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Doletiana, n°7 :

Doletiana, n°7 : "Le tournant fictionnel de la traduction"

Publié le par Université de Lausanne (Source : revue Doletiana/ Ramon Lladó)

 

Doletiana,  7 - "Le tournant fictionnel de la traduction"

 

PRESENTATION

Le numéro 7 de Doletiana est consacré à l'étude des différents aspects liés à la représentation du traducteur, ainsi qu'à sa pratique professionnelle dans des textes de fiction, tant littéraires qu’audiovisuels.

Depuis la fin du XXème siècle, les études de traduction ont modifié progressivement leur approche dominante : tout d'abord, elles ont privilégié la description textuelle des traductions; puis, elles se sont intéressées aux aspects culturels et sociologiques, pour enfin aboutir à l'étude du sujet qui effectue cette tâche: le traducteur.

Actuellement, en effet, l’intérêt grandissant pour ce rôle a mené des traductologues comme A. Chesterman (2009) à réécrire la carte fondatrice des "études de traduction" de J. Holmes (1976) et à proposer ensuite le nouveau domaine des "études du traducteur", dans lequel plusieurs aspects sont pris en considération, aussi bien des études plus classiques liées à la formation professionnelle, que des approches plus novatrices mettant en relief une politique et une éthique de l'agent.

À l’instar de Chesterman, A. Pym (2009) et  J. Delisle (1997) suggèrent qu'il faut rendre l'histoire de la traduction plus humaine et octroyer au traducteur un rôle central afin de pouvoir construire une histoire à échelle humaine et critique. Partageant une "méthodologie non stricte" qui nous fait penser au savoir sui generis auquel faisait référence A. Berman (1989), ces auteurs prennent nettement parti en faveur de "subjectiver l'objet" (Pym 2009: 2).[2]

À cet égard, au-delà des œuvres réunissant des biographies de traducteurs – par exemple, les portraits de traducteurs et de traductrices (Delisle 1999, 2002; Lafarga y Pejenaute 2009, 2013; Bacardí y Godayol 2011) – ou les témoignages de traducteurs à la première personne, tels qu'on en retrouve dans la revue Trujamán de l'Institut Cervantes ou dans les essais récemment publiés dans le monde hispanophone (Arnau et Bornas 2013, Calvo 2016, Cohen 2014), on peut y ajouter un grand nombre d'œuvres littéraires et cinématographiques, lesquelles mettent en scène un personnage traducteur, tout en le situant dans l'espace de l'imaginaire.

Le "tournant fictionnel" des études de traduction, énoncé pour la première fois en 1998 par Else Vieira ("literary works should be used as sources for theorizing translation" dans Kaindl 2012: 147) a été présenté plus clairement pour le XXIème siècle dans l'ouvrage collectif dirigé par D. Delabastita et R. Grutman: Fictionalising Translation and Multilingualism (2005), composé de nombreux articles provenant des quatre coins de la planète. Les auteurs affirment l'incontournable "tournant fictionnel" des études de traduction, étant donnée l'abondance aussi bien d’œuvres de fiction (soit des films ou des livres) qui ont un traducteur parmi ses personnages, que d’articles académiques consacrés à ces œuvres-là.

Au carrefour des études de littérature comparée, la World Literature, les études postcoloniales, celles sur la mondialisation et la postmodernité, le traducteur apparaît comme un personnage prototypique du présent. La migration, la déterritorialisation, l'identité charnière des espaces de frontière font de ce personnage un témoin idéal de notre contemporanéité.

Depuis les récits de J. L. Borges, en passant par le Quichotte de Cervantès ou le mythique Pierre Mennard de J. L. Borges, le personnage du traducteur habite les textes fictionnels. Plusieurs écrivains de diverses provenances ont écrit à son sujet, comme P. Auster (Book of illusions), M. Frayn (The Russian Interpreter), David Malouf (Remembering Babylon), U. Eco (Il nome della rosa), C. Bleton (Les nègres du traducteur), H. Murakami (Dance Dance Dance), J. Cortázar (62 modelo para armar), C. Fuentes (El naranjo), J. Marías (Corazón tan blanco), A. Pauls (El pasado), A. Neuman (El viajero del siglo), S. Benesdra (El traductor), parmi tant d'autres. D'ailleurs, le traducteur et l'interprète deviennent des personnages de films, tels que Lost in Translation (2003), The Interpreter (2005), Babel (2006), tel que l'étudie Cronin dans son livre Translation Goes to Movies (2009).

