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Voyages en terres néo-grenadines: de la réalité à la fiction XVIIIè-XXIè s. (Arras)

Voyages en terres néo-grenadines: de la réalité à la fiction XVIIIè-XXIè s. (Arras)

Publié le par Arnaud Welfringer (Source : université d'artois)

Journée d’études

Voyages en terres néo-grenadines : de la réalité à la fiction (XVIIIe-XXIe siècles)

Université d’Artois, 13 octobre 2017

 

Organisateurs : Nicolas de Ribas et Camilo Bogoya,

EA 4028, Textes et cultures, axes Etudes transculturelles et TransLittéraires

 

À l’heure où nous célébrons l’année France-Colombie 2017, il s’agit d’approfondir les échanges entre chercheurs travaillant sur la Nouvelle Grenade et la Colombie et d’engager un dialogue dans des champs disciplinaires très divers comme les territoires, les imaginaires, les sociabilités et les cultures. Dans ce cadre, sera établie une base solide spécialement dans les domaines de la civilisation, de la sociologie, des Lettres, voire du tourisme, permettant le développement d’études sur les voyages en terres néo-grenadines, sur la perception des paysages, sur la relation de l’homme à son environnement, thèmes de plus en plus importants dans la réalité contemporaine, et sur les problèmes sociaux et sociétaux actuels de ce territoire.

Une des premières questions qui est posée ici est celle du rôle joué par les voyages et les récits qui en sont faits dans l’évolution, l’enrichissement et l’adaptation des connaissances sur le territoire de la Nouvelle Grenade. Bien sûr, nous considérerons les anciennes frontières de cette Vice-Royauté mais nous parcourrons également son évolution en évoquant la période indépendantiste et post-coloniale pour aboutir à la Colombie des XXème et XXIème siècles. La littérature coloniale, incarnée par Hernando Domínguez Camargo ou Francisco Álvarez de Velasco y Zorrilla, celle de la période indépendantiste avec Camilo Torres ou Francisco Antonio Zea, et bien sûr les littératures moderne et contemporaine des grands auteurs colombiens permettront de varier les supports d’études qui seront proposés lors de cette manifestation scientifique.

On s’intéressera donc à la façon dont les informations transmises par les habitants ou par les voyageurs de ces contrées lointaines, ont été vécues, reprises et intégrées dans leurs écrits. En guise d’exemple, il s’agira de voir comment les récits de voyages à l’époque coloniale ou tout au long du XIXème siècle, participent à la constitution d’un savoir encyclopédique, que ce soit par les utilisations et les lectures qui en sont faites, ou en eux-mêmes. En effet, de nombreux récits, bien qu’issus de l’expérience d’un voyageur, adoptent les codes d’un traité théorique, se présentant finalement davantage comme une somme que comme un journal de voyage ou une simple description des paysages.

Dans les espaces latino-américains, lieux de Conquête et d’incessantes entreprises de reconquête, la vaste problématique des rapports entre identités et territoires est d’ailleurs consubstantielle à toute appréhension du paysage dans les arts et les discours. Ceux-ci, surgis des diverses écritures et paroles, ou représentés dans l’iconographie et les arts visuels, peuvent immédiatement s’entendre comme l’endroit du déplacement, sur le plan symbolique, de la tentative de fixation, de réappropriation ou encore de déconstruction des territoires et des identités. L’enjeu de la représentation et des fonctions du voyage a donc déjà nourri de nombre d’études qui interrogeaient précisément les rapports entre formes du paysage, questions d’identités et exploration des territoires.

Si les chroniques et autres récits de voyage, genres très codifiés, constitueront toujours un des corpus privilégiés, nous invitons donc les chercheurs américanistes de diverses disciplines à élargir le champ et à envisager de nouvelles pistes et objets d’étude. Les travaux de spécialistes, de la période coloniale à l'époque contemporaine,  de littérature, de civilisation comme d'iconographie et de cinéma latino-américains, permettraient de croiser les approches et de confronter les points de vue autour de ce territoire unique.

Un retour sur la chronologie des productions, permet de rappeler que, depuis la Conquête, la traversée du lieu, notamment dans le récit de voyage de l’explorateur, du conquérant, de l’étranger, ou de l’Américain lui-même, a résolument contribué à créer des paysages qu’on ne cesse d’associer à de supposées identités afin de répondre à des desseins variables.

Nés dans la Découverte puis durant la colonisation, le diario de a bordo et les successeurs du genre constituent ainsi des textes initiaux qui fonderont certaines des géographies imaginaires autour de l’Amérique latine, alors dénommée comme le « Nouveau Monde » par l’Occident. C’est autour des traces de ce vaste hypotexte, palimpseste, subverti ou non, de toute vision des Amériques, que s’esquisseront ensuite de multiples traversées, sur le mode de la mobilité nostalgique, utopique ou encore ironique.

Aux écrits scientifiques d’un Alexander Von Humboldt, succéderont ainsi les mouvements particuliers du Romantisme. Les créations du siècle des indépendances se chargeront alors de revisiter ces espaces, dans une tension permanente entre la pensée-modes de représentations occidentaux (par exemple depuis le prisme de l’expérience sublime ou le costumbrismo). Le souhait de se réapproprier le territoire depuis l’ « intérieur », mène à revisiter l’histoire même de sa création, en le nommant et en le décrivant à nouveau en accentuant tel ou tel trait, tel ou tel aspect du territoire néo-grenadin.

