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À contre-pont (Revue TRANS-, n°24)

À contre-pont (Revue TRANS-, n°24)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Sana M'selmi)

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Appel à contributions du n° 24 de la revue TRANS—

"À contre-pont "

Symbole évident des passages, des transitions, des traversées initiatiques, le pont, figure récurrente de la littérature, est une métaphore aisée pour signifier l’union ou la circulation. L’histoire des ponts remonte aux origines de l’humanité, ils renvoient à nos voyages et à nos guerres, aux entreprises commerciales et aux progrès de nos techniques, et on ne peut que souscrire à ce vibrant hommage rendu par l’écrivain de langue serbo-croate Ivo Andrić : « De tout ce que l’homme dans son élan vital élève ou construit, il n’est rien à mes yeux de mieux ni de plus précieux que les ponts. Ils ont plus d’importance que les maisons, un caractère plus sacré, parce que plus commun à tous, que les temples​​[1]. » Pourtant, c’est à « contre-pont » que nous voudrions aller dans cet appel, en dépassant une vision lénifiante de cette figure.

L’imaginaire du pont, en effet, nous fait parfois oublier l’évidence de son origine : il n’y a pas de pont sans obstacle, sans un vide, de la différence dans l’ordre du monde. Dans son court article intitulé « Pont et porte », Simmel invitait à se méfier de la promesse d’union figurée par les ponts : si le pont établit un contact, il rend sensible aussi l’écart incompressible qui sépare les deux rives[2]. C’est pourquoi les ponts nous invitent à questionner non pas seulement des jonctions mais aussi la nature discontinue de ce qu’ils mettent en relation. Aux aspirations à la fusion, au leurre de l’assimilation, le pont oppose une pensée du rapport à l’autre qui intègre la distance. Ainsi n’est-il pas étonnant de trouver, parmi les écrivains amateurs de ponts, des auteurs qui pratiquent l’art du fragment, tels Rimbaud ou, plus près de nous, Pascal Quignard.

L’étude attentive de ponts figurés par des œuvres littéraires peut aider à faire vaciller la métaphore du pont pour que, de pontifiante, elle devienne signifiante. Afin de saisir la complexité de ce mouvement, il nous paraît essentiel de le poser à l’intersection de plusieurs approches critiques et disciplinaires. Des propositions qui croiseront les études littéraires avec des réflexions d’ingénieurs, d’architectes, de philosophes, d’historiens, de géopoliticiens, d’urbanistes seront donc particulièrement bienvenues. Nourrie par les réflexions issues d’autres champs disciplinaires, c’est donc la figure du pont qui devra être interrogée comme reconfiguration et construction discursive de ces imaginaires et savoirs pluriels.

Le lieu d’un passage

Un pont semble se définir comme un lieu faisant lien. Chez les Anciens, le pontos désignait un lieu de passage, notamment la mer Noire, le « Pont Euxin », au-delà duquel se trouvaient, pour les Grecs, les barbares. Se pose alors toute une série de questions sur les modalités du passage. Quelle peut bien être la nature des espaces qui n’existent que pour les bords qu’ils rattachent ? Dans Le pont traversé, Paulhan remarque que l’expression traverser un pont est apparemment illogique puisque « on ne traverse un chemin que dans sa largeur ; car y marcher dans sa longueur, c’est le suivre[3] ». Paulhan toutefois utilise lui-même l’expression dans le titre de son livre, comme pour suggérer que relier deux points séparés est un acte plus complexe et plus périlleux que suivre un chemin. L’étrangeté de l’expression traverser un pont ouvre alors une première piste de réflexion qui encourage à penser la relation non seulement comme un rapprochement, mais aussi comme une découverte de ce qui résiste au passage, de quelque chose contre quoi on achoppe et qui fait nous trébucher.

