Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Quand le théâtralisé n'est pas théâtralisable
Fabula-LhT n° 19
Les Conditions du théâtre : le théâtralisable et le théâtralisé
Valentina Ponzetto

Le proverbe dramatique, une voie détournée pour théâtraliser l’irreprésentable ?

The Dramatic Proverb: A Back Road to Dramatizing the Unstageable?

Qu’est-ce que théâtraliser ? Ce n’est pas décorer la représentation, c’est illimiter le langage
(Roland Barthes, Préface à Sade, Fourier Loyola)

1Les proverbes ne sont pas, a priori, un objet particulièrement théâtral. On pourra certes, comme aimaient à le faire les hommes de lettres du temps jadis, s’amuser à citer les sentences mémorables du théâtre classique, de préférence en vers, qui sont passées en proverbe1, ou penser à cet hapax étrange qu’est la Comédie des proverbes, curiosité érudite dans le goût de la Renaissance, traditionnellement attribuée à Adrien de Monluc : une comédie d’intrigue à la mode italienne ou espagnole, publiée pour la première fois en 1633, dont les dialogues sont presque entièrement composés « de quelque mille sept cent formes fixes — clichés idiomatiques, phraséologismes et proverbes — émanant d’une source inconnue2 ». Ce dernier exemple, unique en son genre, est cependant le seul où les proverbes sont, très littéralement, matière d’une comédie. Et encore, ils ne sont qu’une particularité du dialogue, sans influence sur le contenu ou le déroulement de l’intrigue.

2Pour que les proverbes deviennent spectaculaires, pour qu’ils soient transformés en objet théâtral et occupent le centre de la scène, il faut attendre la naissance et la fortune du genre du proverbe dramatique3. Celui-ci est caractérisé, en effet, par le lien qui doit nécessairement s’établir entre la pièce et un proverbe connu, que l’intrigue est censée illustrer.

3Si « théâtraliser » quelque chose signifie le « rendre théâtral », l’« adapter aux caractéristiques du théâtre4 » ou lui « donner le caractère de théâtralité5 », on peut aisément dire que le genre du proverbe dramatique théâtralise, à partir du tournant entre xviie et xviiie siècle, les proverbes, sentences et maximes dont il se nourrit. Le proverbe dramatique serait-il donc une voie d’accès au théâtre pour des objets qui normalement n’y auraient pas droit de cité ? Cette propriété peut-elle s’appliquer, ne serait-ce que dans quelques cas, à des objets autrement interdits au théâtre comme le sexe et la critique du pouvoir ou de la religion ? Autrement dit, peut-on affirmer que le proverbe dramatique rend théâtralisables, c’est-à-dire aptes à être théâtralisés6, des thèmes, des sujets ou des réalités impensables sur scène dans le cadre d’autres genres dramatiques ?

4Avant de généraliser le particulier, et de faire du proverbe dramatique un vecteur de théâtralisation tous azimuts, ou des auteurs de proverbes des précurseurs éclairés d’un panorama théorique et pratique post-Vitezien, enclins à « faire théâtre de tout7 », il convient de revenir sur les spécificités méconnues de ce genre, et de se demander quels atouts il peut offrir quand il s’agit de faire théâtre sinon vraiment de tout, du moins d’objets insolites ou problématiques.

