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Espaces ecclésiastiques et seigneuries laïques. Définitions, modèles et conflits en zones d’interface (IXe-XIIIe siècle) (Paris)

Espaces ecclésiastiques et seigneuries laïques. Définitions, modèles et conflits en zones d’interface (IXe-XIIIe siècle) (Paris)

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Tristan Martine)

Appel à communications

Espaces ecclésiastiques et seigneuries laïques. Définitions, modèles et conflits en zones d’interface (IXe-XIIIe siècle)

Atelier international de jeunes chercheurs – Institut Historique Allemand (Paris) / Laboratoire ACP (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)

5-6 avril 2018

http://acp.u-pem.fr/rencontres/espaces-seigneuries/

Argumentaire

La distinction claire entre monde laïque et monde ecclésiastique et le concept d’espace de domination, compris comme une zone connue, délimitée et donc cartographiable, semblent aujourd’hui être des notions évidentes. Elles ne l’étaient pourtant absolument pas dans un monde médiéval où, d’une part, la réforme grégorienne a entamé, à la fin du XIe siècle, un processus de séparation des pouvoirs aristocratiques laïques et ecclésiastiques et où, d’autre part, la conception de l’espace de domination aristocratique connut une évolution très importante, du Xe au XIIIe siècle, avec un phénomène de spatialisation, puis de territorialisation, du pouvoir, ce qui permet progressivement de passer d’une cartographie faite de points à l’émergence de zones de domination plus ou moins identifiables et donc représentables graphiquement.

Ces thématiques sont au cœur de nombreuses recherches actuelles et se prêtent d’autant mieux à une recherche comparatiste entre France et Allemagne que les écoles historiographiques des deux côtés du Rhin ont une approche très différente de ces questions spatiales. À l’inverse des Français, les historiens allemands ne se sont quasiment pas, après 1945, intéressé aux problèmes spatiaux et le terme allemand de Territorialisierung, l’idée que le pouvoir des aristocrates ait pu être fondé sur un principe territorial et reposer sur certains espaces avec des frontières plus ou moins bien définies, n’est utilisé que pour décrire des phénomènes à partir du XIIIe siècle. Notre atelier entend donc croiser ces deux approches en examinant la conception et la production d’espaces ecclésiastiques et en s’intéressant aux interactions que cela suscita avec les seigneurs laïques dans le cadre géographique de l’ancien empire carolingien. Il ne s’agira pas ici de s’intéresser à l’espace intérieur au monastère, ce qui fut l’objet d’un livre récent (Monastères et espace social. Genèse et transformation d’un système de lieux dans l’Occident médiéval, éd M. Lauwers), mais bien de centrer notre étude sur les points de contacts et les zones d’interface entre espaces laïques et ecclésiastiques, en excluant le cas du ban clunisien, qui a déjà donné lieu à de nombreux travaux et en s’ouvrant également à des espaces non monastiques : diocèse, archidiaconé ou paroisse par exemple.  

L’objectif sera de permettre à des jeunes chercheurs germanophones ou francophones de comparer leurs approches, cela dans une perspective résolument interdisciplinaire entre histoire, histoire du droit, histoire de l’art et archéologie.

 

Cet atelier entend s’articuler autour de trois angles d’approche :

1. Définitions, délimitations, représentations

On constate à partir du XIe siècle, et surtout aux XIIe et XIIIe siècles, un processus de territorialisation des pouvoirs. La période précédente avait été marquée par l’émergence de centres de pouvoirs et cette polarisation se prolongea par la constitution autour de ces lieux centraux d’espaces de mieux en mieux définis juridiquement, délimités spatialement et représentés, par des textes ou des images. Le cas exemplaire est celui de Cluny, où fut érigé autour du monastère, dans les années 1080/1095, un cercle de domination pourvu de bornes physiques, constituant un espace de paix et de juridiction exclusive, qui était lui-même entouré d’une seconde zone, celle-ci sans péages ni châteaux, garantie par la royauté. S’il s’agit de l’exemple le plus connu et le plus travaillé par l’historiographie récente, il ne faudrait cependant pas s’imaginer que l’exceptionnelle documentation clunisienne reflète une réalité unique et nous avons, au contraire, choisi de souligner l’existence de dynamiques similaires non seulement dans d’autres abbayes définissant de manière canonique une aire sacrée, mais aussi dans toutes les institutions ecclésiastiques qui ont utilisé leur seigneurie pour redéfinir leur voisinage immédiat de manière à y affirmer leur suprématie et à bien marquer leur distinction avec les seigneurs laïques. Ainsi, la formation progressive du diocèse comme territoire propre de l’évêque, possédant une logique clairement distincte de celle des territoires laïques, semble également être une réalité à partir de la deuxième moitié du XIe siècle.

Il sera important de s’intéresser non seulement à la naissance, à l’évolution et aux réalités de l’organisation de ces espaces et de leurs limites, mais aussi à la manière dont les ecclésiastiques les ont pensés. 