 

AXES DE RECHERCHE

Dans ce numéro de Doletiana, nous invitons le lecteur à s'interroger sur les caractéristiques qu’adopte la représentation fictionnelle du traducteur ou de la traductrice, suivant diverses approches.  Sans vouloir s'y restreindre, nous proposons quelques questions-clés :

- Est-ce que les auteurs de "fictions du traducteur" exercent ou ont exercé eux-mêmes le métier de traducteur ? Et en considérant le genre de leurs textes de fiction, s'agit-il de récits auto-fictionnels, méta-fictionnels ou purement fictionnels ?

- Quant au personnage du traducteur, quelle est son identité ?  S'agit-il d'un héros qui agit comme une espèce de pont dans le cadre d’un échange qui réussit toujours et qui arrive à combattre l'invisibilité qui plane sur son travail (Strümper-Krobb 2009, Wilson 2007) ? Ou, au contraire, s'agit-il d'un personnage marginal, qui échoue quand il essaye de communiquer à travers la traduction et qui finit par devenir un sujet aliéné à cause d'un travail mal payé (Gaspar 2014, Anderson 2005) ?

- Quelle est la relation du personnage-traducteur avec son corps ? Éprouve-t-il la jouissance de la pulsion traductrice (Berman 1989) ou, à l’inverse, souffre-t-il physiquement à cause de mauvaises conditions de travail ?

- Quel genre de textualité et/ou d’intertextualité manifestent ces œuvres de fiction ? S'agit-il de textes multilingues ? Quel est le rapport entre les langues employées (Delabastita et Grutman 2005) ?

- Quels sont les traits stylistiques de la traduction, en tant qu'opération textuelle, tels qu'ils apparaissent dans ces œuvres de fiction ?

- Quelle est la fonction de la traduction dans ces œuvres-là : métaphorique, symbolique, méta-narrative ou autre (Kaindl 2008) ?

Voici des questions auxquelles le numéro 7 de Doletiana invite à répondre. "Auto-fiction", "méta-fiction", "postmodernité", "hybridation", "transculturation", "interculturalité", "corporéité", "errance", "invisibilité", "médiation" sont autant de notions qui peuvent ouvrir la voie à une réflexion d'ordre traductologique dans des productions académiques inédites et sans contraintes spatio-temporelles. La diversité et l’originalité des approches sont fortement encouragées.

 

BIBLIOGRAPHIE

Adamo, G. (comp.). (2012). La traducción literaria en América Latina. Buenos Aires: Paidós.

Anderson, J. (2005). “The double agent: aspects of literary translator affect as revealed in fictional work by translators”. En Delabastita & Grutman (eds.), pp. 171-182.

Arnau, J.; Bornas, M. et al. (2013). Hijos de Babel. Madrid: Fórcola.

Bacardí, M.; Godayol, P. (dirs.). (2011). Diccionari de la traducció catalana. Vic: Eumo Editorial, Universitat Autònoma de Barcelona, Universitat de les Illes Balears, Universitat Juame I, Universitat de Vic.

Balderston, D.; Schwartz, M. (eds.). (2002). Voice-Overs: Translation and Latin American Literature. State University of New York Press.

Barnett, I. (s. f.). "The Tranlator as Hero". Dans: www.biblit.it/translator_hero.pdf.

Bastin, G. (2006). “Subjetivity and Rigour in Translation History. The Case of Latin America”. En Bastin, G.; Bandia, P. (eds.). Charting the Future of Translation History. Ottawa: University Press of Otawa.

Berman, A. (1989). “La traduction et ses discours”, Meta, xxxiv, pp. 672-679.

Calvo, J. (2016). El fantasma en el libro: la vida en un mundo de traducciones. Barcelona: Seix Barral.

