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Quand les musiciens de jazz (s’)écrivent

Quand les musiciens de jazz (s’)écrivent

Publié le par Emilien Sermier (Source : Yannick Séité)

Appel à communications

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pierre.fargeton@univ-st-etienne.fr et seite.udpp7@icloud.com

Quand les musiciens de jazz (s’)écrivent

Colloque international

Université Jean-Monnet (Saint-Étienne), 3-4 avril 2020

 

Ce colloque s’intéresse aux écrits de musiciens de jazz. Ce n’est pas un hasard si, dès 1971, le pianiste Ben Sidran sous-titrait son ouvrage Black Talk par la formule : How the Music of Black America Created a Radical Alternative to the Values of Western Literary Tradition. Dans une tradition musicale qui a largement revalorisé la place et la fonction de l’oralité, dans une pratique musicale qui a parfois supprimé tout recours à la trace écrite et qui a souvent fait de l’improvisation un moyen d’expression perçu comme plus direct voire plus « naturel » (moins médié en tout cas), que peuvent nous dire les écrits de musiciens ? Parmi les questions que Stanley Dance a adressées à une trentaine de musiciens et dont il a annexé les réponses à son ouvrage The World of Swing (1974), on relève les deux suivantes : « Musique mise à part, quelle est votre forme d’art favorite ? » ; « Si vous n’aviez pas fait de la musique votre métier, quelle profession embrasseriez-vous aujourd’hui ? » (“Apart from jazz, what is your favorite art form?” et “If music were not your profession, which would you now choose?”) S’agissant de la première, seules les réponses de Bud Freeman (« Literature and Theater ») et de Gene Ramey (« Poetry ») renvoient à l’univers des mots. Quant à la seconde, si Freeman se rêve logiquement en écrivain (« Writing ») il n’est que Milt Hinton pour s’imaginer « writing about musicians ». Parmi ceux que l’on a pris l’habitude d’appeler jazzmen, qui écrit volontiers et qui n’écrit pas ? Pourquoi et à qui écrivent-ils, sous quelle forme, dans quel but et dans quelle relation avec leur pratique musicale quotidienne ? Entre autres grands axes de questionnement possibles, on indiquera, de façon non exhaustive, les suivants :

Autobiographies de musiciens de jazz. Louis Armstrong, Mezz Mezzrow, Duke Ellington, Billie Holiday, Charles Mingus, Art Pepper, Martial Solal, Stéphane Grappelli, etc. : même compte non tenu des ouvrages inédits (de Noble Sissle à Abbey Lincoln en passant par Sam Wooding), innombrables sont les jazzmen qui ont pratiqué l’écriture de soi, parfois même à plusieurs reprises. Comment les jazzmen relatent-ils leurs conditions de vie et de travail, comment se racontent-ils, et pour quel discours sur la musique ? Quel type d’expression littéraire adoptent-ils (entretiens réécrits, narration romancée, récit chronologique, etc.), quelle langue (langue formatée, slang, signifying, etc.) – et quels enjeux de traduction (par exemple pour une Mimi Perrin, chanteuse devenue traductrice) ?

– Si, depuis Hear Me Talkin’ To Ya (1951), le recueil d’entretiens est une forme critique très aimée des journalistes de jazz et de leurs lecteurs, il arrive que des musiciens apprécient ce rôle de questionneur. Pratiques ponctuelles (Aldo Romano soumettant à la question Tony Williams pour Jazz Magazine, Jean-Jacques Birgé interrogeant son vieux complice Bernard Vitet pour le Journal des Allumés du jazz, etc.) ou que systématisent des recueils : Talking Jazz de Ben Sidran, Notes and Tones: Musician-to-Musician Interviews du batteur Art Taylor, Conversations de William Parker… Le critique et le musicien posent-ils, au musicien, les mêmes questions ? Le questionné adapte-t-il ses réponses au statut (confrère, journaliste, groupe d’étudiants, etc.) de son interlocuteur ? Le journaliste et le musicien pratiquent-ils la même éthique de l’entretien ?

