Critique littéraire à l’hebdomadaire Télérama de 1983 à 2006, elle devient une grande figure de la vie littéraire contemporaine, couronnée en 1993 par le prix de la critique de Cognac. Elle écrit aussi des scénarios pour des documentaires, notamment pour la série dirigée par Bernard Rapp, « Un Siècle d’écrivains » : J.M.G. Le Clézio de Jacques Malaterre en 1996, le commentaire du portrait de Doris Lessing de Paule Zajdermann en 1997. Elle participe aussi à plusieurs portraits télévisuels en qualité de scénariste et d’intervieweuse : George Sand, une femme libre de Gérard Poitou-Weber, FR3, 2000 (coscénariste), Julio Cortazar de Gérard Poitou-Weber, 2005 (intervieweuse). Elle publie des témoignages, tels que Nathalie Sarraute, l’après-midi (collection Livre d'heures chez Naïve, dessins de Denis Deprez, 2010). Sa pratique de critique, d’abord contrainte par le format éditorial, trouve ainsi d’autres voies, comme celle des préfaces ou avant-propos (Le Poids du silence pour le récit Loin d’eux de Laurent Mauvignier en 2002).

Les nombreuses interviews que Michèle Gazier a conduites ont fécondé une forme hybride d’écriture, soit qu’elle opte pour des formes singulières de dialogue (par exemple avec Colette Deblé), soit qu’elle accompagne d’autres plasticiens, peintres, ou auteurs, autour des femmes pour livrer des portraits revisités (par exemple celui de Virginia Woolf, en bande dessinée, avec Bernard Ciccolini, Naïve, 2011). Cinq ouvrages sont ainsi les fruits de collaboration avec des artistes : Les Contes nomades de Leila Menchari, texte sur les vitrines d’Hermès (préface de Michel Tournier, sous la direction de Marie-Claude Char, Paris, Imprimerie nationale, 1999) ; Rencontre Michèle Gazier - Colette Deblé, dialogue. (L'Atelier des brisants, 2003), En souvenir de vous avec des dessins de Mariane Trintignant (Seuil), Dessins de Josep Grau Garriga (Dilecta 2011), Rotraut, portrait de l'artiste (Dilecta 2014).

Une traversée des frontières entre lecture et création : de la critique littéraire à l’écriture romanesque

La décennie 1990 lui fait franchir une nouvelle frontière : celle qui sépare la lecture critique de la création littéraire. Après un recueil de nouvelles, En sortant de l’école (1992), elle publie son premier roman en 1993. Alternent ensuite le format bref des nouvelles (Sorcières ordinaires, 1997 ; Noir Panthère, 2008 ; Au pied du mur et Fenêtre sur place aux éditions numériques Emoticourt, etc.) et le format long des romans.

Le fil directeur du franchissement des frontières que ce colloque propose d’étudier irrigue également la thématique des romans et des nouvelles. Michèle Gazier explore en effet, dans la dizaine de romans qu’elle a publiés, les frontières de l’identité et du corps dans leur dimension réaliste et fantastique. Le Fil de soie par exemple raconte le franchissement des épidermes : le couple de personnages parvient en effet à « franchir la frontière, l’ultime frontière, celle de l’épiderme qui couvre les corps mais surtout les sépare, les tient éloignés » (p. 222). Ce thème de la frontière qui emprisonne et qu'on franchit est décliné sous toutes ses formes, intimes et sociales, biographiques et fictives, spatiales et métaphoriques, historiques et contemporaines. Pris dans un cocon familial étouffant, les personnages cherchent à se libérer de la tyrannie d’une mère (La Fille), d’un père, de neveux (Le Merle bleu) ou de tantes, voire d’amants intrusifs (Noir et Or). Dans la lignée des grands romans des années 1930, de François Mauriac ou de Julien Green, Michèle Gazier reprend les thématiques sociales contemporaines pour les réinterpréter : l’intrus n’est pas forcément un parasite cynique que les apparences trompeuses pourraient confondre avec la figure de l’immigré (Le Merle bleu). Dans un microcosme familial ou social rongé par des secrets et parcouru par des rumeurs, le personnage peine à trouver sa place et souffre de blessures intimes insurmontables (Les Convalescentes). Les espaces naturels, familiaux et sociaux où se jouent ces drames expriment à la fois cette impossibilité d’ouvrir ou de garder ouvertes certaines portes et une aspiration à franchir malgré tout les frontières des castes sociales dans l’un ou l’autre sens (Noir et Or, Les Convalescentes). La satire, de l’humour léger à l’ironie mordante, épingle les codes des milieux sociaux (Abécédaire gourmand) en n’épargnant ni les dominants qui abusent de leur pouvoir, ni les dominés qui jouent parfois avec cynisme de leur infériorité sociale (Noir et Or). Cette dénonciation s’inscrit dans une Histoire que Michèle Gazier a vécue personnellement et dont les grandes scansions constituent sans doute la matrice de ses romans : la guerre d’Espagne (L’Homme à la canne grise, La Fille) et ses répercussions mais aussi le Front populaire et la guerre civile algérienne (Le Merle bleu). Sa connaissance de l’immigration la sensibilise aux enjeux interculturels ou transculturels. Figure du champ littéraire, signataire de lettres-pétitions, elle s’implique dans des débats contemporains cruciaux. Un exergue de Salman Rushdie ouvre son dernier roman, Silencieuse (2017), où est questionné le rôle de la parole et du récit dans une petite ville refermée sur elle-même : « chaque communauté est enfermée dans le récit qu’elle se fait d’elle-même ». Il nous invite à réfléchir au décloisonnement de l’entre soi et à la traversée des frontières.

