Essai
Nouvelle parution
Th. Bouchet, De colère et d'ennui. Paris, chronique de 1832

Th. Bouchet, De colère et d'ennui. Paris, chronique de 1832

Publié le par Université de Lausanne

De colère et d'ennui - Paris, chronique de 1832

Thomas Bouchet

Date de parution : 01/03/2018
Editeur : Anamosa
ISBN : 979-10-95772-37-8
EAN : 9791095772378
Nb. de pages : 175 p.

 

1832 : tandis que Paris vibre, vacille et gronde sous les coups redoublés de l'épidémie et de la guerre des rues, Adélaïde s'ennuie. Elle frémit dans son salon à la lecture des journaux, se délecte du chocolat que sa domestique lui rapporte de chez Marquis, s'émerveille en recluse des oiseaux du Jardin des Plantes où elle vit, loin des barricades (où Gavroche meurt). Emilie la saint-simonienne se bat du côté de Ménilmontant pour faire entendre la cause féministe.
Louise, marchande ambulante du centre de Paris, atteinte du choléra et soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection, est soumise à l'interrogatoire du commissaire, du juge et du médecin. Lucie, la mystique en extase, jouit du corps de Jésus, derrière les murs d'un couvent puis le choléra l'emporte. Comment situer ce texte inclassable ? " Tout est vrai, mais rien n'est vrai " nous dit Thomas Bouchet, historien talentueux du sensible et amoureux rigoureux de littérature.

Ces femmes sont fictives, mais leur incarnation aux accents hyperréalistes se développe à travers l'usage minutieux des archives. Ce sont le corps et ses humeurs, l'expérience sexuelle, les maux de dents, le goût du chocolat ou celui de l'eau de vie dans les estaminets. La girafe du Jardin des Plantes, les indigènes qui traversent le paysage ou la rubrique des faits divers sont autant d'éclats de réel.

Mais le tour de force littéraire et politique réside aussi et surtout dans la voix des femmes. Toutes sont recluses, c'est leur condition, que ce soit dans " l'île " du Jardin des Plantes, le couvent de la rue Neuve Sainte-Geneviève, la colline de Ménilmontant et la prison la vraie, Saint-Lazare, pour Louise. Thomas Bouchet relaie la parole des femmes, alors que les voix des hommes sont ici inaudibles.

Chacune a un mode d'expression qui s'accorde avec sa condition : la bourgeoise a accès à la correspondance et se prête à des essais littéraires, pour la religieuse c'est le journal intime, pour la militante, le discours, la harangue, et la marchande, la plus précaire de toutes, parle à travers les minutes des interrogatoires. L'effet de réel est saisissant.

Thomas Bouchet est maître de conférences en histoire du XIXe siècle à l'université de Bourgogne-Franche-Comté, membre du Centre Georges Chevrier. Il est spécialiste de l'histoire politique et sociale de la France au XIXe siècle. Il est l'auteur de : Le Roi et les Barricades. Une histoire des 5 et 6 juin 1832 (Seli Arslan, 2000), Noms d'oiseaux. L'insulte en politique de la Restauration à nos jours (Stock, 2010, Livre de poche, 2011) et Les Fruits défendus.
Socialismes et sensualité du XIXe siècle (Stock, 2014).

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