Relier au passé, à l’avenir

Envisagé à contre-espace puisqu’en termes d’achoppement et d’écart, le pont invite aussi à considérer le temps en termes de continuités et de discontinuités. Lorsqu’il publie Le Pont sur la Drina, Ivo Andrić croit encore en un monde susceptible d’être rendu cohérent par l’accumulation positive du temps, un monde où les ponts soudent et défient la mort et l’oubli. Dans Oublier, trahir puis disparaître, l’écrivain français Camille de Toledo remarque qu’il « n’est pas étonnant de voir, ici ou là, dans beaucoup de livres de notre époque transitoire, des figures de ponts. Nous, les derniers-nés du vingtième siècle, nous avons eu la charge de relier deux époques, deux mondes qui se tournent le dos[4] ». Or, cette charge semble devenue irrémédiablement trop lourde. Les figures de ponts que les romanciers contemporains intègrent dans leur fiction sont souvent fuyantes ou insaisissables. Les ponts s’écroulent comme chez Vitaliano Trevisan[5], se révèlent mirage (Mathias Enard[6]) ou alors vestige (Francesco Pecoraro[7]), voire puits (Trajei Vesaas[8]). Même quand la naissance d’un pont signe la promesse d’un nouvel ordre de relations, elle s’accompagne de compromis et de ruptures (Maylis de Kerangal[9]). S’interroger sur les ponts qui peuplent (et peut-être même hantent) la littérature contemporaine revient alors à se demander comment nos relations reflètent ou altèrent notre rapport au temps. Alors qu’on pense spontanément à l’eau qui coule ou au fleuve dans lequel on ne se baigne pas deux fois pour représenter le passage du temps, l’échec de ces ponts semble renvoyer à un temps qui ne passe pas, ou plutôt qui passe de travers.

Politiques du pont 

Les ponts sont souvent au centre de tensions géopolitiques : lieux de passage pour les migrants, comme le pont Simon Bolivar entre la Colombie et le Venezuela, mais aussi points de contrôle tel que le pont Allenby en Cisjordanie. En Europe, pendant que des ponts de papier circulent sur les billets de banque comme symboles de réconciliation, d’ouverture et d’union, les ponts réels deviennent souvent le dernier refuge pour des demandeurs d’asile, preuve patente d’un hiatus dans les proclamations d’unité et d’ouverture des pays européens. C’est pourquoi les ponts mériteraient sans doute d’être libérés de la mystique du lien au profit d’une observation plus fine des formes de vie qu’ils rendent possibles ou qu’ils contrarient.   

Dès que l’attention est portée sur le singulier, le symbole se diffracte et laisse la place à des objets de réflexion plus ténus, incertains et conflictuels, à l’image de notre époque essoufflée par les mouvements contradictoires du repli et de l’ouverture. On pourra analyser ici les enjeux plus spécifiquement politiques de la figure du pont, en se demandant notamment si elle peut nous amener à élucider ou imaginer de nouvelles formes de sociabilité.

Ce numéro de la revue Trans sera donc consacré non pas au pont, mais à des ponts, qui peuvent être aussi bien réels qu’imaginaires, peints, sculptés, filmés, racontés ou déconstruits. Ce sujet n’est exclusif d’aucune période ni d’aucun genre, mais devra s’associer à une approche comparatiste qui peut prendre la forme d’une comparaison entre différents objets - des ponts appartenant à des géographies, des histoires, des littératures ou des techniques différentes - mais qui peut aussi s’entendre comme la rencontre de plusieurs méthodes, comme l’excursion d’un regard scientifique dans une œuvre romanesque, ou l’approche historique d’un concept.

Les propositions d'articles (3000 signes), accompagnées d’une brève bibliographie et d’une courte présentation du rédacteur doivent être envoyées avant le 20 septembre 2018 en fichier .DOC ou .RTF à l’adresse lgcrevue@gmail.com. Les articles retenus seront à envoyer avant le 10 janvier 2019. Nous rappelons que la revue de littérature générale et comparée TRANS- accepte les articles rédigés en français, anglais, italien et espagnol.

 

[1] Ivo  Andrić, Mostovi, 1933, http://www.yurope.com/people/nena/Zabeleske/Ivo_Andric/Mostovi.html, consulté le 06/05/18 ; traduit en français par  Alain Cappon, « Les Ponts », Europe n°960, avril 2009, p. 308-310.

[2] Simmel, G., « Pont et porte » (traduit de l’allemand par Sabine Cornille et Philippe Ivernel), in Simmel, G., La Tragédie de la culture, Paris, Rivages, 1988.

[3]  Félicité de Genlis, Œuvres complètes, t.V, Histoires, mémoires et romans historiques, Bruxelles, P.J. de Mat, 1828, p.90. Passage cité par Paulhan dans Le pont traversé (1921), Œuvres complètes, t.1, Paris, Gallimard, 2006, p.158.

[4] Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Paris, Seuil, 2014, p.118.

[5] Vitaliano Trevisan, Le pont : un effondrement, Paris, Gallimard, 2009. 

