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Le discours et l'imaginaire du corps dans la littérature et les arts : approches intermédiales (Sfax, Tunisie)

Le discours et l'imaginaire du corps dans la littérature et les arts : approches intermédiales (Sfax, Tunisie)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Mustapha Trabelsi)

Université de Sfax (Tunisie)

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Laboratoire de Recherche Interdisciplinaire en Discours, Art, Musique et Economie

(LARIDIAME, LR18ES23)

Colloque international

Appel à communications

Le discours et l’imaginaire du corps dans la littérature et les arts : approches  intermédiales

Les 15-16- 17 avril 2020

 

Le corps occupe une place importante dans les domaines littéraire, philosophique, sociologique, scientifique, religieux et esthétique. Pris entre des perceptions contradictoires, il est objet d’admiration et de désir pour certains, de souffrance et de répulsion pour d’autres, d’auscultation et d’analyse pour d’autres encore. Il est au cœur de la vie, au centre des relations interpersonnelles, interculturelles et interdisciplinaires. C’est que, comme le note si  justement  Isaac Bazié, « le corps est une question de nature transversale qui ne cesse de motiver des positions allant de son occultation complète à une fétichisation de l’objet. » (« Corps perçu et corps figuré », Etudes françaises, Volume 41, Numéro 2, 2005, p. 9) Il suscite constamment la curiosité des chercheurs et leurs réflexions, mais semble échapper à toute  détermination dès qu’ils  tentent de le définir. C’est pourquoi le nombre des études qui lui sont consacrées est considérable. On s’est intéressé au statut sémiotique et narratologique du corps (Philippe Hamon, « le statut sémiologique du personnage », Littérature, mai 1972, p. 86-110), aux techniques de narration et de description du « corps qui mange, boit et souffre, d’un personnage en chair et en os dont on raconte l’histoire » (Francis Bertholot, Le corps du héros. Pour une sémiologie de l’incarnation romanesque, Paris, Nathan, 1997, p. 9.), à l’écriture du corps et à sa construction littéraire (Ecriture du corps, nouvelles perspectives, sous la direction de Pierre Zoberman, William J. Spurlin et Anne Tomiche  Classique Garnier, 2013). De même, plusieurs travaux ont été consacrés à l’histoire des représentations et des pratiques du corps (Georges Vigarello, Histoire de la beauté, l'art d'embellir de la Renaissance à nos jours, Seuil, 2004, Histoire du corps, sous la direction d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello, Seuil, 2005, Tome 1, 2 et 3) et à ses enjeux  sociologiques (David Le Breton, La Sociologie du corps, PUF,  1992), anthropologiques (David Le Breton, Anthropologie du corps et de la modernité, PUF, 2013) et philosophiques  ( Michela Marzano, Philosophie du corps, PUF, 2016).

De telles études nous dispensent de revenir vers des champs d’analyse déjà explorés. Nous voudrions, sans renier ces acquis, nous intéresser, dans le cadre de ce colloque,  au jeu d’échanges entre les divers systèmes sémiotiques dans la représentation du corps dans l’œuvre  littéraire. Certains écrivains s’approprient, grâce à un travail de transformation et d’assimilation, des éléments artistiques et esthétiques et les exploitent dans la mise en texte de la corporéité. Jacques Garelli, par exemple, inscrit dans son  recueil Difficile séjour (L’Ubiquité d’être suivi de Difficile Séjour, Paris, José Corti, 1986), divers « médiums » comme la poésie, la sculpture de  Gonzalo Fonseca et la photographie. Il multiplie les échos et les reflets entre ces codes afin de mettre en scène la genèse du  corps constitué de trois matières : la parole, la pierre et la photographie. C’est  la tension entre ces éléments qui domine et qui conduit le poète à créer non pas des poèmes-corps, mais des fragments de corps susceptibles d’avoir des extensions multiples au niveau imaginaire, symbolique et poétique.