2. Des modèles spatiaux ecclésiastiques ?

Alors que la polarisation se faisait aussi bien autour des monastères que des châteaux aux Xe et XIe siècles, le phénomène de territorialisation, compris ici comme la domination juridique d’un espace précis, semble avoir été d’abord une réalité ecclésiastique. Dans le cadre de travaux récents sur l’ancrage spatial de l’aristocratie laïque, plusieurs auteurs ont souligné le rôle pionnier joué par des évêques ou par des communautés monastiques dans l’émergence de nouvelles logiques spatiales, tandis que F. Mazel a insisté sur le fait que l’exercice de la juridiction épiscopale a inspiré sur bien des aspects les formes du gouvernement princier ou monarchique à partir du XIIe siècle. M. Lauwers a également montré que les monastères avaient été de véritables laboratoires pour la conceptualisation et la mise en pratique de nouveaux modèles spatiaux, « les premiers territoires plus ou moins strictement délimités dans l’Occident médiéval [étant] précisément des immunités monastiques ». Il sera intéressant d’étudier cette question d’un modèle ecclésiastique concernant les questions spatiales, tout en remarquant que cela put également être réciproque, certains clercs étant également influencés par des initiatives laïques.

Si cette genèse d’une territorialité ecclésiastique sera au cœur de nos travaux, il faudra cependant se garder de toute « illusion administrative et territoriale » au sujet des différentes circonscriptions ecclésiastiques, tout particulièrement en ce qui concerne le cas du diocèse.

3. Interfaces, conflits et tensions : relire les interactions entre seigneuries laïques et ecclésiastiques

Jusqu’à une période récente, les historiens ont avant tout souligné les luttes entre clercs et laïcs et opposé les lieux centraux ecclésiastiques et laïques, qui seraient, en quelque sorte, en concurrence. De fait, lorsque la documentation textuelle évoque les délimitations de ces territoires ecclésiastiques, c’est bien souvent en lien dans un contexte de conflit juridique, telle création d’un maillage plus dense de circonscriptions ecclésiastiques, tel bornage, telle visite ou telle confection d’un inventaire étant contestés par une autorité laïque et aboutissant à un processus ponctuel, et limité, de délimitation.  S’il ne s’agit pas de nier les tensions qui purent exister, il faut néanmoins reconnaître que bon nombre de ces travaux s’appuyaient sur des sources grégoriennes, que l’historiographie récente s’est attachée à déconstruire en montrant qu’elles réinterprètent les Xe et XIe siècles au prisme de conflits propres au XIIe siècles. Il faut donc nuancer l’effet de source qui découle de l’origine quasi-uniquement ecclésiastiques des documents dont nous disposons et souligner l’intrication entre seigneuries castrales et ecclésiales, les intérêts de chacune des deux parties convergeant bien plus qu’ils ne divergeaient, ce qui a été récemment souligné dans le cadre d’études sur la compétition.

Au-delà de ces conflits, il s’agira donc de relire les zones de contact séparant de manière claire, ou au contraire progressive et floue, ces deux types d’espace et de s’interroger sur la réalité de ces interfaces. Nous nous intéresserons non seulement aux délimitations de ces territoires laïques et ecclésiastiques, mais aussi aux pôles constitutifs de ces espaces et à leurs multiples interactions, cela à toutes les échelles. Comment les différentes parties jouent-elles des juxtapositions d’autorité sur un même espace ? L’inscription de nouvelles limites, ou le renforcement d’anciennes, a-t-elle créé de nouveaux types de discontinuité ou au contraire consolidé des réseaux ? Ces zones de contact suscitent-elles l’émergence d’aires présentant des caractéristiques culturelles (notamment architecturales), économiques ou politiques particulières ?

 

Modalités de soumission

Les contributions prendront la forme de communications de 25 minutes, en allemand ou en français. Il s’agit d’un atelier de jeunes chercheurs et ne peuvent donc postuler que des doctorants, des étudiants avancés et des chercheurs en phase de post-doctorat pour une durée maximum de 4 ans après l’obtention de leur thèse. 

Les candidats doivent envoyer un résumé d’une page en allemand ou en français, accompagné d’un titre, de l’affiliation universitaire, d’un bref C.V. précisant les capacités linguistiques ainsi que des coordonnées. Merci de transmettre le résumé, avant le 30 mai 2017, aux deux adresses suivantes : tristan.martine@gmail.com ; nowak@rg.mpg.de .

La sélection des communications sera indiquée aux proposants avant le 15 juillet 2017. Les candidats retenus devront ensuite fournir la version écrite de leur communication ou mettre à jour (et préciser) leur résumé initial, dans une des langues de conférence, avant le 1er mars 2018.

 

Coordination scientifique

Tristan Martine (Université Paris-Est Marne-la-Vallée/ Université de Lorraine)

Jessika Nowak (Max-Planck-Institut für europäische Rechtsgeschichte, Francfort)

 

Comité scientifique

G. Bührer-Thierry (Université Paris 1)

C. Ehlers (Max-Planck-Institut für europäische Rechtsgeschichte)

G. Giuliato (Université de Lorraine)

R. Große (Institut Historique Allemand Paris)

M. Margue (Université du Luxembourg)

P. Monnet (IFRA-SHS/ EHESS)      

D. Panfili (Université Paris 1)          

J. Schneider (Université Paris-Est Marne-la-Vallée)

A. Wilkin (Université libre de Bruxelles)