[6] Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Paris, Actes sud, 2010.

[7] Francesco Pecoraro, La vie en temps de paix, Paris, J.-C. Lattès, [2013] 2017.

[8] Trajei Vesaas, Les ponts, Paris, Autrement, [1966] 2003.

[9] Maylis de Kerangal, Naissance d’un pont, Paris, Verticales, 2010. 

 

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Call for papers for the 24th issue of TRANS- 

 

Contra-bridges

An obvious symbol of crossings, transitions and rites of passage, the bridge, a recurrent figure in literature, is a natural metaphor for signifying union or circulation. The history of bridges goes back to the origins of humanity, it reminds us of our travels, our wars, our commercial enterprises, and the progress of our technology. We can only adhere to the vibrant homage paid by the Serbo-Croatian language writer Ivo Andrić: “Of all that man in his vital impetus has produced or built, there is nothing in my eyes better or more precious than bridges. They are more important than houses and have a more sacred nature than temples because they are more common to all[1].” However, it is from a position “against bridges” (à « contre pont ») that we make this call for papers, a call to go beyond the placatory vision of this figure.

            The imagination surrounding bridges, indeed, sometimes leads us to forget the self-evident nature of their origins: there are no bridges without obstacles, without empty spaces, without difference in the world order. In his short article entitled “Bridge and Door”, Simmel asked us to be wary of the promise of union figuratively represented by bridges: if the bridge establishes a point of contact, it also draws attention to the incompressible gap that separates the two banks[2].” Therefore, bridges lead us to question not only junctions, but also the discontinuous nature of what they connect. In integrating distance in the relation to the other, the bridge pits itself against aspirations to fusion and the illusion of assimilation. It is thereby not surprising to find, among writers writing about bridges, authors who practice the art of fragmentation, such as Rimbaud or more recently, Pascal Quignard.

            An attentive study of bridges figured in literary works can help unhinge the metaphor of the bridge from a pontificating vision, toward a signifying one. In order to grasp the complexity of this movement, it is essential to consider it at the intersection of several critical and disciplinary approaches. Proposals that integrate literary studies and ideas from the fields of engineering, architecture, philosophy, history, geopolitics and urbanism are of particular interest to us. Thriving on reflections from other disciplines, the figure of the bridge will be examined as a reconfiguration and “discursive” construction of our imagination and of the plurality of our disciplines.

 

A place of crossing

            A bridge seems to be defined as a place of connection. In Antiquity, pontos designated a place of crossing, such as the Black Sea, the “Pontus Euxinus,” beyond which, for the Greeks, the Barbarians could be found. A series of questions about the modalities of passage can then be asked. What is the nature of these spaces that exist only through the banks they bring together? In The Bridge Crossed, Paulhan notes that the expression to cross a bridge is clearly illogical since “we can only cross a path by walking its width; as walking its length is following it[3]”. Nonetheless, Paulhan himself makes use of the expression in the title of his book, as if to suggest that linking two separate points is a more complex and perilous act than following a path. The strangeness of the expression to cross a bridge provides us with a first point of reflection that encourages us to think of relation not only as what brings things together, but also as the discovery of what resists passage, as something over which we might falter, something that makes us stumble.

 

Link to the past, to the future

            Considered negatively, in terms of the obstacles or distances it engenders, the bridge also invites us to consider time in terms of continuity and discontinuity. When he published The Bridge on the Drina, Ivo Andrić still believed in a world that could potentially be rendered coherent by the positive accumulation of time, a world where bridges bring things together and defy death and oblivion. In Oublier, trahir puis disparaître, the French writer Camille de Toledo notes that it « is not surprising to see, here and there, in many books about our transitory era, bridge figures. We, the last ones born in the twentieth century, have taken on the linking of two eras, two worlds that are turning their backs on one another[4].”