Une traversée des frontières entre écriture et édition, animation et médiation.

En 2010, Michèle Gazier fonde les éditions des Busclats en collaboration avec Marie-Claude Char, épouse du poète René Char. À partir de 1995, elle endosse le nouveau rôle de membre du jury du Prix de l'écrit intime et participe à plusieurs jurys littéraires : le prix Printemps du roman de Saint-Louis en Alsace, le prix de la nouvelle du CROUS de Paris qu’elle a présidé pendant 13 ans.  Elle contribue à la création puis au comité de rédaction de la revue Nouvelles Nouvelles. Elle collabore à l’organisation et à l'animation de plusieurs événements littéraires parmi lesquels figure « Au coin de la place, la littérature » (rencontres littéraires autour de la librairie le Parefeuille à Uzès), avec l’Association Passages à Strasbourg. Elle a été la conseillère littéraire pour la Fête des Livres de la Ferté-Vidame jusqu’en 2015. Elle a fait partie du comité pour le centenaire René Char et de plusieurs commissions du CNL (Centre national du Livre) dont celles de la vie littéraire et de l'aide à la traduction. Elle a été membre du conseil supérieur des bibliothèques. Elle est chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres, chevalier de la légion d'honneur et officier de l'ordre du Mérite.

Elle compose de nombreuses anthologies, dont Romanciers du XXe siècle, essai (1990) et Écrivains du XIXe siècle, essai (1991) écrits en collaboration avec Pierre Lepape chez Marabout, Le Goût de la lecture (2010), Le Goût des mères (2012) et Le Goût du mariage (2015).

C’est aussi cette figure majeure de la vie littéraire française sous toutes ses formes que ce colloque propose d’éclairer en mettant au jour les interactions entre les différentes composantes du milieu littéraire des années 1980 à nos jours.

Bien que des études envisageant seulement une facette de l’œuvre de Michèle Gazier soient bienvenues, nous apprécierons les propositions qui croiseront ces différentes activités de traductrice, critique, romancière, éditrice etc. en questionnant les liens entre traduction et création littéraire, entre écriture critique et écriture romanesque, entre lecture et création, entre la connaissance de l’histoire, de la langue, de la vie espagnoles et les romans de l’écrivain, entre les pratiques diverses de la journaliste littéraire et les formes hybrides de son écriture. On pourra s’intéresser à l’influence de Michèle Gazier sur le monde des lettres et réciproquement, en s’interrogeant par exemple sur le rôle des traductions, des anthologies, des rééditions, des interviews dans la reconnaissance d’une œuvre comme telle.

Calendrier

Les propositions de communication, d’une vingtaine de lignes, seront envoyées aux deux adresses suivantes avant le 30 octobre 2017 : isabelle.rousselgillet@univ-artois.fr  et evelyne.thoizet@univ-artois.fr 

Elles seront accompagnées d’une présentation de l’auteur. Elles seront examinées par le comité scientifique du colloque qui répondra dans les meilleurs délais.

Les actes du colloque seront publiés.

Coordination : Isabelle Roussel-Gillet et Évelyne Thoizet.

 

Compléments bibliographiques

Romans et nouvelles

-        En sortant de l’école, nouvelles, [Julliard, 1992], Éditions du Seuil, coll. Points.