Des vertus théâtralisantes du proverbe dramatique

5Un proverbe dramatique est une pièce de théâtre dont l’action entretient un rapport nécessaire avec une maxime. Cette maxime est en général un proverbe de la tradition, comme À trompeur, trompeur et demi, ou Trop parler nuit, ou une expression courante, comme Il ne faut jurer de rien, ou encore une citation très populaire et pour ainsi dire passée en proverbe, à l’image des moralités de certaines Fables de La Fontaine. L’action de la pièce doit illustrer, de manière directe ou subtilement décalée, le propos énoncé par la maxime, expression ou citation choisie. Cette dernière peut être laissée à deviner aux spectateurs, comme il était l’usage dans le jeu de société qui est à l’origine du genre et comme c’est la règle dans les proverbes de Carmontelle ou d’autres auteurs du xviiie siècle. Elle peut aussi constituer le titre ou le sous-titre de la pièce, ou encore être prononcée par l’un des personnages à la dernière scène, souvent en guise de réplique conclusive, par exemple chez Théodore Leclercq ou plusieurs auteurs du Second Empire.Très souple dans sa codification, le proverbe « admet tous les tons8 », du plus sombre et dramatique au plus léger et comique. Cependant, dans la plupart des cas, il se rapproche de la comédie, ce qui explique pourquoi le proverbe est en général expéditivement défini par les dictionnaires comme « petite comédie qui est le développement d’un proverbe9 », ou « petite comédie illustrant un proverbe10 ».

6Le proverbe est indéniablement un genre mineur, et surtout minoré par les théoriciens du théâtre, qui l’ignorent, n’y voyant qu’un divertissement mondain sans profondeur ni conséquence. Dès qu’il s’agit de théâtraliser des objets insolites, toutefois, ce qui semble constituer la faiblesse du genre s’avère aussi sa plus grande force.

7Premièrement, le manque de codification confère au proverbe une grande souplesse dans le choix du format comme du style ou de l’expression. S’il n’existe pas de poétique du proverbe, il n’y aura logiquement aucune obligation de respecter des règles fixes à l’exemple de celles qui régissent et corsètent parfois un peu trop étroitement la tragédie classique. Il s’ensuit une totale liberté en termes esthétiques, qui laisse aux dramaturges un grand potentiel d’expression et d’expérimentation. « Il est de mode de traiter, sous la forme de Proverbes, certains sujets qu’on ne saurait apprécier convenablement qu’avec une entière liberté de style et de pensée11 », reconnaît en 1829 Louis Monmerqué, traçant un bref panorama de la mode contemporaine du proverbe en ouverture de son édition des Proverbes inédits de Mme de Maintenon. Cette liberté absolue, tant sur le plan esthétique que sur le plan idéologique, suffit à ses yeux à justifier le succès du genre : « Voilà pourquoi on aime les Proverbes, et pourquoi nous en possédons des recueils si nombreux et si variés12 ». Un constat semblable est dressé rétrospectivement par Délecluze à propos de la florissante production de Théodore Leclercq, qui dans les années 1820-1830 fournissait un flot constant de proverbes, parfois moins anodins qu’on le croirait de prime abord, pour les scènes privées et pour la Revue de Paris : « ne se préoccupant point des convenances théâtrales imposées par la représentation, […] ses proverbes, composés pour être lus, lui laissaient les coudées franches13 ».

8La marginalité constitue en effet le deuxième atout du proverbe. Né au sein des théâtres de société et très rarement destiné à une représentation sur des scènes publiques jusqu’au Second Empire, voire même au-delà, le proverbe dramatique prospère sous forme de théâtre à lire en volume ou en revue et à jouer à l’occasion de représentations confidentielles, en contexte privé14. Il soustrait ainsi plus facilement ses contenus à toutes les formes de contrôle et de contrainte qui pèsent d’habitude sur le théâtre : tyrannie de la recette et de la rentabilité, c’est-à-dire des goûts du public, puisqu’il s’adresse à des sociétés choisies ; impératifs de ce qu’on appellerait aujourd’hui l’industrie du spectacle, qu’il s’agisse du système de privilèges en vigueur jusqu’en 186415, des attentes des comités de lecture ou des logiques de troupe ; et surtout contrôle de la censure, beaucoup moins farouche, comme on sait, au sujet d’ouvrages imprimés que de spectacles vivants16, mais totalement impuissante face à ce qui se joue à huis clos sur des scènes de société. Logiquement, le proverbe devient ainsi potentiellement ouvert et favorable à tout ce qui tombe d’habitude sous la coupe de la censure : représentation explicite de la sexualité et de mœurs excessivement libres et dissolues, ou expression d’idées dissidentes et subversives en matière de politique ou de religion.