Yet, this task seems to have become irremediably too difficult. Figures of bridges that contemporary novelists integrate in their fiction are often fleeting or elusive. Bridges crumble like in Vitaliano Travisan[5]’s work, reveal themselves as mirages (Mathias Enard[6]), or vestiges (Francesco Pecoraro[7]), or even wells (Trajei Vesaas[8]). Even when the erection of a bridge brings the promise of a new order of relations, it comes with compromises and separations (Maylis de Kerangal[9]). Questioning bridges that inhabit (and maybe even haunt) contemporary literature therefore implies asking ourselves how our relationships reflect or alter our relationship to time. Although we spontaneously think of water flowing, or of a river in which we never bathe twice to represent the passage of time, the failure of these bridges seems to point to a sort of time that doesn’t go by, or rather that goes through

 

The politics of bridges

Bridges are often centers of geopolitical tension: places of crossing for migrants, like the Simon Bolivar bridge between Colombia and Venezuela, but also points of control such as the Allenby Bridge in the West Bank. In Europe, while paper bridges circulate on currency, as symbols of reconciliation, openness and union, real bridges often become the last refuge for asylum seekers, patent proof of a hiatus in the proclamations of unity and openness between European countries. For these reasons, bridges, doubtless, merit to be freed of the mysticism of the link, in favor of the finer observation of the ways of life they make possible or that they impede.

            As soon as attention is paid to the singular, the symbol diffracts and makes room for more tenuous, uncertain, and conflictual objects of reflection, keeping with our era drained by the contradictory movements of openness and withdrawal. We might analyze here more specifically political concerns related to the figure of the bridge, in asking ourselves, for example, if this figure might shed light on or help us to imagine new forms of sociability.

 

            This issue of the journal TRANS- will be devoted not to the bridge, but to bridges, be they real or imaginary, painted, sculpted, filmed, recounted or deconstructed. This subject is not exclusive to any time period or genre. It does however require a comparative approach that can take the form of a comparison between different objects – bridges coming from geographies, histories, literatures, or technologies – and can be understood as a meeting point of several approaches, and as the excursion of a scientific perspective in a work of fiction, or an historical approach to a concept. Proposals (3000 characters), accompanied by a short bibliography and a short description of the author, must be sent before September 20th 2018 in .DOC or .RTF format to lgcrevue@gmail.com. Selected articles must then be sent before January 10th 2019. We remind you that the journal of comparative literature TRANS- accepts articles written in French, English, Italian Spanish.

 

[1] Ivo Andrić, Mostovi, 1933, http://www.yurope.com/people/nena/Zabeleske/Ivo_Andric/Mostovi.html, consulted 06/05/18 ; Translated from the French translation by Alain Cappon, « Les Ponts », Europe n°960, April 2009, p. 308-310. « De tout ce que l’homme dans son élan vital élève ou construit, il n’est rien à mes yeux de mieux ni de plus précieux que les ponts. Ils ont plus d’importance que les maisons, un caractère plus sacré, parce que plus commun à tous, que les temples. »

[2] Simmel, G., « Pont et porte » (translated from German by Sabine Cornille et Philippe Ivernel), in Simmel, G., La Tragédie de la culture, Paris, Rivages, 1988.

[3]  Translated from French: « on ne traverse un chemin que dans sa largeur ; car y marcher dans sa longueur, c’est le suivre ». Félicité de Genlis, Œuvres complètes, t.V, Histoires, mémoires et romans historiques, Bruxelles, P.J. de Mat, 1828, p.90. Passage cité par Paulhan dans Le pont traversé (1921), Œuvres complètes, t.1, Paris, Gallimard, 2006, p.158.

[4]Translated from French: « n’est pas étonnant de voir, ici ou là, dans beaucoup de livres de notre époque transitoire, des figures de ponts. Nous, les derniers-nés du vingtième siècle, nous avons eu la charge de relier deux époques, deux mondes qui se tournent le dos ».  Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Paris, Seuil, 2014, p.118.

[5] Vitaliano Trevisan, Le pont : un effondrement, Paris, Gallimard, 2009. 

[6] Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Paris, Actes sud, 2010.

[7] Francesco Pecoraro, La vie en temps de paix, Paris, J.-C. Lattès, [2013] 2017.

[8] Trajei Vesaas, Les ponts, Paris, Autrement, [1966] 2003.

[9] Maylis de Kerangal, Naissance d’un pont, Paris, Verticales, 2010. 

 

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Convocatoria para publicar en el n° 24 de la revista TRANS—

 

A contra-puente

Símbolo evidente de pasajes, transiciones y travesías iniciáticas, el puente, imagen recurrente de la literatura, es una metáfora privilegiada para describir la unión o la circulación. La historia de los puentes se remonta a los orígenes de la humanidad, remitiendo a nuestros viajes y guerras, a las empresas comerciales y a los progresos de nuestras técnicas, de modo que no cabe sino suscribir el vibrante homenaje ofrecido por el escritor en lengua serbo-croata Ivo Andrić: “De todo lo que el hombre levanta o construye en su ímpetu vital, no hay a mis ojos nada mejor ni más bello que los  puentes. Más importantes que una casa, de caracter más sagrado, por cuanto más cercano a todos, que los templos[1]”. Sin embargo, en esta convocatoria nos gustaría ir a “contra-puente” para superar la visión lenitiva de esta figura.

