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Frédéric-Yves Jeannet, la lumière du monde

Frédéric-Yves Jeannet, la lumière du monde

Publié le par Université de Lausanne (Source : Nicolas Pien)

Frédéric-Yves Jeannet, la lumière du monde

Projet de volume collectif.

 

Depuis 1975, depuis le départ de France et de Grenoble, la « ville noire », Frédéric-Yves Jeannet a composé une œuvre unique, singulière, dans tous les sens du terme, qui pourrait, si nous devions absolument la définir, s’inscrire dans « l’autofiction », mais qui, à bien des égards, dépasse toute tentative générique pour s’imposer comme une tentative inédite de restitution de l’individu au monde. Depuis Si loin de nulle part (1985) jusqu’à Osselets (2010),tout lecteur familier de cette œuvre, de cette écriture plutôt, sait ce qu’elle engage et ce qu’elle donne, dans son infinie générosité, une forme de « vitalité désespérée », pour reprendre les termes de Pasolini, où jamais l’écriture ne fut autant invoquée pour se sauver. 
Il est temps de se pencher sur cette œuvre majeure, construite à la charnière des 20ème et 21ème siècles, en tentant de l’envisager à la fois dans ce qu’elle a de plus personnel et de plus universel. Conçu comme un hommage de lecteurs, le volume initié par les éditions Passage(s), prévu pour mars 2019, sera l’occasion d’interroger ce qui, dans ces textes, nous rend à l’essentialité et à l’évidence du monde. 

Puisant en permanence à la source, dans cette « malle noire » dont le lecteur imagine qu’elle a accompagné l’auteur depuis la France jusqu’au Mexique, en passant par la Nouvelle-Zélande, augmentant sans cesse de notes, de pages, de manuscrits, l’écriture de F-Y. Jeannet s’exhibe en permanence dans sa fabrication – dans sa reprise – afin d’avancer, de tracer dans l’histoire personnelle comme dans l’histoire du monde, par-delà les temps, par-delà les géographies, des lignes dans lesquelles l’auteur interroge les brisures, les failles, les gouffres. Ces lignes éclairent notre singulière condition grâce à un questionnement constant – questionnement qui trouve son prolongement dans les nombreux entretiens qu’il a menés avec d’autres écrivains – sur l’écriture, ce qu’elle permet et ce qu’elle refuse. Elle est sondée, comme on s’interroge soi-même, à travers son histoire, son espace, son corps ; l’écriture qui est le véritable lieu où les lignes convergent et divergent, où, comme sur une carte, elles forment des espaces intérieurs et extérieurs, dialoguant dans une extrême tension.

À l’instar de Samuel Beckett, confronté à l’impossible de toute littérature du moi, Frédéric-Yves Jeannet a pourtant réussi, au plus près de cet impossible, à élaborer, dans un geste musical, un mouvement – ou une somme de mouvements, de suites ou de fugues, qui dessine un mouvement plus vaste – dont apparaît, à chaque nouveau texte publié, la profonde cohérence. En travaillant des images liées à son histoire personnelle desquelles des thèmes se dégagent (la filiation, la politique, le dépaysement, la disparition et d’autres), l’auteur repousse à chaque nouvel opus, laissé des années durant à son lent travail de sédimentation, la frontière qui le sépare d’un texte, donné comme texture, dans lequel lui-même et le lecteur, comme des frères, seraient appelés, par le texte lui-même, à s’en extraire afin d’être au-delà de toute fin, afin de nous ouvrir à ce que l’auteur a nommé « l’alaya temporaire » dans Cyclone : la dépossession de soi, prélude à une animale immédiateté, toute primitive, à la lumière du monde. 

Sans ordre définitif, voici quelques thèmes autour desquels le volume s’articulera :

Le sacré : La dimension religieuse est éminemment présente dans les textes de Frédéric-Yves Jeannet : conçus parfois comme une prière, ils sont à la fois une incantation à l’invisible et une manière, très mexicaine, d’« exorcisme ». Le sacré, souvent appréhendé de façon primitive, est aussi, peut-être, une façon d’envisager une essentialité et une totalité. 

La musique : De Haendel à David Bowie, la musique irradie les textes de Frédéric-Yves Jeannet. Elle est à la fois un appui du texte et un modèle de composition, une aspiration, sans doute, pour une écriture qui souhaite s’affranchir de la contrainte du « dire » pour devenir mouvement.

L’autre : Textes adressés à un autre, (père, fils, ami et lecteur), l’œuvre ne peut s’appréhender sans penser l’autre, celui qui s’inscrit dans le texte et qui en est pourtant absent : à bien des égards, il s’agit, dans cette entreprise, d’incarner l’autre qui pourrait être soi-même, à travers le temps.

Le dialogue : L’autre est aussi l’œuvre de l’autre, cité et commenté (Lowry, Rimbaud, Proust, et bien d’autres) ou interrogé (Ernaux, Bergounioux, Butor, Cixous, Guyon).  Le dialogue s’est dirigé vers d’autres artistes, des peintres (Motherwell), des musiciens (Dominique A.), ou des photographes (Ph. Dollo avec qui il a co-signé L’Île Dollo)

L’écriture : Régulièrement narrée, discutée, défiée, l’écriture comme geste, comme intention et comme nécessité, est au cœur de l’œuvre : profondément inconfortable, elle demeure toutefois le « véritable lieu » où se réunissent les temps, les espaces et les figures. Elle est un mouvement qui traverse toutes les dimensions.

Le contemporain : Cyclone ou Recouvrance, par exemple, portent en eux le récit du contemporain : le récit d’une France qui, depuis les années soixante-dix, se renie, comme le récit d’un monde occidental soumis aux impératifs de la rapidité, de l’oubli et du désordre.  

Les résumés de communication sont à adresser à : nicolas.pien@unicaen.fr avant le 28 février 2018.
Les réponses seront rendues durant le mois d’Avril 2018. En cas d’acceptation, les communications seront à rendre pour le 1er Octobre 2018.

Frédéric-Yves Jeannet, la lumière du monde sera publié aux éditions Passage(s) en mars 2019, à l’occasion des soixante ans de l’auteur.