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Le transmédia à l’épreuve du réel (Louvain)

Le transmédia à l’épreuve du réel (Louvain)

Publié le par Vincent Ferré (Source : GIRCAM/UCL)

 Colloque international

Le transmédia à l’épreuve du réel

20-21 mai 2019

Louvain-la-Neuve (Belgique)

Université catholique de Louvain et Université de Namur

Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur les Cultures et les Arts en Mouvement (Gircam) // Observatoire de Recherche sur les Médias et le journalisme (ORM) // Centre de Recherche Information, Droit et Société (CRIDS)

 

Ce colloque s’intéresse à la portée référentielle des univers transmédiatiques, à la façon dont ceux-ci viennent bouleverser notre rapport au réel, enrichir notre perception du monde. Plus précisément, notre rencontre vise à explorer quatre univers qui ont été jusqu’à ce jour peu (ou moins) explorés sous l’angle transmédiatique : 1) le journalisme, 2) le documentaire, 3) l’éducation et la culture (au sens large, formelle ou informelle) et 4) la fiction (lorsqu’elle utilise des éléments authentifiants ou qu’elle s’hybride avec les genres du réel).

 

Par univers journalistique, documentaire, éducationnel ou fictionnel, nous entendons aussi bien des mondes socio-professionnels (des « mondes de l’art » pour reprendre le terme de Becker) que des modes de discours caractérisés par certains pactes de lecture/vision engageant le lecteur/spectateur dans un rapport spécifique au réel (certains parlent de « réalité ordinaire » ou « réalité quotidienne » ou d’« actuel », notamment Tom Boellstorff). On peut penser au pacte documentaire (Niney, 2002), au mode authentifiant (Jost, 1999 ; Odin, 2000), ou encore au pacte autobiographique (Lejeune, 1975), mais aussi aux feintises (Jost,1999) permettant de jouer avec ces modes/pactes, sans compter les effets de réel décrits par Glevarec (2010) ou les genres hybrides comme le docudrama ou les fictions du réel (Veyrat-Masson, 2008 ; Paget, 1998).

 

Par rapport à ces mondes professionnels et à ces pratiques discursives, l’une des questions posées par le colloque est finalement de savoir dans quelle mesure, et selon quelles spécificités, les récits et univers transmédiatiques hybrident – comme d’autres formes de récits avant eux – les catégories et les genres relevant d’un rapport privilégié au réel et si les pratiques des créateurs et des récepteurs contribuent au brouillage de ces catégories.

 

Bien que la notion de transmédia soit encore loin d’être “grand public” (Sepulchre & Servais, 2018), elle fait cependant partie du quotidien des créatifs et des chercheurs. Le terme existe depuis 1991 (Marsha Kinder) et connaît un engouement depuis la parution de Convergence Culture de Henry Jenkins en 2006. Malgré tout, sa définition est encore problématique (Ryan, 2017) et le phénomène relativement compliqué à circonscrire. Le transmédia est parfois apparenté à de l’adaptation (Hutcheon et O’Flynn, 2013), en est parfois fortement distingué (Jenkins, 2008). Le concept croise ceux de crossmédia, transfictionnalité (Saint Gelais, 2011), deep-media (Rose, 2012), hyperfiction (Bourassa, 2010), transfiction (Dena, 2009), franchise, etc. et peine parfois à trouver une identité propre. Dans le même temps, des auteurs distinguent des formes et des types de transmédia dans des systèmes de catégorisation parfois très précis et élaborés, mais qui ne font pas (encore) consensus (Cailler et Masoni Lacroix, 2014 ; Ryan, 2017 ; Groupierre, 2017). Sans compter que, certains considèrent le transmédia, à peine né, comme déjà agonisant (Broca cité par Pierrin, 2017 ; Clark, 2014). Par ailleurs, la plupart des auteurs qui s’intéressent aux récits transmédiatiques relèvent trois caractéristiques importantes (Jenkins, 2008 ; Gamabarato, 2012 ; Fondation télécom, 2012) : la multiplication des supports médiatiques ; la création de mondes diégétiques riches et complexes ; la participation des publics, appelés à rechercher chaque élément de l’histoire à travers différents médias, partager leurs découvertes avec les autres.

