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Simenon et le cinéma : du roman au film, un pari risqué ? (Athènes)

Simenon et le cinéma : du roman au film, un pari risqué ? (Athènes)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Bernard Alavoine)

En partenariat avec le Centre d'études Georges Simenon de l'université de Liège, l'université nationale et capodistrienne d'Athènes et l'université de Picardie Jules Verne (Laboratoire CERCLL) organisent un colloque international sur Simenon et le cinéma : du roman au film, un pari risqué ?  les 4 et 5 octobre 2018 à Athènes.

Georges Simenon est en effet l’auteur francophone le plus adapté au cinéma et à la télévision. On pense bien sûr aux centaines d’épisodes de « Maigret », en France comme à l’étranger, mais ce sont les adaptations des « romans durs » (c’est-à-dire sans le personnage de Maigret) qui intéressent le plus la critique. En France, depuis Jean Renoir, Henri Decoin, Julien Duvivier ou Marcel Carné, les plus grands réalisateurs ont adapté Simenon. Claude Autant-Lara, Jean Delannoy, Henri Verneuil, Edouard Molinaro, Jean-Pierre Melville et Pierre Granier-Deferre ont aussi tenté l’expérience ... Ensuite, Bertrand Tavernier, Claude Chabrol, Serge Gainsbourg et Patrice Leconte se sont emparés de l’œuvre. Enfin, dans les années 2000, Cédric Kahn et récemment Mathieu Amalric (en 2014) ont adapté Simenon avec plus ou moins de succès.

Il y a en effet un paradoxe Simenon : tout semble évident au début de l’entreprise, et puis les difficultés surviennent. Comment traduire le style de Simenon, « l’atmosphère » bien particulière de ses romans ? En adaptant Simenon, les réalisateurs ou les scénaristes se trouvent souvent confrontés à un travail de récriture dont ils n’avaient pas mesuré l’ampleur. Ils découvrent que chez Georges Simenon, ce sont les personnages qui priment sur l’intrigue, que l’action fait parfois défaut, ou que la confusion des temps est difficile à rendre à l’écran. Patrick Modiano, dont les romans sont difficiles à adapter confiait ceci à propos de Simenon, romancier qu’il a toujours admiré :

« Les livres de Simenon, on se dit que ça va être très facile d’en faire l’adaptation, parce que c’est déjà très cinématographique, tout est en place. Mais au fur et à mesure, on a l’impression que c’est comme du sable, ça vous file entre les doigts, ça prouve qu’il y a un truc très bizarre. C’est comme un chandail dont la laine se défait... »

Au cours de ce colloque, on tentera d’analyser les rapports entre le roman et le film à travers, par exemple, les adaptations les plus récentes comme L’Homme de Londres de Béla Tarr en 2008 ou La Chambre bleue de Mathieu Amalric en 2014. Les films adaptés pour la télévision ne seront pas oubliés comme Monsieur Joseph d’Olivier Langlois (2006) ou Jusqu’à l’enfer de Denis Malleval (2009).

L’analyse des deux médias devrait permettre d’appréhender les règles qui régissent l’adaptation de Simenon au cinéma, mais aussi d’apprécier l’œuvre littéraire de façon différente. En dépit des difficultés rencontrées par les scénaristes et les réalisateurs, on pourra s’interroger sur les raisons pour lesquelles, depuis le début des années trente jusqu’à aujourd’hui, tant de cinéastes ont voulu adapter l’œuvre de Simenon. Il semble qu’aujourd’hui le cinéma et a télévision se sont répartis la tâche : les « romans durs » pour le grand écran et les Maigret s’intégrant plutôt bien aux séries télévisées, comme l’atteste la dernière adaptation britannique avec l’acteur Rowan Alkinson en 2016. Que signifie ce clivage ? Répond-il à des impératifs commerciaux, à des questions de mode ?

S’il y a bien deux productions simenoniennes, l’adaptateur est cependant confronté à un univers romanesque et pas seulement à un roman : pour le cinéaste, comment concilier ces deux exigences ? On pourra ainsi s’interroger sur les difficultés d’adapter une œuvre isolée du romancier alors que les lecteurs ont souvent lu plusieurs Simenon... Le cinéaste doit-il tenir compte des attentes d’un lecteur familier du romancier ou au contraire aborder l’œuvre comme si elle était unique ? On en vient au problème de la fidélité au texte, critère récurrent, mais sans doute un peu artificiel. Pour Michel Serceau, la fidélité est en effet « une valeur normative plus qu’un concept » et il convient donc de l’aborder d’une autre manière en considérant l’adaptation « comme un lieu d’échange et de circulation ». La question de la fidélité et de la trahison est-elle aujourd’hui devenue incongrue comme Frédéric Sabouraud le demande dans un livre paru en 2006 ? Le problème de la fidélité – qui préoccupe notamment les lecteurs de Simenon – est sans doute un faux débat, mais il constitue tout de même un des critères d’appréciation d’une adaptation cinématographique. Doit-on être fidèle au texte comme Chabrol le préconise ou au contraire fidèle à l’esprit de Simenon selon Tavernier et Leconte ? Enfin, une réflexion peut s’articuler autour de l’intérêt d’aborder une œuvre littéraire en la confrontant à son adaptation cinématographique : dans le cas de Simenon, qu’apporte le visionnage du film à la lecture du roman ?

Les participants pourront tenter de répondre aux problématiques énoncées ci-dessus, en s’appuyant sur les œuvres cinématographiques adaptées de Simenon et en choisissant de préférence des films disponibles sur un support DVD. Les propositions devront parvenir aux organisateurs avant le 30 avril 2018.

Comité d’organisation :
Bernard Alavoine, Université de Picardie Jules Verne, CERCLL.

Laurent Demoulin, Université de Liège, Fonds Simenon.
Dimitri Roboly, Université nationale et capodistrienne d’Athènes, département de français.

Contacts :
Bernard Alavoine : bernard.alavoine@wanadoo.fr

Dimitri Roboly : droboly@yahoo.fr