El imaginario del puente, en efecto, nos hace olvidar a veces la evidencia de su origen: no hay puente sin obstáculo, sin un vacío, sin una diferencia en el orden del mundo. En su artículo “Puente y puerta”, Simmel invitaba a desconfiar de la promesa de unión simbolizada por los puentes: si el puente establece un contacto, también hace sensible la distancia irreducible que separa dos márgenes[2]. Es por ello que los puentes nos invitan a cuestionar no solamente los enlaces sino también la naturaleza discontinua de aquello que unen. Contra las aspiraciones de fusión, contra la ilusión de la asimilación, el puente opone un pensamiento de la relación al otro que integra la distancia. Así, no es sorprendente encontrar, entre los escritores aficionados a los puentes, a autores que practican el arte del fragmento, tales como Rimbaud o, más cercano a nuestros días, Pascal Quignard.

El estudio minucioso de los puentes por las obras literarias puede ayudar a hacer oscilar la metáfora del puente para que, de pontificante, pase a ser significante. Con el fin de capturar la complejidad de este movimiento, creemos que es esencial situarlo en la intersección de varias perspectivas críticas y disciplinarias. Las proposiciones que integren los estudios literarios con una reflexión sobre ingeniería, arquitectura, filosofía, historia, geopolítica o urbanismo serán particularmente apreciadas. Así, enriquecida con las reflexiones surgidas de otras disciplinas, la figura del puente deberá ser examinada como una reconfiguración y construcción discursiva de esos imaginarios y saberes plurales.

 

Un lugar de paso

El puente parece definirse como un lugar de unión. En la Antigüedad, el pontos designaba un lugar de paso, especialmente el Mar Negro, el “Ponto Euxino”, más allá del cual se encontraban, para los Griegos, los bárbaros. Aparece así toda una serie de preguntas sobre las modalidades del pasaje. ¿Cuál puede ser la naturaleza de unos espacios que no existen sino en función de las orillas que unen? En El puente atravesado, Paulhan señala que la expresión atravesar un puente parece ser ilógica, ya que “no se puede atravesar un camino más que a lo ancho; puesto que caminar a lo largo es seguirlo[3]”. No obstante, Paulhan utiliza la expresión en el título de su libro, quizá para sugerir que el acto de unir dos puntos separados es más complejo y peligroso que el de seguir un camino. La singularidad de la expresión atravesar un puente abre así una primera pista de reflexión que anima a pensar la relación no solamente como un acercamiento, sino también como un descubrimiento de aquello que se resiste al pasaje, de algo con lo que nos topamos y que nos hace tropezar.

 

Unir al pasado, al futuro

Contemplado como un contra-espacio en términos de obstáculo y distancia, el puente invita igualmente a considerar el tiempo en términos de continuidades y discontinuidades. Al publicar Un puente sobre el Drina, Ivo Andrić cree todavía en un mundo susceptible de parecer coherente a través de la acumulación positiva del tiempo, un mundo donde los puentes sueldan y desafían a la muerte y el olvido. En Oublier, trahir puis disparaître, el escritor francés Camille de Toledo subraya que “no es extraño ver, aquí o allá, en muchos libros de nuestra época transitoria, la figura del puente. Nosotros, los últimos nacidos del siglo veinte, nos hemos encargado de unir dos épocas, dos mundos que se dan la espalda[4]”. Ahora bien, esta carga parece haberse convertido irremediablemente en algo demasiado pesado. Las figuras de los puentes que los escritores contemporáneos integran en su ficción son a menudo esquivas o inasequibles. Los puentes se derrumban en la obra de Vitalino Trevisan[5], resultan ser un espejismo para Mathias Enard[6], un vestigio en el caso de Francesco Pecoraro[7] e incluso un pozo para Trajei Vesaas[8]. Incluso cuando el nacimiento de un pozo señala la promesa de un nuevo orden de relaciones, ésta viene acompañada de compromisos y rupturas (Maylis de Kerangal[9]). Preguntarse acerca de los puentes que pueblan (y quizá incluso atormentan) la literatura contemporánea significan entonces cuestionarse sobre el modo en que nuestras relaciones reflejan o alteran nuestra relación con el tiempo. Así, del mismo modo que para representar el paso del tiempo se piensa espontáneamente en el agua que fluye o en el río en el que nadie puede bañarse dos veces, el fracaso de estos puentes parece remitir a un tiempo que no transcurre, o más bien que pasa defectuosamente.

