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L'Afrique littéraire de la diaspora. Postures et rhétoriques des écrivains (Revue Langues et Littératures)

L'Afrique littéraire de la diaspora. Postures et rhétoriques des écrivains (Revue Langues et Littératures)

(english version below)

L’Afrique littéraire de la diaspora

Postures et rhétoriques des écrivains

(numéro coordonné par Hassan Moustir)

 

Langues et Littératures[1], revue de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Mohammed V de Rabat, consacre un numéro thématique à la littérature de la diaspora africaine, à paraître en 2019. Les modalités de contribution sont détaillées à la fin du présent argumentaire.

Argument

Les honneurs de l’écrivain de la diaspora africaine ne se comptent pas, sa position en tant qu’auteur africain tout court est moins certaine et plus complexe à définir. Sa paratopie, selon le mot de Maingueneau (2016), entre champ d’accueil et champ d’origine ne le fixe nulle part. De même, sur le plan institutionnel, comme sur celui purement littéraire, un phénomène de distorsion multiple et imprévisible guette souvent l’auteur de la diaspora et son écriture. Rappelons d’abord quelques faits qui en attestent.

Le 17 mars 2016, l'écrivain congolais Alain Mabanckou donnait sa leçon inaugurale au Collège de France, sur une invitation d'Antoine Compagnon, leçon dont le titre suggérait une relecture en vue d'une écriture de l'histoire littéraire africaine. Son brillant séminaire redisait à qui en doutait encore que les pièces du récit national français étaient cousues, aussi, de fil noir. Il s’en déduisait malgré la justesse du constat un discours sur l’Afrique, depuis la France, ce que d’aucuns lisent comme une lettre de doléance de l’auteur africain en général destinée à l’ancienne instance tutrice de cette littérature. Le propos du manifeste Pour une littérature-monde ne fut pas moins lu comme un vœu de dissolution de la littérature francophone. Dans Imaginary homelands (1991), Salman Rushdie ne signait-il pas l’arrêt de mort de la Commonwealth literature (« ‘’Commonwealth literature’’ does not exist »). Pourtant la tendance serait aujourd’hui à l’affirmation des littératures nationales et non aux pratiques flottantes dans le paysage monde. Quelques années auparavant, en 2005, l'auteure algérienne Assia Djebar devenait la première femme (nord)-africaine à siéger comme immortelle à l'Académie française.

L'auteur pouvait-elle pour autant maintenir sa pratique de la langue d'écriture au rang d'évidence, sans avoir à "la justifier" comme on peut le lire dans Ces voix qui m’assiègent 1999), essai sous-titré, En marge de ma francophonie (rappelons que d'autres auteurs l'ont également fait avant elle, Khatibi notamment dans La Langue de l'autre (1998)). Ne reste-on pas perplexe en outre face à l'énigme de la nostalgie de l’Algérie française comme semble la figurer son roman La Disparition de la langue française (2003).  Plus reculé encore dans le temps, le 2 juin 1983 précisément, Senghor était le premier immortel africain à recevoir cet insigne sacre ; d’aucuns trouvaient incompatibles sa « défense et illustration de la francophonie » avec l’affirmation d’une culture nègre authentique. On ne peut à l’occasion rappeler la querelle, passagère, que provoqua le Nigérian prix Nobel de Littérature 1986, Wole Soyinka, en troquant la « tigritude » contre «la négriture », soit dans l’esprit de la formule l’acte libérateur plutôt que la revendication essentialiste.

Du point de vue de la réception, et plus proche de nous, l'humour de Fouad Laroui - en faisant fi ici de la distinction nord/sud du continent- et son ressort principal, l'ironie, n'est pas reçu de la même manière d'une rive à l'autre de la Méditerranée. Dans une de ses chroniques, l’auteur déclarait, ironiquement, bannir cette figure de son éventail stylistique. Davantage qu'une question de code littéraire, serait-ce d'un parti pris culturel qu’il s’agit, méjugeant souvent de la posture de l'écrivain usant d’une double énonciation? Plus encore, beaucoup de lecteurs africains ne se reconnaissent pas forcément dans une écriture qui, dans certains cas, crée un effet de dépaysement inverse pour celui qui connait la culture du dedans. Rien n’égale pour eux une écriture du terroir, comme celle d’un Najib Mahfoud par exemple qui atteint le pinacle de « l’universalité » en obtenant le Nobel de littérature en 1988 ou encore la profondeur organique de Sony Labou Tansi, de Félix Couchoro ou encore de la sud-africaine Nadine Gordimer récipiendaire du prix Nobel en 1991, plus d’une décennie avant son compatriote de la diaspora, John Maxwell Coetzee.