9Pour des raisons internes, esthétiques, ainsi qu’externes, c’est-à-dire liées aux conditions particulières de production et de réception qui le caractérisent, le proverbe dramatique offre donc un support favorable pour porter au théâtre ce qui apparaîtrait autrement non-théâtralisable ou très difficilement théâtralisable, ce qui relèverait, en somme, de l’impossible, de l’injouable ou de l’irreprésentable.

« S’il y a de l’irreprésentable »

10Parmi ces trois catégories, proches, mais subtilement différentes, je retiendrai de préférence la troisième. La notion d’« impossibles théâtres17 » théorisée par Jean-François Louette semble en effet peu opératoire, puisqu’elle est toute relative et contingente, circonscrite qu’elle est à un espace-temps bien précis, et surtout puisqu’elle est liée à « des conditions fort diverses (techniques, socio-politiques, esthétiques, voire juridiques) » qui, admet Jean-François Louette lui-même, « déterminent l’impossible à un moment donné18 », mais ne sauraient se rapporter à un caractère intrinsèquement « impossible » d’un quelconque texte ou projet théâtral. Des considérations semblables s’appliquent au terme d’« injouable19 », qui a du moins le mérite de présenter le problème dans une perspective liée à la mise en scène et au jeu d’acteur, mais qui reste très dépendante des codes imposés par ce que Bernard Dort appelle la « pratique scénique dominante20 » d’une époque donnée. L’adjectif « injouable » est en effet souvent employé dès les xviiie et xixe siècle pour indiquer toute pièce qui semble irrecevable ou qui ne vise pas le passage à la scène, du moins dans l’horizon à court et moyen terme de son auteur21. Le terme et le concept d’« irreprésentable », quant à lui, tout en restant lié aux aléas diachroniques et géographiques de beaucoup de facteurs différents, donc demeurant au fond tout aussi contestable et insatisfaisant qu’un autre, a toutefois l’avantage d’être moins absolu et définitif qu’« impossible » et plus nuancé qu’« injouable ».

11Pour le Trésor de la Langue Française, est irreprésentable tout ce « que l’on ne peut, que l’on ne doit pas représenter. En partic. Qui ne peut faire l’objet d’une représentation sur scène », ou encore, au sens figuré, ce que « l’on ne peut se représenter22 ». Le distinguo est très important. Irreprésentable est ainsi d’une part ce que l’on ne peut pas représenter, ou se représenter, faute d’opportunité ou de moyens matériels et techniques, ou encore, comme le dit Jacques Rancière, parce qu’on « ne peut pas trouver de forme de présentation sensible adéquate à son idée, ou, à l’inverse, de schème d’intelligibilité égal à sa puissance sensible23 ». Bref, ce que l’on ne peut pas représenter par impuissance ou « impouvoir24 » de l’art à figurer certains objets. D’autre part, est irreprésentable ce que l’on ne doit pas représenter à cause d’une injonction externe, d’un interdit moral, religieux ou légal, défendu souvent, dans le cas du théâtre, par l’autorité de la censure préalable. Autrement dit, comme le rappellent aussi Alice Folco et Séverine Ruset à propos de l’injouable, « ce n’est pas parce qu’une chose est faisable qu’elle est automatiquement recevable25 ». Ce qui correspond aussi au premier cas de figure, le plus convaincant, des « impossibles » répertoriés par Jean-François Louette, l’impossible « de contrainte » sociale ou politique26. Or, pour les artistes il est souvent très tentant de chercher un moyen de représenter quelque chose justement parce qu’on ne pourrait ou on ne devrait pas la représenter, parce que des obstacles à première vue insurmontables s’y opposent. Il y a cependant une troisième facette de l’irreprésentable que même les artistes les plus provocateurs et visionnaires ne peuvent pas ignorer complètement : ce qui est considéré « irreprésentable » par le public, ce qui heurte la sensibilité des spectateurs ou qui va trop à l’encontre de leurs goûts, en un mot, ce qui ne plaît pas. Peut ainsi s’avérer effectivement impossible à porter à la scène, unstageable, selon Karen Quigley, « something that is traumatic or harrowing to watch on stage27 », ou encore, tout simplement, quelque chose qui serait trop contraire à l’horizon d’attente du spectateur. L’irreprésentable est donc aussi, en dernière instance, une affaire de goût au double sens esthétique et trivial du terme. Entre mauvais goût, faux-pas par rapport aux normes esthétiques en vigueur, et dégoûtant, il n’y a qu’un pas, qui peut cependant coûter les faveurs du public.