 

Políticas del puente

Los puentes se encuentran a menudo en el centro de las tensiones geopolíticas: lugares de paso para los migrantes, como el puente Simón Bolívar entre Colombia y Venezuela, pero también puntos de control como el puente Allenby en Cisjordania. En Europa, mientras los puentes circulan en los billetes de papel moneda como símbolos de reconciliación, de apertura y de unión, los puentes reales se convierten a menudo en el último refugio para los solicitantes de asilo, prueba patente de un hiato entre las proclamaciones de unidad y de apertura de los países europeos. Es por ello que los puentes merecerían sin duda ser liberados de la mística del enlace en beneficio de una observación más precisa de las formas de vida que posibilitan o impiden.

Basta con prestar atención al singular para que el símbolo se difracte y abra el espacio a objetos de reflexión más sutiles, inciertos y conflictivos, a imagen de esta época sin aliento por los movimientos contradictorios de repliegue y apertura. Cabrá pues analizar las vertientes más específicamente políticas de la figura del puente, preguntándose sobre todo si ésta puede llevarnos a elucidar o imaginar nuevas formas de sociabilidad.

Este número de la revista Trans- estará pues consagrado no al puente, sino a los puentes, que podrán ser tan reales como imaginarios, pintados, esculpidos, filmados, narrados o deconstruidos. El tema no es exclusivo de ningún periodo o género, pero deberá asociarse a una perspectiva comparatista que puede presentarse como una comparación entre diversos objetos —puentes pertenecientes a geografías, historias, literaturas o técnicas diferentes— pero igualmente puede entenderse como la unión o el cruce de varios métodos, como la excursión de una mirada científica por una obra literaria, o la perspectiva histórica de un concepto. Las propuestas de artículos (3000 caracteres), acompañadas de une breve bibliografía y una presentación sucinta del redactor deberán enviarse antes del 20 de septiembre de 2018 en un archivo .doc o .rtf a la dirección lgcrevue@gmail.com. Los artículos seleccionados deberán ser remitidos antes del 10 de enero de 2019. Recordamos que la revista de literatura general y comparada TRANS- acepta artículos redactados en francés, inglés, italiano y español.

 

[1] Ivo Andrić, Mostovi, 1933, http://www.yurope.com/people/nena/Zabeleske/Ivo_Andric/Mostovi.html, consultado el 06/05/18; traducido en francés por Alain Cappon, “Les Ponts”, Europe n°960, abril 2009, p. 308-310.

[2] Simmel, G., “Pont et porte” (traducido del alemán por Sabine Cornille y Philippe Ivernel), in Simmel, G., La Tragédie de la culture, Paris, Rivages, 1988.

[3]  Félicité de Genlis, Œvres complètes, t.V, Histoires, mémoires et romans historiques, Bruselas, P.J. de Mat, 1828, p.90. Pasaje citado por Paulhan en Le pont traversé (1921), Œuvres complètes, t.1, Paris, Gallimard, 2006, p.158.

[4] Traducido del francés: « n’est pas étonnant de voir, ici ou là, dans beaucoup de livres de notre époque transitoire, des figures de ponts. Nous, les derniers-nés du vingtième siècle, nous avons eu la charge de relier deux époques, deux mondes qui se tournent le dos ». Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Paris, Seuil, 2014, p.118.

[5] Vitaliano Trevisan, Le pont : un effondrement, Paris, Gallimard, 2009.

[6] Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Paris, Actes sud, 2010.

[7] Francesco Pecoraro, La vie en temps de paix, Paris, J.-C. Lattès, [2013] 2017.

[8] Trajei Vesaas, Les ponts, Paris, Autrement, [1966] 2003.     

[9] Maylis de Kerangal, Naissance d'un pont, Paris, Verticales, 2010.

