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Débordements. Littérature, arts et politique (Bordeaux)

Débordements. Littérature, arts et politique (Bordeaux)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jean-Paul Engélibert)

 

Débordements. Littérature, arts et politique

La réflexion sur les enjeux politiques de la littérature et de l’art a pris ces dernières années plusieurs tournants : elle s’inspire des études postcoloniales et subalternistes pour étudier la façon dont les textes prêtent leur voix à ceux qui en sont dépourvus, des études de traduction pour mettre en évidence la force subversive de la vie en « plus d’une langue », elle s’appuie sur la philosophie ranciérienne pour affirmer la politicité de l’art, elle identifie la politique de la littérature à sa capacité à critiquer, détourner ou enrayer le storytelling, ou elle réaffirme, par-delà la fascination contemporaine pour la catastrophe, le « potentiel » des arts (« Le potentiel recueille, à rebours des contraintes […], ce qui pourrait être, ce qui serait. Sa langue est celle d’une communauté brisée, découpée par de vieilles dispositions, une langue de traductions qui cherche à nous relier, nous disposer autrement, en accueillant toutes nos possibles dispositions, toutes nos plasticités, toutes nos migrances »[1]). L’hégémonie néolibérale et l’impasse des luttes actuelles imposent de penser à nouveaux frais l’action politique. Le sentiment de l’urgence d’agir coexiste avec celui de l’impuissance des types de pensée et des modes d’action éprouvés. Dans ces conditions, de nouvelles pensées de l’engagement émergent[2], la réflexion gagne les modes d’appropriation et de diffusion des œuvres[3] : l’exigence de leur portée politique est plus forte que jamais. Pourtant, la capacité de la littérature et des arts à produire des effets dans le monde n’a jamais semblé plus limitée qu’aujourd’hui.

 

Ne convient-il donc pas de poser la question de la faculté des œuvres à « déborder », à sortir d’elles-mêmes et rencontrer le monde ? Cela impliquerait de prendre en considération toutes sortes de « bords » susceptibles d’aider à penser le « monde écrit » et ses ambivalences[4], en tenant compte de tous les acteurs des scènes littéraire et artistique : l’écrivain, pris entre la sensation que l’écrit « déborde », ne lui laissant aucun dehors à saisir, et l’impérieuse nécessité où il se trouve de « déborder » lui-même ; le lecteur, pris dans des réseaux complexes de cercles savants plus ou moins conscients du vaste hors-champ constitué par les non-lecteurs  (ceux qui ne lisent pas, ceux qui ne lisent pas de littérature, ceux qui ne s’intéressent à l’écrit qu’en tant que prétexte à une performance) ; les diverses institutions, qui hiérarchisent et « bordent » les gestes critiques. En outre, il faudrait distinguer au moins trois plans : que peut (ou ne peut pas) la littérature ? que peut (ou ne peut pas) la critique ? que peut (ou ne peut pas) l’université ? Seraient alors à chercher dans la littérature et les arts contemporains de nouvelles formes de « débordements » et/ou dans ceux du passé des formes spécifiques dues à des circonstances déterminées. En témoigne par exemple le travail récent de G. Didi-Huberman sur le « soulèvement ».

 

Les propositions pourront porter, sans exclusive,  sur les questions suivantes :

  • le débordement des frontières du littéraire par l’exposition de la littérature (comment rompre l’enfermement du livre ?),
  • la littérature et la performance,
  • la littérature dans l’espace public, la littérature et la communauté,
  • le débordement des codes, des formes et des langues,
  • la mise à l’épreuve de la fiction par les littératures du réel comme débordement d’une frontière du littéraire,
  • l’histoire comme réserve ou ressource de débordements à venir,
  • les débordements nihilistes ou réactionnaires comme lectures spécifiques de l’histoire.

 

Le colloque se tiendra les 13, 14 et 15 juin 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne. Les propositions sont à adresser pour le 20 octobre 2017 à Jean-Paul Engélibert, Apostolos Lampropoulos et Isabelle Poulin.

 

 

 

[1] C. de Toledo, A. Imhoff, K. Quiros, Les Potentiels du temps. Art et politique, s.l., Manuella éditions, 2016, p. 263.

[2] E. Bouju (dir.), L’Engagement littéraire, P.U. Rennes, 2005, S. Dreyer, Révolutions ! Textes et films engagés. Cuba, Vietnam, Palestine, Paris, Armand Colin, 2013, L. Côté-Fournier, E. Guay, J.-F. Hamel (dir.), Politiques de la littérature. Une traversée du XXe siècle français, Montréal, P.U. Québec, 2014, S. Florey, L’Engagement littéraire à l’ère néolibérale, P.U. du Septentrion, 2013. Voir aussi le travail mené par Danielle Perrot-Corpet sous le titre Littérature vs storytelling : http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/storytelling.

[3] Cf. Le Lecteur engagé. Critique, enseignement, politique, J. Roger et I. Poulin (dir.), Modernités n° 26, P.U. Bordeaux, 2007 ou les activités du groupe Transitions – URL : http://www.mouvement-transitions.fr

[4] Lire Italo Calvino, « Mondo scritto e mondo non scritto » (1983), traduit par Ph. Daros in Italo Calvino, Paris, Hachette Supérieur, 1995, p. 161-164, repris dans Défis aux labyrinthes 2, Paris, Seuil, 2003.