Aussi pourra-t-on ainsi s'interroger sur la pratique religieuse dans le contexte du voyage, en étendant les propos aux rituels qui accompagnaient le voyage, au départ, à l'arrivée et en cours de trajet. On pourra également insister sur le statut administratif de la Vice-royauté, à travers le fil directeur que constituent les voyages à caractère administratif des différentes « autorités » sans oublier les déplacements à visées scientifiques, militaires ou économiques.

Dans la Nouvelle-Grenade, nombreux sont ceux qui ont gravi les montages pour atteindre les points de vue magnifiques des villes de Pasto, de Popayán, ou de Cundinamarca. Quant aux fleuves, le Magdalena, le Cauca, ou l'Atrato, qui ont transporté des hommes et des cargaisons, on sait que ce sont des canaux qui irriguent l’intérieur du territoire et ses hauts plateaux. Et même si la mer, ou plutôt la mer des Caraïbes et l’Océan Pacifique qui bordent la Colombie actuelle, permet d’échanger avec les autres territoires et le grand large, on pourra rappeler que du temps de la domination espagnole, le commerce était soigneusement garrotté par le monopole, et que seule Carthagène des Indes avait d’ailleurs le droit d'importer des produits d’Espagne et d'expédier à la péninsule les marchandises de la terre grenadine.

La Nouvelle Grenade, décrite et vantée par José Celestino Mutis, abrite des réserves biologiques, des réserves forestières et des refuges de la vie de la faune locale. Un Européen non encore rompu à la luxuriance de la végétation tropicale, comme cela fut le cas de Humboldt et Bonpland lors de leur expédition mémorable considérée comme la seconde Découverte du Nouveau Monde, éprouve un sentiment de surprise et de puissance. Comment et pourquoi voyage-t-on ? La mobilité au sein de l’espace néo-grenadin revêt des formes diverses et obéit à des motivations qui varient. Parmi ces dernières, la quête du savoir joue un rôle important, notamment à l’époque des Lumières où élèves et maîtres se mettent facilement en marche pour rencontrer d’autres savants, mais aussi pour tenter de mettre la main sur des livres. Ainsi, dans ce contexte, la circulation des hommes et de l'information apparaît un phénomène-clé, qui est fréquemment mis en lumière par les observateurs de l'époque et dont les autorités s'efforcent d'ailleurs de garder le contrôle.         

A cette époque, les autorités ont encore la mainmise sur les métaux et les gemmes qui ont alimenté bien évidemment le mythe de l’Eldorado dont le point de départ est le lac de Guatavita, le lac sacré des Indiens Chibchas. Les anciens habitants du pays, — Chibchas, mais aussi Tunebos, Motibones et autres -occupaient les sommets au-dessus du niveau de la mer, alors que les Indiens de Casanare occupaient l’espace des Llanos, ou ceux du Chocó, habitaient la côte pacifique. Mais depuis la colonisation, la population est diverse, se composant de Blancs, de Noirs, de métis et d’Indiens dont les rapports n’ont pas toujours été faciles. On pourra bien évidemment revenir sur la problématique de l'autochtonie des tribus mais aussi évoquer les relations entre les différentes composantes socio-ethniques de la Colombie tout au long de la colonie, et de la période indépendante jusqu’à nos jours. Les problèmes démographiques, politiques, sociaux nous permettront de parcourir et donc de voyager dans l’espace et dans le temps colombiens afin d’appréhender la corruption, la violence et ses racines, les disparitions, les trafics de drogue, les FARC,  les cartels, les droits de l’enfant, les problèmes humanitaires… Sans oublier les réussites comme les belles expériences collectives dans les champs des infrastructures, de l’entreprenariat, des transformations durables des villes comme Medellín.

En littérature, nous nous interrogerons sur les problématiques des espaces géographiques et culturels, nous pourrons explorer ce que signifie parler d’une littérature propre aux Caraïbes, aux zones urbaines, à la jungle, à la Colombie noire ou indigène. Il s’agira de chercher à saisir les spécificités de ces littératures tout en restant critique sur les cloisonnements et les stéréotypes bâtis à partir des stratégies rhétoriques du dit boom et du réalisme magique. Une discussion pourra s’ouvrir sur l’appropriation du paysage, l’espace symbolique et la métaphorisation du territoire aussi bien dans des romans fondateurs du XIX siècle que dans les narrations contemporaines de William Ospina, Tomás González et Pablo Montoya, parmi d’autres.

Le discours sur la géographie, la place de la nature et le rapport au paysage fait partie d’une réflexion plus vaste sur les fondements de la nation et les aléas de l’histoire colombienne. C’est précisément le regard des auteurs nationaux qui complète la vision des voyageurs européens. Nous tenterons de mettre en perspective ces différentes approches pour établir une carte de la littérature colombienne à partir de la redécouverte de son territoire.

 

Envoi des propositions de communication (environ 200 mots) et d’un bref CV d’ici le 30 juin 2017 aux adresses mél suivantes :

 

Nicolas de Ribas : nicolas.deribas@univ-artois.fr

Camilo Bogoya : dcamilo.bogoyagonzalez@univ-artois.fr

 

Les communications pourront se faire en espagnol et en français. Les articles seront publiés en 2018 dans la Revue L’Entre-Deux du Laboratoire Textes et Cultures de  l’Université d’Artois.