12Grâce à son statut de genre mineur et reconnu comme tel et à sa destination pour des circuits marginaux par rapport aux scènes officielles, le proverbe dramatique offre des stratégies de contournement à tous les obstacles qu’on vient d’évoquer. On peut donc montrer à travers des exemples concrets commet entre xviiie et xixe siècle les proverbes offrent des voies détournées pour théâtraliser différentes formes d’irreprésentable.

Contourner les obstacles I : érotisme et pornographie

13Le public, on le sait, est d’habitude plutôt friand d’art à contenu érotique, et facilement affriolé par la promesse d’un spectacle grivois. La censure, de son côté, ferme plus facilement l’œil sur les écarts relatifs aux mœurs sexuelles que sur des idées qui déstabiliseraient le pouvoir en place. La représentation concrète, charnelle et vivante du nu, surtout quand il est érotisé, et de postures, d’attouchements, voire même d’actes sexuels constitue cependant un tabou majeur, difficilement brisé au théâtre jusqu’à une époque très récente28. Il est dès lors d’autant plus intéressant d’étudier les stratégies de contournement des obstacles mises en place par quelques rares proverbes érotico-pornographiques des xviiie et xixe siècles.

14Le premier exemple est L’Esprit des Mœurs au xviiie siècle ou la Petite maison, proverbe en deux actes et en prose de Simon-Pierre Mérard de Saint-Just, écrit probablement en 1776 et publié sous pseudonyme et sous le couvert probablement fictif d’une impression à Kehl en 178929. Tout en reprenant la tradition du dialogue libertin à la manière de Crébillon, fréquemment interrompu par des moments où les interlocuteurs abandonnent le dialogue pour passer à l’acte, le proverbe de Saint-Just se présente pourtant comme un ouvrage conçu pour la représentation. Du moins il en affiche l’intention d’une manière ostentatoire. Paule Adamy écrit dans le paratexte de son édition critique que le texte en question « se donne les airs d’une de ces pièces licencieuses qui étaient jouées à huis clos sur les scènes des théâtres privés30 », comme par exemple les parades. Sur la page de titre, l’auteur annonce en effet que son proverbe « fut représenté à la Cour de Congo, en 1759, et devoit l’être en 1776, le jeudi de la première Semaine de Carême, sur le Théâtre de Mlle Guimard31 ». Si la première affirmation est de pure fiction, la deuxième se veut crédible et ne manque pas de vraisemblance. En 1776 Mlle Guimard, première danseuse de l’Opéra et grande courtisane à la réputation sulfureuse, était propriétaire d’un somptueux hôtel particulier vers la Chaussée d’Antin, baptisé Temple de Terpsichore, qui abritait un théâtre privé de 500 places où elle donnait des spectacles de société. En février de la même année, pendant le Carême, elle avait organisé une soirée avec représentation théâtrale, dont témoignent plusieurs sources, qui fut finalement interdite par ordre du Roi à l’instigation de l’Archevêque de Paris parce que la maîtresse des lieux avait eu la mauvaise idée de vendre des billets, ce qui transformait la soirée en spectacle public — interdit pendant le Carême — et autorisait une descente de police. « Mérard de Saint-Just a-t-il voulu, mythomane, faire croire que sa pièce aurait dû être jouée ce soir-là ? Il ne courait pas de risque d’être démenti, puisque la soirée avait été interrompue32 ». Ou bien l’indication signifierait-elle que le proverbe « était digne d’être représenté à cette soirée spéciale33 ? ». Impossible de trancher, selon Paule Adamy. Toujours est-il que le texte, quoique très érotique et performatif, ne représentant au fond qu’une suite de rencontres sexuelles entre une marquise aux appétits insatiables et ses nombreux visiteurs et visiteuses, joue volontiers sur le fantasme d’une représentation possible. À la manière de Carmontelle, qui dans la lettre en forme de préface à l’édition de ses proverbes, dès 1768, donne pour ses lecteurs de province un bref mode d’emploi « des proverbes que l’on joue à Paris, dans quelques sociétés, et de la manière dont on les joue34 », Saint-Just fait précéder L’Esprit des Mœurs d’un « nota bene » savoureux :