Certains auteurs du terroir, moins illustres, ne dépeignent pas moins efficacement les contours d’une culture et d’un être au monde africain. Plutôt qu’une réalité vécue, l’Afrique de l’écrivain de la diaspora serait pour le fervent lectorat local une construction narrative, déformée par le miroir de l’Occident. Qu’en est-il réellement ? L’œuvre du malgache Raharimanana par exemple  n’apporte-elle pas immédiatement un démenti sans appel à ce jugement ? En offrant une écoute attentive à cet argument, peut-être pour l’invalider, la notoriété de l’écrivain de la diaspora s’explique-t-elle par l’effet de proximité du champ métropolitain ? ou alors aurait-elle une plus-value certaine à mettre en lumière ? Comporte-elle une distorsion d’optique ? Si oui, laquelle ?

D’autres questions découlent de ces constats préliminaires et peuvent constituer à titre indicatif autant d’axes de réflexion :

  • N’est-il pas vrai que pour ces écrivains de la diaspora, venus à l’Europe et ailleurs au départ des différentes contrées du continent, l’Afrique reste, très souvent, l'univers de fiction d'élection ?
  • À l’inverse, ce lecteur supposé partial ne tient-il pas souvent la position spatiale comme un absolu, alors qu'elle serait davantage un "effet de langage"  intéressant à questionner?
  • En d’autres termes, suffit-il d’être ailleurs pour devenir écrivain de la diaspora, ou est-ce au contraire d’abord une posture, un langage et une rhétorique ?

    - Si c’est le cas, et face à la force structurante du champ d’accueil, quelles stratégies discursives ces écrivains adoptent-ils en faveur de leur propre visibilité ? Quel regard depuis « l’Ailleurs » porte-il sur l’Afrique ?
  • Le fait diasporique serait-il nécessairement producteur d'un effet de distance de nature critique?
  • Comment cet effet de distance, comme catalyseur de proximité, sert-il de motifs aux diverses constructions discursives de l'appartenance.
  • En quoi l'Afrique des écrivains de la diaspora serait-elle différente de celle des auteurs du terroir si tant est que cela est soutenable ?           
  • Quels (doubles ?) discours et postures développent-ils aussi bien à l'égard de la culture d’accueil qu’à celle « d’origine » si toutefois cette appellation est toujours admissible pour certains d’entre eux. Pensons ici également aux auteurs « issus » de la diaspora n’ayant pas une expérience initiale (initiatique ?) et directe du pays.  
  • Quelles transformations subit la représentation de l’Afrique quand elle est filtrée par la position de l’écrivain, ou sa double posture ?
  • Quels effets éditoriaux possibles sont-ils sensibles dans la manière de représenter une réalité africaine « devenue autre » ?
  • La diaspora en matière d’écriture, de l’Afrique en l’occurrence, ne serait-elle pas en définitive l’expression d’une distance culturelle qui s’énonce de façons multiples et variées, selon les auteurs et leur degré de proximité du champ littéraire d’accueil ou d’origine ?
  • Enfin, de quelles représentations, médiatiques notamment, font l’objet ces écrivains africains de la diaspora du point de vue de l’identification, de l’exposition médiatique et de l’usage culturel ?

 

Dates et modalités de contribution

  • Les articles d’une longueur de 30.000 caractères (espaces compris) sont attendus pour le 28 février 2019.
  • La décision du comité de rédaction de la revue, à l’issue d’un processus d’expertise en double aveugle, sera communiquée aux auteurs vers le 30 mars 2019.
  • Les références doivent respecter le style de l’American Psychological Association (APA). Une version en Français de APA est accessible via le lien : http://benhur.teluq.uquebec.ca/~mcouture/apa/normes_apa_francais.pdf
  • Les contributions sont à adresser à : hassan.moustir@um5.ac.ma

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African Literature(s) of the Diaspora: The Writer’s Postures and Rhetoric
(issue coordinated by Hassan Moustir)

The journal Langues et Littératures[2] of the Faculty of Letters and Social Sciences, Mohammed V University, Rabat, Morocco, welcomes contributions for its special issue on the literature(s) of the African diaspora, to be published in 2019. The guidelines for submission are detailed below.
 

Description

The position of the African writer of the diaspora is quite complex to define. Their paratope (paratopie), to use Maingueneau's (2016) term, lies in their position in-between the fields of reception and origin. At both institutional and literary levels, a phenomenon of distortion, multiple and unpredictable, often lurks behind the author of the diaspora and their writing. Let us first recall some facts that attest to this.