 

On le voit, la notion de transmédia est pensée à l’origine pour la fiction. Cependant, les constellations transmédiatiques sont intrinsèquement connectées à la réalité et les exemples canoniques laissent déjà apparaître l’intrication des deux registres. Les jeux en réalité augmentée souvent traités par la littérature sont probablement les formes où le monde fictionnel et ludique s’imbrique le plus spectaculairement à la réalité du joueur. Frank Rose développe l’exemple de Why So Serious où le jeu s’est propagé dans les téléphones portables, dans les emails et jusque dans les boulangeries, des usagers (Rose, 2012). A cet égard, le transmédia est, selon Karleen Groupiere, « une façon de raconter des histoires qui use de tout ce qui fait notre quotidien, comme une manière “d'habiter poétiquement” notre réel » (2017 : §75). Très rapidement d’ailleurs, les récits factuels, dans les domaines du journalisme et du documentaire notamment, se sont emparés du phénomène (Alzamora et Gambarato, 2018 ; O’Flynn, 2012).

 

Ce colloque sera donc l’occasion d’aborder les imbrications entre réalité et fiction, et les riches potentialités offertes par les ensembles transmédiatiques dans les mondes professionnels et les modes de discours présentés ci-avant. Les propositions de communication se situeront sur un ou plusieurs des axes suivants :

 

1.     Axe de la production. Comment se déroule la production d’un univers transmédiatique lorsqu’il ne s’inscrit pas, au départ, dans la sphère de la fiction et du divertissement ? Quelles sont les intentions des créateurs quand ils développent des transmédias hybrides pour enrichir notre rapport au réel ? En quoi le développement d’univers transmédiatiques vient-il renouveler et interroger les pratiques et compétences de catégories socio-professionnelles comme les journalistes, les scénographes, les pédagogues ou les cinéastes du réel ? A l’inverse, pourquoi insérer des éléments authentifiants dans les fictions ? Les producteurs cherchent-ils à améliorer les mondes créés, à les rapprocher du monde “réel” ? S’agit-il de véritables stratégies d’hybridation des registres (authentifiant, fictif, ludique) ou de programmes (fusion entre la fiction et le jeu vidéo par exemple) ? Les motivations (ne) sont-elles (que) commerciales et marketing ? Ciblent-ils des publics spécifiques (les fans ou les nouveaux venus par exemple) ?

 

2.     Axe de la configuration. Les univers transmédiatiques à haute valeur référentielle développent-ils des modalités narratives, esthétiques ou génériques les distinguant des récits transmédiatiques davantage tournés vers la fiction ? Sachant que ce sont surtout les théories narratives qui ont été mobilisées pour travailler le storytelling transmedia (Baetens, 2017), il s’agira de voir en quoi ces théories doivent être complétées et renouvelées, que ce soit en tenant compte de l’essor du journalisme narratif (Vanoost, 2013), de la récurrence de genres comme les docudramas et les docufictions (Veyrat-Masson, 2008) ou du déploiement de constellations autobiographiques (Fevry, 2016 ; Sepulchre, 2007). Plus largement, si on considère que les récits sont des ensembles hétérogènes (Adam, 1992), on s’attachera aussi à comprendre comment les récits transmédiatiques combinent des fragments relevant de genres du réel (le mode documentarisant d’Odin ou authentifiant de Jost) et des éléments fictionnels. Enfin, si le transmédia est généralement défini à partir de sa capacité à générer des mondes diégétiques, on s’interrogera sur l’interpénétration entre univers réels et fictionnels. Quels mondes les œuvres multi-supports hybrides génèrent-elles ? Et comment ?

 

3.     Axe de la réception. Le transmédia n’existe pas sans les usagers. Comment s’approprient-ils ces formes hybrides ? Enquêtent-ils sur le réel proposé comme les chasseurs décrits par Jenkins (2008) traquent les éléments de leur monde fictionnel favori ? Ou les “lecteurs” reproduisent-ils ce que les théoriciens de la lecture ont déjà décrit ? Sarah Sepulchre (Sepulchre & Servais, 2018) a développé l’hypothèse qu’il existe peut-être une réception transmédiatique (les usagers alimentent et personnalisent leurs mondes en y important des éléments y compris des éléments non fictionnels, comme les biographies des acteurs). Peut-on parler d’une réception hybride ? Et qu’en est-il quand le transmédia contient déjà des éléments non fictionnels ? L’insertion d’éléments de réel génère-t-elle un “effet de réel” (Glevarec, 2010) ? Cela influence-t-il l’immersion fictionnelle (Schaeffer, 2010) ? Ces éléments disruptifs remettent-ils en cause le contrat de lecture ou l’horizon d’attente proposé par le genre (Jost, 1997) ? Quels effets les univers transmédiatiques tels qu’ils sont développés dans les mondes journalistiques, culturels ou documentaires ont-ils sur leurs publics, en termes de compréhension et de connaissance du monde réel ?