 

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Appello a contributi per il n°24 della rivista TRANS-

 

À contre-pont

Simbolo evidente di passaggi, transizioni e traversate iniziatiche, il ponte, figura ricorrente della letteratura, è una facile metafora per rappresentare l’unione o la circolazione. La sua storia risale alle origini dell’umanità e rinvia ai nostri viaggi e alle nostre guerre, alle imprese commerciali e al progresso delle nostre tecniche, e non possiamo che sottoscrivere con partecipazione l’omaggio reso dallo scrittore serbo-croato Ivo Andrić : « Di tutte le cose che l’uomo, nel suo slancio vitale, innalza o costruisce, nulla ai miei occhi è più prezioso dei ponti. Più importanti delle case, hanno un carattere più sacro, perché più condiviso da tutti, dei templi»[1]. È tuttavia «à contre-pont», verso il superamento di una visione rassicurante di questa figura, che questo appello vorrebbe andare.

L’immaginario del ponte può infatti occultare l’evidenza della sua origine: non esiste ponte senza ostacolo, senza un vuoto, una differenza nell’ordine del mondo. Nel suo breve articolo intitolato «Ponte e Porta», Simmel invitava a diffidare della promessa di unione offerta dalla figura dei ponti: se stabilisce un contatto, il ponte rende anche sensibile la separazione tra le due rive[2]. I ponti invitano perciò a interrogarsi non soltanto sul contatto, ma anche sulle discontinuità tra le parti che mettono in relazione. Alle aspirazioni di fusione, all’illusione di simbiosi, il ponte oppone un pensiero del rapporto all’altro che integra in sé la distanza. E non sorprende dunque ritrovare, tra gli amanti dei ponti, scrittori che praticano il frammento, come Rimbaud o, tra i più vicini a noi, Pascal Quignard.

Lo studio attento delle figure di ponte attraverso le opere letterarie può aiutare a mettere in crisi la metafora del ponte affinché, da pontificante, divenga significante. Per cogliere la complessità di questo movimento, sembra essenziale situarsi all’incrocio di diversi approcci critici e disciplinari. Saranno particolarmente benvenute quelle proposte in cui gli studi letterari incontrano le riflessioni d’ingegneri, architetti, filosofi, storici, geopolitici e urbanisti. Nutrita dagli apporti provenienti da altre discipline, la figura del ponte dovrà essere interrogata come riconfigurazione e costruzione «discorsiva» di questi immaginari e di questi saperi plurali.

 

Il luogo di un passaggio

Un ponte sembra definirsi come un luogo che fa legame. Nell’antichità pontos designava un luogo di passaggio, nello specifico il Mar Nero, il Ponto Eusino, al di là del quale secondo i greci si trovavano i barbari. Ecco allora porsi tutta una serie di domande sulle modalità del passaggio. quale può essere la natura di uno spazio che non esiste al di fuori dei margini che lo collegano a un altro? In Il ponte attraversato, Paulhan sottolinea come l’espressione attraversare un ponte sia apparentemente illogica, visto che «una strada si attraversa solo in larghezza: percorrerla in lunghezza significa seguirla»[3]. Paulhan stesso però sceglie quest’espressione come titolo per suo libro, quasi a suggerire che unire due ponti separati è un gesto più complesso e accidentato di seguire una strada. La stranezza dell’espressione attraversare un ponte apre allora un primo sentiero di riflessione che incoraggia a pensare la relazione non soltanto come avvicinamento, ma anche come scoperta di ciò che resiste al passaggio, di qualche cosa contro la quale inciampiamo e che ci fa vacillare.

 

Legare al passato, al futuro

Considerato à contre-espace perché in termini di ostacolo e di distanza, il ponte invita a considerare anche il tempo in termini di continuità e discontinuità. Quando pubblica Il ponte sulla Drina, Ivo Andrić crede ancora in un mondo suscettibile di essere reso coerente dall’accumulazione positiva di tempo, un mondo nel quale i ponti si saldino tra loro per sfidare la morte e l’oblio. In Oublier , trahir puis disparaitre [Dimenticare, tradire e poi scomparire], lo scrittore francese Camille de Toledo ricorda che «non è affatto raro trovare, qua e là, nei libri della nostra epoca, figure di ponti. Noi gli ultimi nati del ventesimo secolo, abbiamo il compito di legare tra loro due epoche, due mondi che si danno le spalle»[4]. Ma questo compito sembra divenuto ormai troppo oneroso. Le figure di ponti che i romanzieri contemporanei integrano nei propri romanzi sono spesso sfuggenti o inafferrabili. I ponti crollano (Vitaliano Trevisan[5]), si rivelano un miraggio (Mathias Enard[6]) o vestigia (Francesco Pecoraro[7]), addirittura pozzi (Tarjei Vesaas[8]). Anche quando la nascita di un ponte segna la promessa di un nuovo ordine di relazioni, essa si accompagna a compromessi e rotture (Maylis de Kerangal[9]). Interrogarsi sui ponti che popolano (e forse infestano) la letteratura contemporanea significa allora chiedersi in che modo le nostre relazioni riflettono o alterano il nostro rapporto al tempo. Se per rappresentare il passaggio del tempo pensiamo spontaneamente all’acqua che scorre o al fiume nel quale non ci si può bagnare due volte, il fallimento di questi ponti sembra rinviare a un tempo che non scorre o, meglio, che scorre attraverso.

