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Appels à contributions

"Di quella umile Italia" : l’humilité dans la culture italienne (Paris Sorbonne Université)

Publié le par Marc Escola (Source : Alexandra Khaghani)

APPEL À COMMUNICATIONS

« Di quella umile Italia » : l’humilité dans la culture italienne

Colloque international

Société des Études Italiennes; 

Sorbonne Université; 

ELCI – Équipe Littérature et Culture Italiennes)

 20-21 juin 2019, Paris 

 

Le terme humilité vient du latin « humus » qui désigne « la terre, le sol » et l’adjectif «humilis », qui en dérive directement, exprime ce qui est bas, près de la terre, peu élevé. Au sens figuré, dans le latin classique, ce mot « servait à désigner l’obscurité de la naissance, l’effacement de la condition sociale, la faiblesse [des] moyens [1]». Vertu chrétienne par excellence, l’humilité s’oppose à toute forme d’orgueil et de vanité et renvoie, dans la culture occidentale, à une attitude morale et spirituelle fondée sur la modestie et l’acceptation de la finitude humaine. Au XIIIe siècle le franciscanisme rétablit un modèle de vie évangélique guidé par un idéal d’humilité, qui acquiert ainsi une importance inédite : la pauvreté, le dépouillement, ainsi que l’attention aux créatures les plus faibles fondent alors le socle de la communauté des frères mineurs. L’humilité franciscaine s’accompagne également d’un intérêt passionné pour la vie dans toutes ses manifestations – la nature, l’humain, les animaux, la vie quotidienne – qui imprègne l’art et la culture de l’époque : on pense, par exemple, à la peinture toscane et notamment à Giotto, qui accorde une place plus grande à l’humain et au paysage naturel. Dans une telle perspective, la recherche d’une expression artistique, poétique, voire philosophique de l’humilité dans la culture italienne est au cœur de ce colloque.

 On constate en effet que, du Moyen âge à nos jours, l’humilité et la figure de l’être humble ont traversé l’art et la littérature en Italie, aussi bien dans son acception traditionnelle que sous une forme sécularisée. Cette notion, qui se perpétue à travers les genres et les siècles, cristallise des enjeux importants à différentes époques, comme le choix de la langue vulgaire, la volonté de donner une voix aux oubliés et aux déshérités, la remise en question des différentes hiérarchies. On songe par exemple à l’adoption de la langue vernaculaire et au mélange des styles opéré par Dante et, plus largement, à la littérature médiévale, qui privilégie souvent une représentation de l’humilitas pour atteindre la sublimitas, comme l’a notamment montré Auerbach. Dans cette perspective, la figura Christi et ses déclinaisons profanes repérables chez des auteurs comme Giovanni Verga et son cycle des Vinti ou comme Dario Fo et ses poveri cristi, sont l’indice d’une persistance de la thématique de l’humilité, en lien avec des orientations politiques et sociales différentes. Le terme « humbles », fréquemment employé au XIXe siècle pour désigner le « peuple » devient l’objet d’une réflexion politique, en particulier chez Gramsci, qui en interroge les implications sémantiques. Dans Letteratura e vita nazionale, il associe ainsi cette expression à Manzoni et à la posture paternaliste adoptée par l’écrivain à l’égard des oubliés de l’histoire. Dans une autre optique que celle de Gramsci, Pier Paolo Pasolini emploie l’adjectif « umile » de façon programmatique pour mythifier les classes subalternes en opposition à la société bourgeoise. Elsa Morante adopte une position similaire et remet en cause l’ordre établi en reléguant l’Histoire officielle au second plan, en dédiant son roman La Storiaà un public d’analphabètes, mais aussi en brouillant les frontières entre humanité et animalité.

Ces quelques exemples invitent à penser que l’humilité manifesterait une dimension de contestation et de renouvellement qui se perpétuerait jusqu’à nos jours dans la culture italienne. Une telle conception de l’humilité comme geste de rupture et d’ouverture à de nouvelles formes de vie en société pourrait-elle, dès lors, constituer un trait distinctif de la culture italienne ? Le présent colloque est précisément l’occasion d’aborder et d’examiner cette question à travers différentes perspectives.

Plusieurs pistes de réflexion sont ainsi à envisager dans une optique interdisciplinaire : 

  • Esthétique de l’humilité : représentation des personnages et des figures humbles (les enfants, les pauvres d’esprit, les fous, les vaincus de l’Histoire, les humilié(e)s, les marginaux etc.)
  • Réactivation de l’humilitéet de ses corollaires sémantiques dans une perspective artistique et/ou philosophique (courant du « pensiero debole » ; valorisation de la passivité comme forme de résistance ; microhistoire ; dans le domaine des arts figuratifs, on pense par exemple au mouvement de l’Arte povera )
  • Liens entre humilité et minorité (littérature mineure, littérature dialectale, littérature des minorités etc.)

Ces axes de recherche sont bien sûr susceptibles d’être enrichis par les propositions qui seront envoyées. 

Le colloque, organisé par la Société des Études italiennes, avec le soutien de Sorbonne Université et de l’Équipe Littérature et Culture Italiennes (EA 1496), aura lieu les 20 et 21 juin 2019 à Paris, à Sorbonne Université. Les interventions pourront faire l’objet d’une éventuelle publication dans la Revue des Études italiennes.

Les propositions de communication, de 300 mots au maximum, devront être accompagnées d’un bref profil biobibliographique. Elles doivent être envoyées à l’adresse suivante : colloque.humilite@gmail.com avant le 15 janvier 2019.

Le comité scientifique se réunira avant la fin du mois de janvier 2019.

 

[1] P. Adnès,  « Humilité », Dictionnaire de spiritualité. Ascétique et mystique. Doctrine et Histoire, t. 7, Paris, Beauchesne, 1969, p. 1135.