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Géographies de la nuit

Géographies de la nuit

Publié le par Université de Genève (Source : M. LUC GWIAZDZINSKI)

Géographies de la nuit / Geographies of the night / Geografie della notte
Appel à articles/Call for Articles/Invito a presentare articoli


Bulletin de la Société Géographique Italienne / Bulletin of Italian Geographical Society / Bollettino della Società Geografica Italiana
Marco Maggioli, Università Iulm, Luc Gwiazdzinski, Université Grenoble Alpes, 
Will Straw, McGill University, Montreal


Calendrier
Les auteurs/trices sont priés d’envoyer le titre et les résumés d’intention de moins de 1000 caractères (espaces compris) le 8 juillet au plus tard. Retour aux auteur/trices: 20 juillet 2018. Les auteurs/trices sélectionnés devront livrer leur texte complet le 15 octobre au plus tard. Les contributions en italien, français ou anglais ne doivent pas dépasser 40.000 caractères (espaces et bibliographie inclus).

Originelle alternance, la nuit est longtemps restée une dimension oubliée, une terra incognita, un finis-terre, un espace-temps peu investi par les activités humaines, une frontière à explorer, une dimension oubliée livrée aux peurs et aux fantasmes. Elle a inspiré les poètes en quête de liberté, servi de refuge aux malfaiteurs et inquiété le pouvoir qui a souvent cherché à la contrôler. Période d’obscurité symbolisée par le couvre-feu, l’arrêt de toute activité et la fermeture des portes de la cité, la nuit fut longtemps considérée comme le temps du repos social et du repli sur la sphère privée. Ediles, aménageurs, gestionnaires ont souvent abordé les villes et les territoires comme s’ils ne fonctionnaient que seize heures sur vingt-quatre. Rares sont les chercheurs qui aient trouvé le sujet digne d’intérêt et plus rares encore sont ceux qui l’aient abordée comme un «objet géographique».


Mais les temps changent. Les pressions s'accentuent sur la nuit qui cristallise des enjeux économiques, politiques, environnementaux et sociaux fondamentaux. La société redéfinit en profondeur ses nycthémères. Progressivement les activités humaines se déploient vers la nuit et recomposent un nouvel espace de travail et de loisirs. S'émancipant des contraintes naturelles, nos métropoles s'animent sous l'influence de modes de vie de plus en plus désynchronisés, de la réduction du temps de travail ou des nouvelles technologies d'éclairage et de communication. Depuis une trentaine d’années, on assiste à une colonisation progressive de la nuit par les activités humaines. Conséquence de ces mouvements d’expansion au-delà de la limite du jour, la nuit s’est imposée dans l’actualité du jour pour le meilleur (fêtes, événements…) et pour le pire (violences urbaines, conflits, insécurité…).


Colonisée par la lumière et les activités du jour, traversée par des usagers aux rythmes de plus en plus décalés, la nuit urbaine est devenue un champ de tensions central. Le temps en continu de l'économie et des réseaux s'oppose au rythme circadien de nos corps et de nos villes. Le temps mondial se heurte au temps local. Les conflits se multiplient entre individus, groupes et quartiers de la ville qui dort, la ville qui travaille et qui s'amuse. Ces tensions, les changements de modes de vie et la demande de services nocturnes adaptés ont obligé les pouvoirs publics à réagir, pour développer d’autres approches en termes de régulation ou de médiation. Longtemps marginale, la nuit devient peu à peu un sujet central pour les acteurs économiques,
les politiques publiques, le tourisme, l’urbanisme ou l’aménagement, un territoire où se ré-inventent les métropoles et la société de demain. Entre aménagement et ménagement, exploitation et protection, artificialisation et naturalisation, liberté et instrumentalisation, tensions et innovations, la nuit a beaucoup de choses à dire au jour.


Après les travaux pionniers de la fin des années 90, un nouveau champ de recherches, celui des «Night studies» émerge et se structure peu à peu associant notamment des historiens, des géographes, des urbanistes, des sociologues, des économistes, des anthropologues, des ethnologues, des philosophes, des biologistes, des spécialistes de la culture et de la communication, des politologues, des architectes, des artistes et des praticiens. Partout dans le monde, les colloques, séminaires, travaux de recherche, thèses et expositions sur la nuit se multiplient explorant souvent de manière interdisciplinaire les limites de la nuit urbaine, la colonisation, l’insécurité, la gouvernance, les politiques publiques, les aménagements, la qualité de vie, la co-habitation, les plans lumière, le paysage, les mobilités, les représentations, la cartographie, l’innovation, le marketing.


