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Diffusion et contagion du vocabulaire des affects dans les espaces périphériques (Dacoromania litteraria, no 5 / 2018)

Diffusion et contagion du vocabulaire des affects dans les espaces périphériques (Dacoromania litteraria, no 5 / 2018)

Publié le par Marc Escola (Source : Alexandru Matei)

Dacoromania litteraria, no 5 / 2018

Diffusion et contagion du vocabulaire des affects dans les espaces périphériques

 

Notre contemporain semble marqué par un usage récurrent du vocabulaire des affects. Qu’il s’agisse de la littérature, des arts, de l’histoire, des médias, nous sommes au cœur d’une société des affects. Le discours des affects, du corps, de tout ce qui, dans l’homme, est perçu comme non expressément intellectuel, n’est pas nouveau en sciences humaines, en revanche il est devenu incontournable une fois que les promesses de progrès faites par les idéologies ont échoué et que tout un pan de pensée post-structuraliste a fait valoir non seulement une ontologie des multiplicités, mais de multiples modes d’existence. De La vie énigmatique des signes (Maniglier, 2006) au réseau de la théorie de l’acteur-réseau de Bruno Latour, l’influence des affects dans les jugements théoriques, esthétiques, littéraires ne peut plus être mise en doute.

L’intérêt pour l’histoire culturelle contemporaine en termes d’affects/ émotions/ sensibilités est très vif : le numéro spécial de la revue Vingtième siècle, « Histoire des sensibilités au XXe siècle », 2014 en fait l’état des lieux pour la France notamment, alors que l’historien américain Peter Stearns se dit « émotionologue » de la modernité américaine (Stearns 1994), alors que Joel Dinerstein (2017) étudie en termes d’éthos cool le moment existentialiste. De manière plus épistémologique le travail de Frédéric Lordon (Lordon, 2013) montre que l’appel aux émotions est incontournable pour la dynamique du capitalisme contemporain. De son côté, Lauren Berlant (Berlant, 2011) lance des concepts tels que « cruel optimism » ou bien « unfeeling » (Berlant 2017) pour traduire l’éthos de l’intimité dans le monde occidental post-idéologique et de la crise.

Un colloque organisé par l’Université de Constanta, en octobre 2017, sous le titre « Vocabulaire des affects, Pour une nouvelle politique du discours littéraire et médiatique » a offert une première occasion d’illustrer cette enquête concernant l’orientation affective de l’épistémè contemporaine. Pour le dossier thématique proposé dans le numéro 5 de la revue « Dacoromania litteraria », on entend focaliser cette réflexion sur les particularités à la fois culturales et locales de l’usage du vocabulaire de affects. La dialectique entre les rythmes historiques (ceux du social, du collectif) et les rythmes de vie (des vécus individuels, des corps, des micro-subjectivités) semble avoir décisivement marqué la pensée des sciences humaines, et leurs méthodologies. L’enrichissement du vocabulaire théorique des affects ne pouvait pas rester à l’écart de l’intensification de la dynamique de réseau culturel : les rapports dynamiques entre les centres et les périphéries et l’instabilité de ces deux identités elles-mêmes ; les rapports espace culturel national/régional et espace mondial sous-tendus par la transgression des frontières comme présupposé central ; la redistribution discursive des sciences humaines, alors que les neurosciences et le numérique envahissent le discours des sciences humaines tout en remettant en question ce qu’on pourrait appeler la culture (nationale ou régionale) des méthodologies.

Partant de l’importance de la géographie géo-socio-culturelle, des partages tant globalement économiques (Wallerstein, centre/ périphérie), politiques (the Global South ou bien le Nord/ Sud ou bien l’Ouest démocratique versus le Sud autoritaire) ou plutôt culturels (les Balkans, par exemple, sur lesquelles Maria Todorova a publié des ouvrages qui font date), nous voudrions encourager des réflexions sur la diffusion d’un vocabulaire des affects ayant reçu des déterminations culturelles spécifiques, locales ou régionales, comme autant de biais entre l’individuel / local et les phénomènes / mouvements affectifs collectifs.

L’appel de notre revue se situe au carrefour de plusieurs axes, encourageant études de cas portant sur des découpages culturels nationaux, ainsi qu’approches théoriques ayant une perspective d’ensemble sur le domaine des contacts interculturels qui peuvent être monnayés en termes d’affects.

Tout d’abord, on aimerait interroger le lieu des émotions dans l’économie du savoir dans les espaces périphériques. Quels en sont les domaines d’application ? Quel rôle ont joué les émotions dans le développement des sciences humaines dans ces espaces ? Comment peut-on intégrer les affects / les émotions dans une écologie culturelle et selon quels rapports entre une théorie produite en Occident et des pratiques locales déterminées ? En littérature, on voudrait comprendre mieux l’articulation entre émotion, éthique et éthos dans les cultures marginales. Quelle est l’influence des valeurs partagées par la société à un moment donné sur les pratiques artistiques ? Quel éthos pour quel moment historique et espace géoculturel ? Quelle structure(s) de sensibilité et quelle disposition affective détermine les types de pratique artistique / culturelle ou les modèles d’écriture (Nouveau roman, minimalisme, autofiction, biopics, création féminine/ queer/ minoritaire ou différents types de styles relevant de découpages nationaux / régionaux / locaux) ? Enfin, on propose une focalisation sur les pratiques de diffusion et de transfert des émotions d’ « une » culture à l’autre. C’est une interrogation qui concerne la migration des configurations affectives, et leur diffusion à travers la dynamique des échanges entre centres et périphéries. Quelles sont les réseaux et les points de contact qui véhiculent les émotions ? Qu’est-ce qui justifie l’« emprunt » ou l’imitation d’une affection collective ?

On attend les propositions d’articles (4000 signes, espaces compris), en anglais ou en français, accompagnées d’une bio-bibliographie, jusqu’à 1er septembre 2018. Les propositions envoyées seront soumises au conseil de rédaction, qui décidera de l’acceptation. Les articles entiers (25000-50000 signes) seront envoyés jusqu’à 31 octobre 2018 (consignes de présentation des manuscrits sur le site de la revue : http://www.dacoromanialitteraria.inst-puscariu.ro/pdf/nr/FR.pdf).

La décision de publication sera prise après l'évaluation externe et communiquée jusqu’à 15 décembre 2018.