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L’imaginaire linguistique : dynamique du discours et fabrique de la langue (revue Signes, Discours et Sociétés)

L’imaginaire linguistique : dynamique du discours et fabrique de la langue (revue Signes, Discours et Sociétés)

Publié le par Arnaud Welfringer (Source : Jean-Christophe Pitavy)

​Thème du prochain numéro de la revue électronique

Signes, Discours et Sociétés

Revue semestrielle en sciences humaines et sociales dédiée à l'analyse des discours.

"Pourquoi l’imaginaire linguistique ?"

Si, en dehors de tout cadre théorique particulier, l’expression « imaginaire linguistique » peut s’appliquer à des concepts différents dans le champ des études consacrées au langage, notamment la littérature ou l’art en général, et constituer une variante de ce qu’on peut aussi appeler « imaginaire de la langue » ou « imaginaire du langage », on sait que l’association de ces deux mots (dorénavant IL) désigne une théorie précise, élaborée par Anne-Marie Houdebine à partir des années 1970 et dont l’objet avait initialement été défini brièvement comme « le rapport du sujet à la langue ». Plus précisément, l’IL s’intéresse aux représentations, aux constructions, aux fictions, voire aux sentiments — tous termes concurrents dans des approches similaires à l’IL — qui jouent un rôle central dans les pratiques langagières.

L’IL a à voir avec des concepts développés parallèlement. Sans se confondre avec ceux-ci, il est susceptible de les intégrer. Par exemple l’insécurité linguistique, mise à l’honneur par Labov (1966) ou l’activité épilinguistique, développée par Culioli (1981), qui tous deux renvoient aux jugements émis ou véhiculés par les sujets parlants, individuellement et/ou collectivement. Ces sentiments conditionnent leur production en discours (leur compétence linguistique) tout en influant sur l’évaluation qu’ils font de leur idiolecte, par rapport à une forme de leur langue considérée comme un « modèle ».

Par ailleurs, cet ensemble de représentations, constamment construit, enrichi et modifié, comme l’est la langue elle-même, est fonction du cadre plus large auquel appartient le langage en tant qu’ensemble de pratiques sociales et culturelles. Anne-Marie Houdebine a progressivement développé son modèle à partir des outils conceptuels et théoriques existants et disponibles, en dépassant le domaine des sciences du langage, en psychologie, psychanalyse, sociologie et philosophie, tous champs disciplinaires qui avaient contribué à développer différemment un ou peut-être des concepts d’imaginaire.

L’IL et la langue : un « rôle dynamique »

On observe que, sans être totalement absente, l’approche descriptive du système de la langue ou plus précisément du rôle de l’IL dans la constitution et la régulation de ce système, ne fait pas l’objet des travaux les plus nombreux. La thèse de F. Fodor, Dynamique des imaginaires linguistiques dans la constitution du français et du hongrois (1999), marque une étape importante dans une direction qui n’a pas beaucoup été explorée.

C’est cette notion de « dynamique » de l’IL qui ne saurait être trop soulignée et nous semble mériter une attention particulière. Le rôle dynamique que jouent les imaginaires linguistiques dans la vie ou la régulation de la langue, comme on parle de la maintenance d’un système, constitue précisément le propos de ce volume.

Dans la régulation de la langue comme institution ou système de conventions collectives, on peut interroger le rôle joué par les différentes normes. Au niveau du sujet parlant et du discours, ce sont les attitudes langagières induites par ce que l’on appelle les « fautes », les mécanismes normatifs d’auto-correction ou de censure dans le fonctionnement non seulement du langage, mais dans certains cas de la langue elle-même, qui méritent d’être appréhendés sous l’angle de l’IL. Les phénomènes d’hypercorrection illustrent à eux seuls quelque chose qui se produit en passant du modèle à l’activité langagière individuelle et du discours à la langue.

Comme force d’influence, l’IL se décline en différents types d’attitudes, de stratégies, de discours nourris de réflexion logique, d’observation rationnelle ou au contraire de fantasmes, d’idéologie ou de postures subjectives, à l’origine d’interactions, d’interventions ponctuelles, inconscientes ou planifiées, sans suite ou au contraire durables. C’est la variété de ces facteurs, dans des contextes culturels, historiques, politiques, sociaux et bien sûr linguistiques variés qu’il a semblé opportun d’aborder à partir de perspectives différentes, centrées sur le rapport entre la langue et différents types de discours.

La « fabrique de la langue »

Si l’on pose que l’IL fait partie intégrante des processus de construction collective, de nombreuses propositions peuvent être éprouvées à partir des faits correspondant à différentes langues. On pourra ainsi explorer en quoi, selon les cas, les mécanismes d'évolution des langues naturelles peuvent être complétés par des processus plus complexes d’IL laissant à leur tour des traces dans le système de la langue.

Il s’agira par exemple d’envisager si et comment l’IL constitue un fonctionnement constant, propre à tout usager, du locuteur natif à l’apprenant d’une nouvelle langue. Sans aller jusqu’à parler d’une « fonction imaginaire » du langage, cet IL, généré par et générateur des compétences individuelles et des normes intégrées, pourrait être défini comme faisant partie intégrante de la « fabrique de la langue ».

Dans le cas d’une approche diachronique, non strictement évolutive, un certain type d’IL s’avère particulièrement pertinent par rapport à des moments historiques, par exemple des époques de prestige ou de rayonnement culturel, des périodes d’organisation étatique ou d’institutionnalisation plus ou moins centralisée et contrôlée, des phases de planification ou d’uniformisation, mais aussi les moments de révolution, d’émergence de sentiment national, les mouvements d’indépendance politique, de création d’État, etc. L’action possible de l’IL des acteurs en présence, selon les situations, est susceptible de laisser des traces dans les strates résultant de la diachronie des langues concernées.

Ces phases critiques opèrent une concentration, un figement, voire une cristallisation d’un ou de plusieurs IL, par le biais de l’intervention de groupes déterminés : intelligentsias et élites littéraires ou culturelles, réformateurs, académies ou institutions linguistiques diverses, écoles et divers leviers de normalisation.

La part « productive » ou créative de l’IL peut être évoquée comme jouant un rôle pertinent à différents niveaux d’un axe qui va de l’individuel au collectif, du discours à la langue, des pratiques socioculturelles aux interventions planifiées infléchissant le système par rapport à des représentations extralinguistiques.

Dans ce sens, nous entendons privilégier l’étude de cas de langues aussi variées que possible.

Les propositions de contributions pourront être regroupées autour des axes suivants (liste non limitative) :

  • aspect des politiques linguistiques
  • langues régionales, revitalisation
  • intervention et rôle d’experts : linguistes, écrivains et autres
  • autocensure et normes
  • naissance de légendes et mythes linguistiques dans les sociétés modernes
  • les sociétés modernes « fabriques de diglossie »
  • usage et libéralisme
  • imaginaire linguistique et imaginaire culturel en littérature
  • études de cas historiques : langues françaises, romanes, World Englishes, anglais et langues germaniques, diglossies grecque, turque, langues régionales d’Europe…

 

Réception des propositions d'articles (titres, résumé : 100-300 mots, mots-clés) : 1er mai 2017. 

Réponse du Comité de rédaction : 15 mai 2017

Remise des articles (3500 signes environ, titre et résumé compris) : 15 août 2017

Mise en ligne : septembre 2017