L’espace et le territoire sont au coeur de ces réflexions. Les géographes et la discipline géographique ne sont pas à l’écart de ces travaux sur la nuit et plus largement des réflexions en cours sur les temporalités ou l’approche chronotopique. Au contraire, ils participent depuis le début à cette exploration de «l’autre côté du jour». Leurs travaux et ceux d’autres disciplines sont surtout centrés sur l’Europe (Grande-Bretagne, France, Allemagne principalement), avec quelques incursions vers le bassin méditerranéen l’Amérique du Nord, l’Amérique du sud, l’Asie ou l’Afrique. Ces recherches s’intéressent principalement aux villes et aux grandes métropoles malgré des élargissements récents vers les villes moyennes.


L'objectif de cet appel à articles est d'explorer la nuit à différentes échelles et dans différents contextes géographiques. Il cherche à faire le point sur les réflexions en cours en géographie et dans les disciplines voisines, à diffuser d’autres approches de la nuit, à d’autres échelles et sur d’autres thématiques et à contribuer au développement de ces recherches en Italie, en Europe et dans le monde. Il vise un élargissement géographique, thématique et méthodologique de l’exploration nocturne. Les contributions pourront aborder des dimensions critiques, méthodologiques et prospectives et aborder différentes questions non exclusives. Entre liberté et insécurité, «diurnisation» et résistance que reste-t-il de nos nuits? Quelles sont les évolutions qui affectent les espaces? Quelles formes d’organisations spatiales émergent et à quelles échelles? Quels rythmes? Quelles pratiques? Quelles populations? Quels genres? Quelles activités? Quelles limites entre espace privé et espace public? Quelles interactions et quelles modalités d’interactions? Quelles sociabilités? Quelles mobilités? Quelles innovations? Quels conflits? Quelles gouvernances? Quelles nuits au Nord? Quelles nuits au Sud? Quelles nuits des villes et quelles nuits des champs? Quelles représentations? Quels événements? Quelles fêtes et quelles mobilisations? Quels développements? Quelles formes d’habiter? Quels futuribles?


Les articles pourront aborder les géographies de la nuit dans toutes leurs dimensions historiques, politiques, économiques, sociales, environnementales ou culturelles, à différentes échelles et dans tous les contextes. Espace public, économie, gouvernance, aménagement, urbanisme, mobilisations, conflits et contestations, nouveaux services, travail, loisirs, sécurité, diversité, tourisme, culture, illumination, ambiances, design, genre, sexualité, critiques: ce sont quelques clés d’entrée possibles non exclusives. Enfin, l’appel n’est pas réservé aux seuls géographes et toutes les propositions seront examinées avec soin à la condition qu’elles contiennent une dimension géographique.
Qu’est-ce que la nuit peut apporter à la géographie et qu’est-ce que les géographes peuvent apporter à la réflexion sur la nuit. Peut-on et doit-on mettre la nuit en cartes et en équations? Comment éclairer la nuit sans la tuer? Ce sont quelques unes des questions auxquelles nous tenterons de répondre.


En ce qui concerne la mise en page de l’article, nous vous prions de suivre les instructions pour les auteurs (guidelines for authors) à la page suivante: http://societageografica.net/wp/it/bollettino/


Bibliographie
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(*) Luc Gwiazdzinski est géographe, directeur du Master Innovation et territoire à l’université Grenoble Alpes. Il a dirigé une vingtaine de colloques et programmes de recherche sur la nuit et les temps urbains. Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur ces questions parmi lesquels : La nuit dernière frontière de la ville (L’aube) ; la Ville 24h/24 (L’Aube) ; La Nuit en questions (Hermann) ; Nuits d’Europe (UTBM), L’hybridation des mondes (Elya) ; Chronotopies (Elya).


(*) Marco Maggioli est géographe à l’IULM de Milan. Coordinateur du cours de maîtrise en tourisme, management et territoire. Ses principaux domaines de recherche sont la géographie culturelle et sociale, la géographie du tourisme, la géographie urbaine, et la méthodologie de recherche géographique. Il est l’auteur d’une centaine d’articles scientifiques dont très récemment avec C. Arbore, Territorialità. Concetti, narrazioni, pratiche. Saggi per Angelo Turco; Territorialità, legalità e legittimità presso i felupe della Guinea Bissau, 2017.


(*) Will Straw est Professeur au département d’histoire de l’art et des études en communication à l’Université McGill (Canada). Il est l’auteur d’une centaine d’articles sur la musique populaire, le cinéma et la culture urbaine. Il est co-directeur de l’ouvrage « Circulation and the city : Essays on Urban Culture » (Mc Gill-Queens University Press, 2010) et a dirigé plusieurs projets de recherche sur les médias, la culture urbaine et la nuit.