Écriture de création. Si le désir de littérature exprimé par Bud Freeman semble être demeuré à l’état de pulsion, certains (Boris Vian, André Hodeir, Bernard Zacharias, d’autres sûrement) ont pratiqué des formes d’écriture à proprement parler littéraires, et pas seulement dans le genre narratif (songeons au recueil Black Case, par lequel Joseph Jarman se fit connaître comme poète). Il s’agira entre autres questions de recenser ces artistes polymorphes ; d’examiner si l’écriture littéraire précède, accompagne ou succède chez eux à l’expression musicale et pourquoi.

Musiciens de jazz « théoriciens ». Écrits théoriques et/ou esthétiques sur le jazz par ceux qui le jouent, que ce soit sous la forme de sommes théoriques, esthétiques voire littéraires articulées (cf. les Tri-Axium Writings de Braxton, The Lydian Chromatic Concept de George Russell, Les Mondes du jazz d’André Hodeir, le Sound Journal de William Parker), ou d’écrits plus courts et plus ponctuels (la série des Arcana éditée par John Zorn). Forme du discours, influence sur les pratiques. Liens entre la réflexion musicale et une vision politique, sociale, spirituelle, ésotérique du monde. Quelle approche analytique de la musique ?

Correspondances de musiciens de jazz. Encore largement inexplorées, les correspondances de musiciens de jazz sont un champ de questionnement potentiellement fécond. Que nous disent les lettres de musiciens de jazz sur eux-mêmes, sur leur rapport à la musique, à leur métier, à la constitution de leurs réseaux, à leur condition sociale, et aussi sur leur rapport à l’écrit – à côté d’une pratique musicale dans laquelle l’écrit est souvent secondaire. Parmi les sources possibles (correspondances complètes, lettres isolées, courriels, fonds d’archives publics ou collections privées), un sort particulier pourra être fait aux missives que, dès les années 1910, les musiciens afro-américains expatriés adressent à la presse noire (Chicago Defender, New York Amsterdam News, etc.), lettres ouvertes que ces médias s’empressent de publier et par lesquelles la communauté est tenue au courant du moindre engagement, changement d’orchestre ou succès de ses représentants musiciens travaillant à l’étranger.

Les tribunes, la presse, le disque et les concerts. Textes écrits par les musiciens de jazz pour des périodiques, spécialisés ou non, chroniques régulières (ex : Stéphane Mougin dans Jazz-Tango, Preston Jackson dans le Jazz hot de l’entre-deux-guerres) ou ponctuelles, écrits en ligne, sites internet de musiciens alimentés par eux-mêmes, notes de pochettes de disque ou notes de programmes de concert ou de festival.

 

Comité d’organisation :

Pierre Fargeton, Université Jean-Monnet (Université de Lyon, Saint-Étienne) / CIEREC (EA3068)

Yannick Séité, Université de Paris (Université Paris Diderot) / CERILAC (EA4410)

Comité scientifique :

Brent Hayes Edwards, Columbia University, Center For Jazz Studies

Ludovic Florin, Université Toulouse II Jean Jaurès

Philippe Gumplovicz, Université d’Evry-Val-d’Essonne

Pim Higginson, University Of New Mexico

Anne Legrand, Bibliothèque Nationale de France

Robert G. O’Meally, Columbia University, Center For Jazz Studies

Jean-Louis Pautrot, Saint Louis University

Les propositions de communication (2000 signes maximum, espaces compris) accompagnées d’une courte biographie (500 signes maximum, espaces compris) sont à envoyer au format Word ou pdf au comité d’organisation du colloque :

pierre.fargeton@univ-st-etienne.fr

seite.udpp7@icloud.com

Les langues du colloque sont le français et l’anglais.

Date limite de soumission des propositions : 25 octobre 2019

Réponse du comité scientifique : 15 novembre 2019