De même, l’écrivaine algérienne d’expression française, Assia Djébar, n’hésite pas, dans son évocation des blessures du corps de la femme arabe pris au piège du fanatisme et des interdits, à se référer au cinéma, à la musique et à la peinture. Dans la même optique, Pascal Quignard perçoit le corps dans sa dimension picturale : son bruissement, son invisibilité, son aspect indicible ou innommable surgissent à travers une intermédialité  verbo-picturale.    

C’est à partir de ces renvois à des médiums-médias que nous pourrons formuler deux hypothèses de recherche : d’une part, le corps ne doit pas être  saisi en lui-même, comme un objet autonome, figé, idéalisé ou objet de répulsion, mais comme « un être-là », protéiforme, sujet à de multiples métamorphoses et figurations, circulant librement d’un mode d’expression artistique à un autre réalisant aisément son intégration dans l’espace imaginaire où il apparait. D’autre part, c’est l’approche intermédiale qui pourrait nous aider à cerner un tel mode d’écriture du corps. Alors que les approches qui privilégient l’intertextualité, l'intergénérique ou l’hybride  accordent une place importante au texte, aux genres et aux jeux de discours, l’intermédialité englobe ces questions sans négliger les autres formes de production culturelle : musique (Romain Rolland, Jean-Christophe, Marcel Proust, Un amour de Swann, Pascal Quignard, Tous les matins du monde)), peinture (Philippe Delerm, Autumn, Guy  de Maupassant, Fort comme la mort, Pascal Quignard, Le Sexe et l’effroi et La Nuit sexuelle), sculpture (Théophile Gautier, Emaux et camées), gravure (Pascal Quignard, Terrasse à Rome, Restif de la Bretonne, Le Paysan perverti et Nuits de Paris), cinéma (Margurite Duras, Hiroshima mon amour, Assia Djebar, Vaste est la prison), photographie (Jean-Philippe Toussaint, L’Appareil-photo, Gérard Macé, Ethiopie, le livre et l’ombrelle et La Photographie sans appareil ), danse (Pasqual Quignard, Médéa), etc. Tous ces arts-médiums coexistent chaque fois au sein de la même œuvre engendrant  une saisie dynamique du corps dans ses métamorphoses, ses déplacements et sa réécriture.

"Objet" du réel, projeté à l'intérieur de l'œuvre, "espace" ouvert à l'imaginaire, aux divers médiums et interactions esthétiques, objet de discours et d'écriture, le corps est parole, œuvre en cours. Sa perception et sa mise en forme dans le discours littéraire  impliquent un processus de renouvellement des modes d’écriture littéraire et c’est l’intermédialité qui apparait comme le lieu idéal où non seulement s’élaborent, surgissent et s’imposent des images multiples du corps libéré des contraintes, mais où également se réalise  le renouvellement des modes de réception du texte littéraire. 

Lire et explorer le corps dans l’œuvre intermédiale signifient « accueillir les sollicitations visuelles des photos, étendre sa main sur les mots comme sur les sculptures, voir le marbre comme une feuille écrites avec des images » (Marianna Marino, « Sculpter le verbe : rencontre du marbre et du poème dans Difficile séjour de Jacques Garelli », La Question de l’hybride, études rassemblées par Arselène Ben Farhat et Mustapha Trabelsi, 2014, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax, Nouha Editions, Collection de l’URLDC, p.166). La lecture intermédiale se définit donc d’une part comme une expérience qui enrichit le récepteur et affine son goût esthétique et d’autre part comme un exercice qui conduit le lecteur vers son propre corps. Roland Barthes le souligne dans Le Bruissement de la langue : « lire, c’est faire travailler notre corps […] à l’appel de tous les langages qui le traversent et qui forment comme la profondeur moirée des phrases. » (Seuil, 1984, p. 35).