Chesterman, A. (2009). “The Name and Nature of Translator Studies”. Hermes. Journal of Language and Communication Studies, 42., pp. 13-22.

Cohen, M. (2014). Música prosaica (cuatro piezas en torno a la traducción). Buenos Aires: Entropía.

Cronin, M. (2009). Translation Goes to the Movies. Londres et New York: Routledge.

Delabastita, D.; Grutman, R. (eds.). 2005. Fictionalising Translation and Multilingualism (Lingüística Antwerpensia 4).

Delisle, J. (1999). Portraits de traducteurs. Otawa: Presses de l'Université d'Otawa.

Delisle, J. (2002). Portraits des traductrices. Otawa: Presses de l'Université d'Otawa.

Delisle, J. (1997). “Réflexions sur l’historiographie de la traduction et ses exigencies scientifiques. Dans Delisle, J.; Lafond, G., Histoire de la traduction. CD ROM, Gatineau (Québec): École de traduction et d’interprétation, Université d’Ottawa.

Gaspar, M. (2014). La condición traductora. Buenos Aires: Beatriz Viterbo.

Holmes, J. (2000 [1972]). “The name and nature of translation studies”. En L. Venuti (ed.). The Translation Studies Reader. Londres/ New York: Routledge, 2000, pp. 172-1186.

Kaindl, K. (2012). “Representation of translators and interpreters”. En Handbook of Translation Studies. John Benjamins Publishing Company, Vol. 3, pp. 145-150.

Lafarga, F.; Pegenaute, L. (eds.). (2009). Diccionario de la traducción en España. Madrid: Gredos.

Lafarga, F.; Pegenaute, L. (eds.). (2013). Diccionario histórico de la traducción en Hispanoamérica. Madrid: Iberoamerica – Vervuert.

Pegenaute, L. (2012). “The Poetics of Translation According to Javier Marías: Theory and Practice”. Dans L. Ladouceur; S. Rao (eds.). TTR. La traduction à l’épreuve de l’écriture: poétiques et experimentations. Canadá: Université de Concordia, Vol. XXV, Nº 2.

Pym, A. (1998). Method in Translation History. Manchester: St. Jerome.

Pym, A. (2009). “Humanizing Translation History”. Hermes. Journal of Language and Communication Studies. 42, pp. 1-26.

Strümper-Krobb, S. (2003). “The Translator in Fiction”, Language and Intercultural Communication 3: 2, pp. 115-121.

Thiem, J. (1995). "The Translator as Hero in Postmodern Fiction," Translation and Literature 4, 207-218.

Wakabayashi, J. (2005). "Representations of translators and translation in Japanese fiction". Dans Delabastita & Grutman (eds.), pp. 171-182.

Wilson, A. (2009). Translator on Translating. Inside the Invisible Art. Vancouver: Canadian Centre for Studies in Publishing Press.

Wilson, R. (2007). “The Fiction of the Translator”. Journal of Intercultural Studies 28, 4, pp. 381-395.

 

CONTRIBUTIONS

Les articles (rédigés dans l’une des langues de Doletiana – français, anglais, catalan ou castillan – et présentés en format word) doivent être envoyés aux coordinateurs du numéro par courriel, en pièce jointe et sous présentation anonyme. Dans un autre fichier attaché, on indiquera: nom et prénom, qualité́ scientifique, affiliation de l’auteur(e), titre de l’article.

L’article sera accompagné d’un résumé ne dépassant pas 200 mots, rédigé en anglais et dans la langue de l’article, et suivi de 4-5 mots–clés dans les deux langues, ou seulement en anglais si c’est la langue de l’article.

Calendrier prévisionnel :

-Nouvelle date pour la soumission d’articles : septembre 2018.

-Publication en ligne prévue pour 2019.

Coordination du numéro :

- Laura Fólica (Universitat Oberta de Catalunya): lfolica@uoc.edu

- Ramon Lladó (Universitat Autònoma de Barcelona): Ramon.Llado@uab.cat

Protocole de rédaction: http://webs2002.uab.es/doletiana/Francais/Doletiana-f.html#

URL de référence : http://www.fti.uab.cat/doletiana/