-        Histoire d’une femme sans histoire [Julliard, 1993], Éditions du Seuil, coll. Points. Prix Hermès du premier roman, prix du Cabri d’or de l’Académie cévenole, 1996.

-        Nativités, Éditions du Seuil, 1995.

-        Un Cercle de famille,  Éditions du Seuil, coll. Points, 1996.

-        Sorcières ordinaires, Nouvelles, [Calmann Levy, 1997], Gallimard, coll. Folio, 2000.

-        L’Été du secret, [Éditions du Seuil, 1999], coll. Points, 2004. 

-        Le Merle bleu, [Éditions du Seuil, 1999], coll. Points.  Prix Exbrayat, Prix Bibliothèque pour tous.

-        Les Vitrines Hermès, Contes nomades de Leïla Menchari, avec Leïla Menchari, Éditions Actes Sud, 1999.

-        Le Fil de soie, [Éditions du Seuil, 2001], coll. Points.

-        Les Garçons d'en face, Éditions du Seuil, 2003.

-        Parle-moi d'amour, collectif, Éditions Rageot Jeunesse, coll. Magnum, 2004.

-        Mont-Perdu, Éditions du Seuil, 2005.

-        Un soupçon d’indigo, Éditions du Seuil,  2008.

-        Noir panthère, Éditions Jean-Paul Bayol, 2008.

-        La Fille, Éditions du Seuil, 2010.

-        L’Homme à la canne grise, Éditions du Seuil, 2012.

-        Les Convalescentes, Éditions du Seuil, 2014.

-        Noir et Or, avec Pierre Lepage, Éditions du Seuil, 2015.

-        Silencieuse, Éditions du Seuil, 2017.  

Essais

- Or et monnaie chez Martin de Azpilcueta, Essai et traduction en collaboration avec Bernard Gazier,  Recherches Panthéon Sorbonne, Paris I, Éditions Economica, 1978.

- En souvenir de vous, Dessins de Marianne Trintignant, Éditions du Seuil, 2006.

- L’Espagne, d’hier et de demain,  Aubanel, 2008.

Anthologies 

- Romanciers du XXe siècle, en collaboration avec Pierre Lepape, Marabout, 1990.

- Écrivains du XIXe siècle, en collaboration avec Pierre Lepape, Marabout, 1991.

- Le Goût de la lecture, Textes choisis et présentés par Michèle Gazier, Mercure de France, 2010.  

- Le Goût des mères, Textes choisis et présentés par Michèle Gazier, Mercure de France, 2012.

- Le Goût du mariage, Textes choisis et présentés par Michèle Gazier, Mercure de France, 2015.

Traductions

- Juan Marsé, L'obscure histoire de ma cousine Montsé, Éditions Le Sycomore, 1981.

- Francisco Umbral, Le Chapelet d'amours, Hachette, 1981.

- Manuel Vasquez Montalban, Marquises, si vos rivages, Éditions Le Sycomore, 1979. La Solitude du manager, Éditions Le Sycomore, 1981. Meurtre au comité central, [Éditions Le Sycomore, 1982], Seuil, coll. Points 2013. Les Oiseaux de Bangkok, [Éditions du Seuil, 1987], coll. Points, 2009. Les Mers du sud, [Éditions du Seuil, 1988], Seuil, coll. Points. Le Pianiste, [Éditions du Seuil, 1988], Seuil, coll. Points. Happy End, Éditions Complexe, 1989. Tatouage, Christian Bourgois Éditions, 1990.  

 

Bibliographie complémentaire de/avec Michèle Gazier :

  • Michèle Gazier, « Penser, rêver, écrire en plusieurs langues », Interculturel, enjeux et pratiques…, Artois Presse Université, 2015.
  • Sur Nathalie Sarraute : http://remue.net/spip.php?article186
  • Michèle Gazier, « L'âtre et la fenêtre » in colloque Le Royaume intermédiaire. Psychanalyse et littérature autour de J.-B Pontalis, Gallimard, Folio Essai, 2007.
  • Michèle Gazier, « Habiter le pays de sa langue », in Littératures et musiques dans la mondialisation, XXe – XXIe siècles. Anaïs Fléchet et Marie-Françoise Lévy (dir.), Presses de la Sorbonne, 2015. Actes du colloque Circulations littéraires et musicales au XXe, 14-15 mars 2013, Paris IV. 
  • Abécédaire gourmand, Nil Eds, collection Exquis d'écrivains, 2008.
  • L'Andorre de Michèle Gazier, émission L’espace francophone, FR3, 28 minutes, première diffusion le 4 octobre 2016.