 

Politiche del ponte

I ponti sono spesso al centro di tensioni geopolitiche: luoghi di passaggio per i migranti, come il ponte Simon Bolivar tra Colombia e Venezuela, ma anche punti di controllo, come il ponte Allenby in Cisgiordania. Mentre in Europa ponti di carta circolano sulle banconote come simboli di riconciliazione, apertura e unione, i ponti reali divengono spesso l’ultimo rifugio per i richiedenti asilo, prova lampante di uno iato tra le dichiarazioni d’unità dei paesi europei e la loro realizzazione. Ecco perché i ponti meriterebbero senza dubbio di essere liberati della mistica del legame a vantaggio di un’osservazione più sottile delle forme di vita che li rendono possibili o che vi si oppongono.

Non appena l’attenzione si concentra sul singolare, il simbolo si diffrange, lasciando il posto a oggetti di riflessione più opachi, incerti e conflittuali, immagini della nostra epoca affaticata dal moto contraddittorio del ripiegamento e dell’apertura. Potranno qui essere analizzate le implicazioni più strettamente politiche della figura del ponte, che quest’ultima potrebbe aiutarci a chiarire o a immaginare nuove forme di socialità.

 

Questo numero della rivista Trans- sarà dunque consacrato non al ponte, ma a dei ponti, reali o immaginari, dipinti, scolpiti, filmati, raccontati o decostruiti. Senza escludere alcun periodo o genere, questa riflessione dovrà essere condotta con approccio comparativo, nella forma di un confronto tra diversi oggetti- tra ponti geografici, storici, letterari, o tra tecniche diverse- oppure intenso come l’incontro di più metodi – l’esplorazione di un romanzo con uno sguardo scientifico, o l’approccio storico di un concetto. Le proposte per i contributi (3000 battute), accompagnate da una breve bibliografia e da una presentazione dell’autore, devono essere inviate entro il 20 settembre 2018 in versione .DOC ou .RTF all’indirizzo lgcrevue@gmail.com. Gli articoli selezionati dovranno essere invati entro il 10 gennaio 2019. Si ricorda che la rivista di letteratura generale e comparata TRANS- accetta articoli scritti in francese, inglese, italiano e spagnolo.

 

 

[1] Ivo  Andrić, Mostovi, 1933, http://www.yurope.com/people/nena/Zabeleske/Ivo_Andric/Mostovi.html, consultato il 06/05/18 ; tradotto  in francese da Alain Cappon, « Les Ponts », Europe n°960, aprile 2009, p. 308-310.

[2] Simmel, G., « Pont et porte » (tradotto dal tedesco par Sabine Cornille et Philippe Ivernel), in Simmel, G., La Tragédie de la culture, Paris, Rivages, 1988.

[3] Félicité de Genlis, Œuvres complètes, t.V, Histoires, mémoires et romans historiques, Bruxelles, P.J. de Mat, 1828, p.90. Passaggio citato da Paulhan in Le pont traversé (1921), Œuvres complètes, t.1, Paris, Gallimard, 2006, p.158.

[4] Camille de Toledo, Oublier, trahir puis disparaître, Paris, Seuil, 2014, p.118.

[5] Vitaliano Trevisan, Le pont : un effondrement, Paris, Gallimard, 2009. 

[6] Mathias Enard, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Paris, Actes sud, 2010.

[7] Francesco Pecoraro, La vie en temps de paix, Paris, J.-C. Lattès, [2013] 2017.

[8] Tarjei Vesaas, Les ponts, Paris, Autrement, [1966] 2003.

[9] Maylis de Kerangal, Naissance d’un pont, Paris, Verticales, 2010.