On 17 March 2016, at the invitation of Antoine Compagnon, the Congolese writer Alain Mabanckou gave an inaugural lecture at the Collège de France whose title suggested a rereading of the African literary history. In this brilliant lecture, Compagnon argued that the pieces of the French national narrative were in fact sewn with a black thread, a statement that was read as a complaint from the African author to the former custodian of their literature. In the same way, the manifesto “Pour une literature-monde” (“For a World Literature”) was read as the expression of the desire to dissolve Francophone literature. In Imaginary Homelands (1991), Salman Rushdie declared the Commonwealth literature dead ("Commonwealth literature" does not exist). Yet the trend today is to prioritize national literatures over the floating practices in the world landscape. A few years earlier, in 2005, the Algerian author Assia Djebar became the first (North)-African woman to be admitted as a life-long member to the French Academy. Could the author, however, maintain the language of writing in evidence, without having to" justify" its use (authors  such as Khatibi have done so before, especially in his The Language of the Other (1998))? There is no need to feel perplexed before the enigmatic case, as can be read in Ces voix qui m’assiègent 1999 (These Voices That Besiege ME 1999), an essay subtitled, « En marge de ma francophonie » (“On the Margins of My Francophonie”), and the enigmatic nostalgia for French Algeria as depicted in her novel La Disparition de la langue française (2003) (The Disappearance of the French Language, 2003). Further back in time, on June 2, 1983, Senghor was the first African author to become a life-long member of the French Academy, but his defense of a culture of Negritude was perceived as incompatible with his defense of the Francophonie.

As for the reception of the Diasporic African literature(s), and closer home, the use of irony which characterizes the works of Fouad Laroui, for example, is received differently on both sides of the Mediterranean. In one of his chronicles, Laroui sarcastically declared his intention to banish irony from his stylistic repertoire. More than an issue of literary style, the question is whether the persistent inclination to misinterpret the posture of the African diasporic author’s use of double enunciation is motivated by a cultural bias. Moreover, many African readers do not necessarily recognize themselves in a writing that, in some cases, creates the opposite effect of estrangement (depaysement), especially for those familiar with the cultural background. For such readers, no writing could match up to the organic and home-grown narratives of authors such as Najib Mahfoud, for example, whose universal acclaim was attested by the author’s attribution of the 1988 Nobel prize in literature or the depth in the writings of authors such as Sony Labou Tansi, Felix Couchoro, the South African 1991 Nobel laureate Nadine Gordimer or her subsequent diasporic compatriot John Maxwell Coetzee.

A few less known authors portray as effectively the contours of an African culture and being. For the fervent local reader, the African world depicted in the works of diasporic writers is a mere narrative construction, distorted by the mirror of the West. However, the fact is that the works of African diasporic authors such as the Malagasy Raharimanana undermine this assumption. Would an attentive examination of this assumption, for example, reveal that the reputation of diasporic writers is impacted by their proximity to the metropolitan field? Does this notoriety embed an added value that needs to be highlighted or, rather, does it convey an optical distortion and if so, which one?

These preliminary observations generate a set of questions that can constitute multiple axes for reflection:

- Is it not true that for these writers of the diaspora, who have come to Europe and elsewhere from different parts of the continent, Africa is very often their favorite fictional world?
- Conversely, doesn’t this supposedly biased reader often consider the spatial position as an absolute value rather than a "language effect" that needs to be questioned?
- In other words, is it enough to be elsewhere to become a writer of the diaspora, or is this condition, on the contrary, first and foremost a posture, a language and a rhetoric?
- If so, and facing the structuring force of the host field, what discursive strategies do these writers adopt in favor of their own visibility? What perspective from "the Elsewhere" do they have for Africa?
- Would the diasporic fact necessarily produce a distance effect of a critical nature? How does this effect of distance, as a catalyst of proximity, serve as motif for the various discursive constructions of belonging?
- How would the Africa constructed by writers of the diaspora be different from the Africa depicted by non-diasporic authors?
- What are the (double?) discourses and postures they develop towards their host culture and their culture of “origin”? Let us also think of the diasporic authors who do not have an initial (initiatory?) and direct experience of their country of “origin.”
- What are the transformations that underline the representation of Africa when it is filtered by the position of the writer, or their dual posture?
- What editorial effects might be impacted in the representation an “othered” African reality?
- Wouldn’t diasporic writing ultimately be the expression of a cultural distance that is articulated in various ways, depending on the authors and their degree of proximity to the literary field of the host culture or their culture of origin?
- Finally, what are the representations that characterize African diasporic writers, in particular in the media, from the point of view of identification, media exposure and cultural use?

Guidelines for Submission:
- Articles should be about 30,000 characters and should be submitted by February 28, 2019.
- Following a blind-review process, the decision of the editorial board will be communicated to the authors around March 30, 2019.
- References should follow the American Psychological Association style which can be accessed at: http://www.apastyle.org/
- Submissions should be sent to: hassan.moustir@um5.ac.ma

 

[1] Langues et Littératures adopte l’évaluation internationale par les pairs et la norme APA, accessible via le lien : http://benhur.teluq.uquebec.ca/~mcouture/apa/normes_apa_francais.pdf

[2] Langues et Littératures is an international peer-reviewed journal, it uses the APA style. The APA style can be accessed at: http://www.apastyle.org/