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Poétique et politique aujourd'hui

Poétique et politique aujourd'hui

Publié le par Université de Lausanne (Source : Jean-Paul Engélibert)

La revue Essais, revue interdisciplinaire d’humanités publiée par l’Ecole doctorale Montaigne-Humanités (Université Bordeaux-Montaigne) consacre un numéro, à paraître en 2018, aux liens qu’entretiennent poétique et politique aujourd’hui. Cet appel s’adresse, dans une perspective interdisciplinaire, aux doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s travaillant dans les champs de la littérature et de l’art.

Les rapports de la poétique et de la politique ont été longtemps pensés, au XXe siècle, en termes d’engagement. C’est seulement avec les travaux de Jacques Rancière publiés depuis le milieu des années 1990 que s’est imposée une vision de la politique comme émergence de la mésentente ou du litige, et de l’esthétique comme régime essentiellement politique de l’art. Depuis lors, la politicité de l’art est devenue un topos de la critique contemporaine. Les travaux sur la politique de la littérature et des arts se sont multipliés, mais sans que, peut-être, on s’interroge sur les formes particulières des œuvres aux prises avec les enjeux politiques du temps. N’y a-t-il aucun rapport déterminé, comme l’affirme Rancière, entre une forme littéraire et une pensée du monde social ? Ou bien y a-t-il un (des) style(s) politique(s) ? D’autres questions se posent aujourd’hui : comment penser la capacité d’une œuvre à faire advenir une rupture ou un dissensus ? Le pouvoir de dire est-il aussi – et comment – un pouvoir de faire ?

Ces questions se posent tout particulièrement à l’époque contemporaine, où les enjeux politiques se présentent comme irréductiblement multiples – urgences écologiques, développement exponentiel des migrations, explosion des inégalités, néo-libéralisme triomphant, basculement du centre de gravité du monde vers l’Asie, etc. – laissant le sentiment que le monde est plus incertain et insaisissable que jamais, voire que l’avenir est fermé et qu’aucune utopie n’est plus possible. On est alors fondé à se demander en quoi la littérature et les arts peuvent ouvrir, comme l’écrit Jean-Luc Nancy, « les chantiers sur les lieux mêmes du désarroi et de l’impuissance ». Comment questionnent-ils l’ordre, la norme, les régimes de valeurs et de représentations, les régimes de domination, que ceux-ci relèvent des questions de hiérarchies sociales, de postcolonialité ou de genre et, dans une perspective intersectionnelle, leurs éventuels croisements (entre puissants et subalternes, centre et périphéries, Occident et Orient, Nord et Sud, masculin et féminin, cisgenre et transgenre, etc.) ?

À titre d’exemple, et sans vouloir limiter a priori le champ couvert, peuvent être posées les questions suivantes :

• les effets de visibilisation des invisibilisés, des subordonnés, des subalternes ;

• les tensions entre la norme et ce qui la déborde ou la subvertit ;

• la dialectique entre le surprendre et l’apprendre ;

• les écarts de paroles non autorisées parce que non légitimes ;

• le surgissement disruptif d’une mémoire effacée ;

• les effets de proximité ou de distanciation dans le champ des représentations ;

• l’énoncé des griefs comme consolation ou comme approfondissement de la mélancolie ;

• dans une sociologie de la production et de la réception, la question de la responsabilité des écrivain.e.s et des artistes ; celle des lecteurs.trices ;

• la politicité de la traduction comme faculté à transcender les frontières et à favoriser la migration ou la circulation des significations ;

• dans une perspective généalogique, l’évolution des théories de l’engagement depuis Sartre.

 

Les propositions (une page) s’attacheront aux domaines de la littérature et de l’art contemporains (depuis la chute du mur de Berlin). On essaiera d’en dégager un cadre d’intelligibilité des turbulences de notre temps, et quelques raisons d’espérer « en finir avec la fin » (Camille de Toledo). Elles sont à adresser, accompagnées d’un bref CV de 10 lignes au maximum, au plus tard le 19 mai 2017 à Jean-Paul Engélibert (jean-paul.engelibert@u-bordeaux-montaigne.fr) et Sandra Barrère (sandra.barrere@etu.u-bordeaux-montaigne.fr).  

 

Une présentation détaillée de la revue, ainsi que les numéros déjà parus, sont disponibles en ligne : http://www.u-bordeaux-montaigne.fr/fr/ecole-doctorale/la-revue-essais.html

 

Bibliographie indicative

Bouju, Emmanuel (dir.), L’Engagement littéraire, Rennes, PUR, 2005.

Bourdieu, Pierre, Les Règles de l’art, Paris, Seuil, 1992.

Butler, Judith, Vie précaire. Les Pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, Paris, Editions Amsterdam, 2005.

  • Le Pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif, Paris, Editions Amsterdam, 2008.

Casanova, Pascale, Des Littératures combatives, Paris, Raisons d’agir, 2011.

Citton, Yves, Lire, interpréter, actualiser, Paris, Editions Amsterdam, 2007.

Coquio, Catherine, Le Mal de vérité ou l’utopie de la mémoire, Paris, Armand Colin, 2015.

Côté-Fournier, Laurence, Guay, Elise et Hamel, Jean-François (dir.), Politique de la littérature. Une traversée du XXe siècle français, Montréal, P.U. du Québec, 2014.

Engélibert, Jean-Paul et Guidée, Raphaëlle (dir.), Utopie et catastrophe, revers et renaissances de l’utopie, Rennes, PUR, coll. « La Licorne », 2015.

Florey, Sonia, L’Engagement littéraire à l’ère néolibérale, Lille, PU du Septentrion, 2013.

Foucault, Michel, Histoire de la sexualité, La Volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976.

Lagasnerie, Geoffroy de, Penser dans un monde mauvais, Paris, PUF, 2017.

Macé, Eric, L’Après-patriarcat, Paris, Seuil, La Couleur des idées, 2015.

Macé, Marielle, Styles. Critique de nos formes de vie, Paris, Gallimard, 2016.

Nancy, Jean-Luc, L’Equivalence des catastrophes, Paris, Editions Galilée, La philosophie en effet, 2012.

  •  Que faire ? Paris, Editions Galilée, La Philosophie en effet, 2016

Rancière, Jacques, La Mésentente, Politique et philosophie, Paris, Editions Galilée, La Philosophie en effet, 1995

  • Politique de la littérature, Paris, Editions Galilée, La Philosophie en effet, 2007
  • Aisthesis : scènes du régime esthétique de l’art, Paris, Editions Galilée, La Philosophie en effet, 2011.

Saïd, Edward W., L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, Points Essais, 2003.

Salmon, Christian, Storytelling, Paris, La Découverte, 2008.

Sapiro, Gisèle, La Responsabilité de l’écrivain, Paris, Seuil, 2011.

  • La Sociologie de la littérature, Paris, La Découverte, Repères, 2014.

Spivak, Gayatri, Les Subalternes peuvent-elles parler ? Paris, Editions Amsterdam, 2009.

De Toledo, Camille, Imhoff, Aliocha et Quiros, Kantuta, Les Potentiels du temps, Paris, éditions Manuella, 2016.