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Romain Rolland et les pays de langue allemande : connexions, perception, réception

Romain Rolland et les pays de langue allemande : connexions, perception, réception

Publié le par Marc Escola (Source : Landry CHARRIER)

Romain Rolland et les pays de langue allemande : connexions, perception, réception 

« Comment être plus négligé que ne l’est aujourd’hui Romain Rolland (1866-1944) ? », s’interrogeait Florent Georgesco dans une chronique publiée dans Le Monde des livres à l’occasion de la sortie du Journal de Vézelay.[1] Ce constat, formulé en décembre 2012, est aujourd’hui en grande partie dépassé. Portée par le formidable engouement médiatique et scientifique suscité par le centenaire de la Grande Guerre, l’œuvre de Rolland est sortie du purgatoire dans lequel l’histoire l’avait enfermée. Plusieurs publications y ont contribué : la réédition d’Au-dessus de la mêlée, en 2013, par la Petite Bibliothèque Payot, a été, si ce n’est le signal, du moins l’un des moments forts de cette dynamique.[2] Préfacé par Christophe Prochasson, l’un des meilleurs spécialistes français de l’histoire culturelle de la Grande Guerre, le recueil a en effet connu lors de sa sortie en librairie un très large écho : que l’on songe à ce titre à l’émission que lui a consacré France Inter le 29 janvier 2013[3] ou bien encore à cet article du Nouvel Observateur (22 mars 2013) affirmant, à juste titre, que la réédition de ce petit ouvrage mettait un terme à une anomalie remontant au ralliement passager de Rolland au stalinisme (début des années 30).[4] La parution récente des trois tomes de la correspondance Romain Rolland-Stefan Zweig (1910-1940), a, elle aussi, joué un rôle de premier plan dans cette reviviscence.[5] Comme cela avait été le cas en 2013, les médias, qu’ils soient grands publics ou spécialisés, ont là encore largement commenté l’évènement. On s’en réjouira d’autant plus que ces trois volumes, respectivement publiés en 2014, 2015 et 2016, offrent des perspectives de travail qui ne manqueront pas d’attirer l’attention des chercheurs, qu’ils soient spécialistes de Romain Rolland ou de Stefan Zweig. D’autres projets, tout aussi prometteurs, sont aujourd’hui en cours d’élaboration. Le plus important d’entre eux est incontestablement celui piloté par les éditions Garnier.

Le chantier, lancé courant 2014, prévoit de rééditer à l’horizon 2018-2020 l’ensemble de l’œuvre de Romain Rolland, à l’exception du Journal et de la correspondance. Cette publication doit être l’occasion de réévaluer le rapport que Romain Rolland a entretenu avec l’Allemagne, un « phénomène ambivalent, contradictoire et désaccordé. »[6] Depuis la parution, en 1962, de l’étude de Marcelle Kempf et, l’année suivante, de la thèse de René Cheval[7], personne n’a entrepris de réflexion globale sur cette thématique, pourtant essentielle afin de mieux cerner l’homme ainsi qu’un pan entier de la vie intellectuelle de la fin du XIXe et du premier XXe siècles. Récemment, certains chercheurs ont ouvert de nouvelles perspectives grâce à la découverte de matériaux encore inexploités et à la mise en œuvre des outils fournis par les approches « relationnelles. »[8] Articulée autour de trois mots-clés – « connexions », « perception », « réception » –, la réflexion que nous nous proposons de mener entendra apporter une contribution supplémentaire à l’analyse de cette question.

Soucieux « d’ouvrir grand les fenêtres, [de] voir et [de] penser large »[9], nous souhaiterions par la même occasion étendre la recherche à l’ensemble des pays de langue allemande. A l’exception des travaux portant sur la relation Rolland-Zweig, rares sont effet les études ayant analysé les liens que l’écrivain avait noués avec l’Autriche et, si l’on élargit encore un peu plus la focale, la Suisse. Il en va de même de l’image que Rolland avait de ces pays ainsi que l’accueil qui y fut réservé à son œuvre protéiforme y fut. Nous disposons bien de quelques réflexions en la matière.[10] Toutefois, le tableau qui en ressort présente encore un nombre important de lacunes.

Sensible au particulier, aux « singularités » susceptibles de « faire cas »[11] à l’échelle d’une vie humaine – celle de Romain Rolland en l’occurrence –, la publication ne perdra pas de vue la « moyenne » durée. Elle proposera donc aussi d’interroger la réception et la diffusion des écrits de Rolland dans les années qui suivirent sa mort (1944), notamment, dans le contexte de la Guerre froide et de l’affrontement Est/Ouest. Si la RDA constituera ici un terrain d’approche particulièrement fécond, une mise en regard de la situation éditoriale de Rolland de chaque côté du rideau de fer pourrait également offrir de stimulantes impulsions.     