 

Les propositions, en français ou en anglais (les deux langues du colloque), comprendront le résumé de la communication (maximum 2500 signes), la bio-bibliographique (maximum 500 signes) et les coordonnées complètes de l’auteur. Les documents doivent être envoyés sous format word ou texte à Sébastien Fevry (Sebastien.Fevry@uclouvain.be), Sarah Sepulchre (Sarah.Sepulchre@uclouvain.be) et Marie Vanoost (Marie.Vanoost@uclouvain.be). Un accusé de réception sera envoyé.

 

Calendrier prévisionnel

10 octobre 2018 : date limite pour la soumission des propositions

31 octobre 2018 : notification des acceptations

20-21 mai 2019 : colloque à l’UCL, à Louvain-la-Neuve en Belgique

 

Comité organisateur

Sébastien Fevry (Université catholique de Louvain)

Sarah Sepulchre (Université catholique de Louvain)

Marie Vanoost (Université catholique de Louvain)

Anne-Sophie Collard (Université de Namur)

 

Comité Scientifique

Fanny Barnabé (Université de Liège)

Raphaël Baroni (Université de Lausanne)

Anne Besson (Université d’Artois)

Marta Boni (Université de Montréal)

Mélanie Bourdaa (Université Bordeaux Montaigne)

Baptiste Campion (Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales)

Jean Châteauvert (Université du Québec à Chicoutimi)

Johnny Lourtioux (Université catholique de Louvain)

Marc Marti (Université Nice Sophia Antipolis)

Philippe Marion (Université catholique de Louvain)

Olivier Standaert (Université catholique de Louvain)

 

Bibliographie

Adam Jean-Michel, Les textes, types et prototypes, Nathan, Paris, 1992.

Alzamora Geane C., Gambarato Renira Rampazzo, Exploring Transmedia Journalism in the Digital Age, IGI Global, Hershey, 2018.

Baetens Jan, « Nouvelle narratologie, nouveau récit », Questions de communication, n° 31, 2017, pp. 231-243.

Becker Howard, Les mondes de l’art, Flammarion, Paris, 1988.

Berger L. Peter, Luckmann Thomas, La construction sociale de la réalité, Armand Colin, Paris, 2018.

Besson Anne, Constellations. Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, CNRS Edition, Paris, 2015.

Boellstorff Tom, Un anthropologue dans Second Life. Une expérience de l’humanité virtuelle, Academia-L’Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2013.

Bourassa Renée, Les fictions hyper-médiatiques. Mondes fictionnels et espaces ludiques, Le Quartanier, Montréal, 2010.

Clark Brian, « Transmedia is a Lie », Facebook, 21 avril 2012, URL : https://www.facebook.com/notes/brian-clark/transmedia-is-a-lie/10150841850433993/

Cailler Bruno et Masoni Lacroix Céline, « Industries narratives et publics de television : le défi de la logique transmédia », Télévision, n° 5, 2014, pp. 27-45.

Dena Christy, Transmedia Practice: Theorising the Practice of Expressing a Fictional World across Distinct Media and Environments, School of Letters, Art and Media, Department of Media and Communications Digital Cultures Program, University of Sydney, 2009.

Denoual Fabienne, « La narration transmédiatique : vers un continuum entre fiction et réalité », Fabula/Les colloques en lignes « Création, intermédialité, dispositif », 20 mars 2017, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4421.php

Esquenazi Jean-Pierre, La vérité de la fiction. Comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la réalité ?, Hermès & Lavoisier, Paris, 2009.

Fevry Sébastien, « Les mémoires animées de l’immigration : un corpus périphérique ? », dans Marianne Bessy et Carole Salmon (dir.), Racines et déracinements au grand écran. Trajectoires migratoires dans le cinéma français du 21e siècle, Leiden, Boston, Brill, Rodopi, 2016, p. 8–31.