Dans le cadre de ce colloque, les chercheurs sont conviés à analyser le corps non pas dans sa dimension générique ou sémiotique, ni dans sa dimension sociologique, philosophique, scientifique ou thématique, mais dans sa dimension « médiale ». En ce sens, ils sont appelés à réfléchir sur l’écriture du corps inscrit dans le champ émergent de l’intermédialité, à s’intéresser à son ouverture sur les arts / médias au sein des mêmes œuvres littéraires. Quel corps transmédiatique attire l'écrivain ? De quelle manière la coexistence des modes d’expression scripturale et artistique se réalise-t-elle dans la représentation du corps ? Par quelle alchimie les sensations visuelles, tactiles, auditives se mêlent-elles au cinéma et aux photos dans la saisie de la corporalité au sein du texte ? Comment le marbre, la gouache, les couleurs, le jeu d’ombre et de lumière, les sons envahissent-ils le roman, la pièce théâtrale ou le poème et  comment contaminent-ils l’écriture du corps ? Existe-t-il, au XXIe siècle, un « roman-film », un « poème-statue », un « poème-photo » ? La peinture peut-elle devenir texte, le marbre poème, la musique écriture ? Chacun de ces arts peut-il ériger le corps en toile de peinture, en sculpture, en gravure ou en sonate au sein du texte ? Ces différentes représentations peuvent-elles être en écho en donnant naissance à des corps fantasmés (comme dans La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch), à des corps artificiels (poupées, marionnettes, automates, robots, etc.), à des corps virtuels (hologramme, avatar, procédé cinématographique de la motion capture, etc.), ou à des corps retouchés voire "hybridés" (chirurgie esthétique, changement de sexe, bodybuilding, etc.) ? Quel est l’impact de ces représentations sur l’horizon d’attente des récepteurs dans leur lecture du corps ?

Les propositions de communication, d’environ une demi page, (titre et résumé) accompagnées d'une courte notice biographique sont à envoyer uniquement par voie électronique avant le 30/09/2019, à l’adresse suivante :

colloquecorpsavril2020@gmail.com

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-  Les frais de participation pour les étrangers seront de 80 euros, ou leur équivalent en dinars tunisiens. Les participants tunisiens seront redevables de 120 dinars. 

- Les organisateurs du colloque prendront en charge les pauses-café, les déjeuners, le transport pendant les jours du colloque, Dar Sébastien à Hammamet et les attestations de participation.

- L’hébergement : La réservation à l’hôtel (en demi pension, soit 70 dinars la nuitée) sera assurée par le comité d’organisation. Mais le payement sera effectué à l’hôtel par le participant lui-même.

Quelques repères bibliographiques

  • Arselène Ben Farhat et Mustapha Trabelsi, La Question de l’hybride, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax, Nouha Editions, Collection de l’URLDC, 2014.
  • Francis Berthelot, Le corps du héros : pour une sémiologie de l’incarnation romanesque, Nathan, Paris, 1997.
  • Rémy Besson, Prolégomènes pour une définition de l'intermédialité, Culture visuelle, carnets cinémadoc, 2014 En ligne:

  http://culturevisuelle.org/cinemadoc/2014/04/29/Prolegomenes

  • Wafa Bsaïs (dir), Subjectivité et Corps dans la littérature de langue française, Université Paul-Valéry-Montpellier III, 2006.
  • Alain Corbin (dir), Histoire du Corps 2 : de la Révolution à la Grande Guerre, éd. Seuil, 2005.
  • Alain Corbin, Jean Jacques Courtine, Georges Vigarello (dir), Histoire des émotions, 1. De l’antiquité aux Lumières, éditions du Seuil, 2016.
  • Jean Jacques Courtine, Histoire du Corps 3, Les mutations du regard, Le XXème siècle, éditions du Seuil, 2006.
  • Alfonso De Toro, Translatio: transmédialité et transculturalité en littérature, peinture, photographie et au cinéma. Amériques Europe Maghreb, Actes du colloque international de Leipzig, 29 juin-3 juillet 2011, Paris, Ed L'Harmattan, 2013.
  • Claude Fintz, Le corps comme lieu de métissages, L’Harmattan, 2003.
  • Jacques Fontanille, Corps et sens, PUF, 2011.
  • Bernard Guelton, Images et récits, la fiction à l'épreuve de l'intermédialité, L'Harmattan, 2013.
  • Miyna Kaptan-belkora, Ijjou Chaikh Moussa (dir), Les représentations du corps mises en mots, mises en images, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Rabat, Colloques et Séminaires, N°174, 2014.
  • Eva Lévine et Patricia Touboul, Le corps, Flammarion, Paris, 2015.
  • Stéphane Lojkine (éd.), L’Ecran de la représentation. Théorie littéraire. Littérature et peinture du XVIe au XXe siècle, L’Harmattan, Paris, 2001.
  • Stéphane Lojkine, Image et subversion, Editions Jacqueline Chambon, 2005.
  • Marie-Thérèse Mathet (éd.), Brutalité et représentation, L’Harmattan, coll. « Champs visuels », 2006.
  • Bénédicte Mathios, Une lecture de l’œuvre d’Angel Gonzalez : corps et écriture poétique, Lela, Vol. 13, Berlin, 2009.
  • Arnaud Rykner, Christine Buignet, Entre code et corps. Tableau vivant et photographie mise en scène. Presse de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, 2012.
  • Meyer Schapiro, Les mots et les images. Sémiotique du langage visuel, Paris, Macula, 2000.
  • Julius Von Schlosser, La littérature artistique. Manuel des sources de l’histoire de l’art moderne (1924), trad. De l’allemand par J. Chavy, Paris, Flammarion, « Idées et recherches », 1984.
  • Monique Moser Verrey, Lucie Desjardins, Chantal Turbide, Le corps romanesque, Images et usages topiques sous l’Ancien Régime, coll. « La République des Lettres », Presses de l’Université Laval, 2009.
  • Bernard Vouilloux, De la peinture au texte : L’image dans l’œuvre de Julien Gracq, Genève, Droz, 1989.
  • Bernard Vouilloux, L’œuvre en souffrance, entre poétique et esthétique, Paris, Editions Belin, coll. « l’Extrême contemporain », 2004.
  • Bernard Vouilloux, Langages de l’art et relation transesthétiques, Paris, Ed. de l’Eclat, coll. « Idées et Recherches », 2002.
  • Bernard Vouilloux, Le tableau vivant. Phryné, l’orateur et le peintre, Paris, Flammarion, coll. « Idées et Recherches », 2002. 
  • Bernard Vouilloux, Tableaux d’auteurs après l’ut pictura poèsis, PUV, coll. « Essais et Savoirs », 2004.
  • Bernard Vouilloux «Intermédialité et interarticité. Une révision critique», Intermédialité, Paris, Ed SFLGC, Coll.«Poétique comparatiste», 2015.
  • Bernard Vouilloux, Ce que nos pratiques nous disent des œuvres À travers poétique et esthétique, Ed Hermann, Paris, 2014.

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Comité scientifique:

Hervé Bismuth, Arbi Dhifaoui, Kamel Gaha, Bénédicte Mathios,

Philippe Jousset, Abderrahman Tenkoul, Kamel Skander, Mustapha Trabelsi, Bernard Vouilloux.

Comité d’organisation :

Ons Affes, Arselène Ben Farhat, Taieb Haj Sassi, Inès Hamed, Sonia Meziou, Mouna Sassi.

Calendrier

30/10/ 2019 : réception des propositions de communication
30/11/ 2019 : notification aux auteurs
15-16- 17 avril 2020 : Colloque international

Juin 2021 : publication

 

Responsables :

Mustapha Trabelsi, Arselène Ben Farhat, Taieb Haj Sassi, Inès Hamed.