 

Les propositions d’article (environ 300 mots), assorties d’une brève notice bio-bibliographique, sont à adresser conjointement à Landry Charrier (landry.charrier@univ-bpclermont.fr) et Marina O. Hertrampf (marina.Hertrampf@sprachlit.uni-regensburg.de) jusqu’au 15 mars 2017.

Vous serez notifié de l’acceptation de votre proposition au 31 mars 2017. Les organisateurs accorderont une attention toute particulière aux propositions portant sur des aspects encore méconnus ou cherchant à porter un regard neuf sur des « objets » déjà mis en intrigue. Les langues de travail sont le français et l’allemand.

 

[1] Florent Georgesco : « Lumière retrouvée. ‘Journal de Vézelay 1938-1944’ de Romain Rolland », Le Monde des livres, 7 décembre 2012, http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/12/07/romain-rolland-lumiere-retrouvee_1800585_3260.html, consulté le 2 septembre 2016. Le Journal de Vézelay 1938-1944 a paru chez Bartillat (Paris). L’édition a été établie par Jean Lacoste.

[2] Romain Rolland : Au-dessus de la mêlée, Paris : Petite Bibliothèque Payot, 2013.   

[3] Guyonne de Montjou : « Les oubliettes du temps. 29 janvier 1866 : naissance de Romain Rolland », France Inter, 29 janvier 2013, http://www.franceinter.fr/emission-les-oubliettes-du-temps-29-janvier-1866-naissance-de-romain-rolland?page=0, consulté le 13 février 2015.

[4] [Non précisé] : « Au-dessus de la mêlée réédité », L’Obs (22 mars 2013),  http://derdesders.blogs.nouvelobs.com/livre/, consulté le 2 septembre 2016.  

[5] Jean-Yves Brancy (éd.) : Romain Rolland – Stefan Zweig. Correspondance, 1910-1919. Traduction des lettres allemandes par Siegrun Barat, Paris : Albin Michel, 2014. Le deuxième volume comprend les lettres de 1920-1927 cependant que le dernier, paru le 1er septembre 2016, rassemble celles des années 1928-1940.

[6] René Cheval : Romain Rolland, l’Allemagne et la guerre, Paris : PUF, 1963, p. 730.

[7] Marcelle Kempf : Romain Rolland et l’Allemagne, Paris : Debresse, 1962. Pour la thèse de Cheval, voir note 6.  

[8] Michael Klepsch : Romain Rolland im Ersten Weltkrieg. Ein Intellektueller auf verlorenem Posten, Bonn : Kohlhammer, 2000 : Monika Grucza : Bedrohtes Europa. Studien zum Europagedanken bei Alfons Paquet, André Suarès und Romain Rolland in der Periode zwischen 1890 und 1914, Gießen, thèse de doctorat, 2008, p. 233-237 ; Hans-Jürgen Lüsebrink/Manfred Schmeling (Hg.) : Romain Rolland. Ein transkultureller Denker – Netzwerke, Schlüsselkategorien, Rezeptionsformen, Stuttgart : Franz Steiner Verlag, 2016.

[9] Selon le mot de Caroline Douki et de Philippe Minard (« Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine 54-4 bis (2007), p. 7-21, ici p. 21).

[10] Voir par exemple : René Cheval : Romain Rollands Begegnungen mit Österreich, Innsbruck : Sprachwissenschaftliches Institut der Leopold-Franzens-Universität, 1968 ; Wilhelm Baum : Paris und die Kultur der Moderne in Österreich : österreichisch-französische Kulturbeziehungen 1880 – 1970, Klagenfurt/Vienne : Kitab, 2009 ; Jean-Pierre Meylan : « Der Plan einer ‘Weltbibliothek’ von Romain Rolland und seinem schweizer Verleger und Mäzen Emil Roniger », Librarium 53/2010, p. 3-13 ; du même auteur : « Romain Rolland et Elsa Nüesch. La rencontre avec une jeune Suissesse perspicace et militante : Correspondance (1916-1931) », Etudes de lettres 3/2012, p. 173-212.

[11] Jacques Revel : « Penser par cas. Raisonner à partir de singularités », in : Jean-Claude Passeron/Jacques Revel (dir.) : Penser par cas, Paris : Editions de l’EHESS, 2005, p. 9-44, ici p. 15-18.