Fondation Telecom, Le Transmédia dans tous ses états, Les cahiers de veille de la fondation Télécom, mai 2012, URL : https://www.fondation-mines-telecom.org/wp-content/uploads/2016/01/2012-cahier-veille-transmedia.pdf

Gambarato Renira, « How to Analyze Transmedia Narratives ? », Conference New media: Changing Media Lanscapes, Saint Petersburg, 23 septembre 2012, URL : http://prezi.com/fovz0jrlfsn0/how-to-analyze-transmedia-narratives

Glevarec Hervé, « Trouble dans la fiction. Effets de réel dans les séries télévisées contemporaines et post-télévision », Questions de communication, 18, 2010, URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/40

Groupierre Karleen, « Le transmédia : un dépassement du médium ? », Appareil, n° 18, 2017, URL : http://journals.openedition.org/appareil/2403.

Hutcheon Linda, O’Flynn Siobhan, A Theory of Adaptation. 2nd ed, Routledge, London, 2013.

Jenkins Henry, Convergence Culture : Where Old and New Media Collide. Updated and with a New Afterword. New York Univeristy Press, New York, 2008.

Jost François, « La promesse des genres », Réseaux, vol. 15, n° 81, 1997, pp. 11-31, URL : www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1997_num_15_81_2883

Jost François, Introduction à l’analyse de la télévision, Ellipses, Paris, 1999.

Kinder Marsha, Playing with Power in Movies, Television, and Video Games : From Muppet Babies to Teenage Mutant Ninja Turtles, California : University of California Press, Berkeley and Los Angeles, 1991.

Klein Annabelle, Tixhon Axel (dir.), La communication audiovisuelle : entre réalité et fiction. Approche pluridisciplinaire, Presses Universitaires de Namur, Namur, 2009.

Lejeune Philippe, Le pacte autobiographique, Seuil, Paris, 1975.

Lits Marc, « L’impossible clôture des récits médiatiques », A contrario, n° 13, 2010, pp. 113-124.

Niney François, L’épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, 2ème édition, De Boeck, Bruxelles, 2002.

Odin Roger, De la fiction, De boeck, Bruxelles, 2000.

O’Flynn, Siobhan, « Documentary’s metamorphic  form: Webdoc, interactive, transmedia, participatory and beyond », Studies in Documentary Film, vol. 6, n° 2, pp. 141–157.

Paget Derek, No Other Way to Tell it. Dramadoc/docudrama on Television, Manchester University Press, Manchester and New York, 1998.

Peyron David, « Quand les œuvres deviennent des mondes. Une réflexion sur la culture de genre contemporaine à partir du concept de convergence culturelle », Réseaux, n° 148-149, 2008, p. 335-368, URL : http://www.cairn.info/revue-reseaux-2008-2-p-335.html

Pierrin Alexandre, « René Broca met les pieds dans le plat : “Le transmedia de création a échoué », Le Blog Documentaire, 23 février 2017, URL : http://leblogdocumentaire.fr/rene-broca-met-pieds-plat-transmedia-de-creation-a-echoue

Ryan Marie-Laure, « Le transmedia storytelling comme pratique narrative », Revue française des sciences de l’information et de la communication, n° 10, 2017, URL : http://journals.openedition.org/rfsic/2548

Rose Frank, The Art of Immersion. How the Digital Generation Is Remaking Hollywood, Madison Avenue, and the Way We Tell Stories, WW Norton & Co, New York & Londone, 2011.

Saint-Gelais Richard, Fictions transfuges : La transfictionnalité et ses enjeux, Seuil, Paris, 2011.

Schaeffer Jean-Marie, Pourquoi la fiction, Seuil, Paris, Seuil, 1999.

Sepulchre Sarah, « Ego-fiction. La riposte de la fiction face à la télé-réalité ? Le mélange de fiction et de réalité dans Curb Your Enthusiasm et Fat Actress », Communication, vol. 26, n° 1, 2007, URL : http://journals.openedition.org/communication/877

Sepulchre Sarah, « Les constellations narratives. Que font les téléspectateurs des adaptations multimédiatiques des séries télévisées, », TV/Series, 3, 2013, URL : http://journals.openedition.org/tvseries/729

Sepulchre Sarah, Servais Olivier. « Towards an Ordinary Transmedia Use: A French Speaker’s Transmedia Use of Worlds in Game of Thrones MMORPG and Series », M/C Journal, Vol. 21, n° 1, 2018.

Vanoost Marie, « Journalisme narratif : proposition de définition, entre narratologie et éthique », Les Cahiers Du Journalisme, n° 25, 2013, pp. 140–161.

Veyrat-Masson Isabelle, Télévision et histoire, la confusion des genres. Docudramas, docufictions et fictions du réel, De Boeck & INA, Bruxelles, 2008.