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Le féminicide. État des savoirs, histoire et actualité (1)

Le féminicide. État des savoirs, histoire et actualité (1)

Publié le par Marc Escola (Source : Ludovic Gaussot)

Le féminicide

État des savoirs, histoire et actualité

 

L’assassinat brutal de trois des sœurs Mirabal, Patria, Maria Teresa et Minerva, ordonné par le dictateur Trujillo en 1960 avait suscité effroi et stupeur, provoquant une vague d’indignation. Le 25 novembre est devenu la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. En effet, le 17 décembre 1999 l’Assemblée générale de l’ONU a pris une résolution (54/134) faisant écho aux demandes exprimées lors de la première rencontre des féministes latino-américaines et caribéenne à Bogota qui s’était tenue en 1981 et militaient en faveur de cette date. En effet, pour les déléguées il s’agissait de ne pas oublier et de faire en sorte que cette tuerie puisse faire avancer la cause des femmes. Le 25 novembre 1961 est donc devenu une date symbolique, comme l’avait été le 1er mai 1886 qui vit cinq militants syndicalistes anarchistes pendus à Chicago célébrant désormais la fête du travail.

Par la suite, d’autres crimes commis contre des femmes, à l’instar de la tuerie de l’école Polytechnique de Montréal, en 1989, qui provoqua la mort de 14 étudiantes, ou l’assassinat d’indiennes pendant la guerre civile au Guatemala qui a duré près de 35 ans ont été le point de départ d’une mobilisation partielle de l’opinion publique. Les corps violés, mutilés, torturée, tués apparaissaient effroyables et la notion de « feminiciado » était proposée (Diana Russel, 1992) pour analyser et comprendre une forme spécifique de violence contre les femmes.

La notion de féminicide s’impose dans le prolongement de la Convention interaméricaine contre les violences faites aux femmes du 9 juin 1994. Revendiquée par les mouvements féministes en lien avec les massacres continus de femmes et de filles en Amérique Latine, le féminicide entre dans le dictionnaire Robert en 2015 seulement et est défini comme le «Meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe. Le féminicide est un crime reconnu par plusieurs pays d’Amérique latine », le meurtre d’une femmes en raison de son sexe », en tant que meurtre genré. L’ONU pour sa part souligne le caractère sexiste de ces violences faites aux femmes dans sa définition des violences. Quant à la, Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (12 avril 2011) elle précise que la violence à l’égard des femmes « doit être comprise comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique… »

L’objet de notre démarche scientifique pluri-disciplinaire est de proposer un état des savoirs sur les fondements de la violence sexiste extrême qu’est l’atteinte à la vie à partir des sphères de la violence distinguées par l’ONU et par l’OMS : sociétale et communautaire, intime et familiale.

            Au plan international et européen, nous proposons d’étudier les ressorts historiques, sociologiques et anthropologiques des crimes communautaires et sociétaux commis spécifiquement contre les femmes et d’envisager le traitement juridique et pénal qui est fait de ce meurtre sexiste selon les États.

            Nous chercherons à saisir ce faisant comment les réalités criminelles contemporaines prennent sens au regard de l’histoire des violences faites aux femmes et du droit de les tuer.

Au plan de l’intimité du couple et/ou de la famille, à se fier au traitement journalistique des faits divers, les meurtres de femmes obéiraient à des ressorts passionnels et ne seraient pas tenus pour des crimes de genre. Les logiques culturelles genrées ne sont pas seules à même de nous aider à comprendre la fréquence des crimes de sang commis mais elles doivent être un des angles de lecture du féminicide. En effet, nous disposons de travaux de qualité sur les violences conjugales et sexuelles. Plus rares sont les études sur les conditions familiales du meurtre de femme. Nous proposons de nous situer à la conjonction des modèles sociaux inégalitaires entre les femmes et les hommes, des logiques psychiques individuelles menant à l’acte et des logiques du lien conjugal et groupal.

            La conjonction des analyses sur ce phénomène devrait déboucher :

- d’une part sur une délimitation de la notion et de ses usages : doit-on pénaliser le féminicide en France et en Europe et établir une distinction ou une spécification de l’homicide ? Quels contours et donc quelles limites donner  au féminicide : tuer un nouveau-né de sexe féminin comme en Inde ou en Chine est-il comparable au contrôle exercé sur son épouse au point de la tuer ? L’assassinat de veuves, parce que femmes sans mari relève-t-il du féminicide ?

- d’autre part sur le dégagement d’éléments pour apprécier le danger encouru, penser la prévention et l’accompagnement de la conjugalité violente.

 

            Trois journées d’études seront organisées :

            La première, à l’Assemblée Nationale le 26 janvier 2017 pour situer la problématique du féminicide et en percevoir les enjeux au niveau international, européen, législatif, etc.
            La deuxième pour approfondir les niveaux communautaires et sociétaux. Elle est prévue le 28 septembre 2017  à l’Université de Poitiers.

            La troisième pour approfondir les niveaux de l’intime et du familial et conclure sur la notion. Elle aura lieu à l’Université Paris-Diderot le 19 octobre 2017.

            Ces trois journées donneront lieu à une publication, non pas un recueil d’actes, mais un véritable livre collectif sous la direction de Lydie Bodiou, Frédéric Chauvaud, Ludovic Gaussot, Marie-José Grihom et Laurie Laufer.

Le présent appel concerne les deuxième et troisième journées. Les propositions de communication (15 lignes) avec une courte notice bio-biblio (5 à 6 lignes) sont à faire parvenir avant le 16 mars à :

lydie.bodiou@univ-poitiers.fr,

frederic.chauvaud@univ-poitiers.fr,

ludovic.gaussot@univ-poitiers.fr,

marie-josé.grihom@univ-poitiers.fr,

laurie.laufer@wanadoo.fr

sbeatriz@gmail.com