On observe aux personnes qui auront envie de représenter ce drame érotique, plus difficile à jouer qu’aucun autre, parce qu’il exige nécessairement d’excellents acteurs, et qu’on n’en trouve plus guères ; on observe, dis-je, qu’à volonté on abrégera les conversations pour multiplier les faits. C’est surtout par l’action que vit la comédie ; mais il faudra bien se garder d’abréger les faits, et de multiplier les conversations.

15Les « conversations », en effet, restent pour la plus grande majorité du texte dans le registre du libertinage mondain à la Crébillon ou à la Laclos, qui emprunte les expressions de la galanterie ou un langage imagé, très strictement codifié et « gazé35 », masquant les réalités les plus crues de la jouissance derrière l’élégance d’un riche choix de métaphores spirituelles, amoureuses, guerrières, cinégétiques, mythologiques… Ce sont ici les didascalies qui dévoilent la nature explicite et pornographique du texte, détaillant pas à pas la performance des acteurs. Pour ne citer qu’un exemple, dès la deuxième scène la Marquise de Palmarèze, héroïne principale et auteure fictive de la pièce, reçoit dans son salon stratégiquement « très orné de glaces […] et meublé en ottomanes et en bergères36 » le baron Illacaré, colonel suisse au physique digne de son état selon les clichés de la littérature libertine, qui demande quelque preuve de tendresse pour se guérir de sa jalousie :

Illacaré […] Divine ! que de grâces en montrant tant de bontés ! (Il commence à prendre quelques licences).
La Marquise
(toujours gaîment). Monsieur le fripon ! il faut, comme vous voyez, que j’aie une bonne dose d’indulgence, et que vous sachiez bien toute la valeur du moment où l’on se raccomode…
Illacaré
(Allant toujours son chemin, déjà maître de la gorge, et cherchant d’autres appas). Ah ! devions-nous être un seul instant brouillés ! (Touchant et mettant à découvert certains attraits) Ciel ! que de beautés ! (il y applique, à la hâte, quelques baisers ; en même-tems, il produit de quoi leur faire face).
La Marquise
(à la vue d’un objet d’une proportion peu commune). C’est cela que vous me destiniez, colonel ? Miséricorde ! non, certainement, jamais un tel bélier ne me frappera, mon cher…
Illacaré
Y pensez-vous ? Est-ce donc un nouveau jeu de votre indifférence ?
La Marquise Y pensez-vous vous-même ? Je vous dis qu’il y a là de quoi me mettre en lambeaux : je ne m’y exposerai point, assurément !
Illacaré
(usant avec ménagement de sa vigueur, assez néanmoins pour rester à peu près maître du champ de bataille). J’ai pour moi l’expérience : je sais que jamais qui que ce soit…
La Marquise
Je sais que si je vous laissais faire, je serois une femme… morte.
Illacaré
Daignez au moins risquer l’essai.
La Marquise
(se prêtant un peu) Vous croirez que c’est caprice, tiédeur… et nous serions brouillés. Je vais me sacrifier […]37.

16Même aujourd’hui, il serait vraisemblablement difficile, en dehors d’une production cinématographique pour adultes, de représenter fidèlement et explicitement la scène. Le proverbe de Saint-Just adopte le contournement d’une fiction ludique et multimédiatique, alliant texte imprimé accompagné de gravures (voir fig. 1 et 2) et fantasme d’une représentation en société, que le lecteur, ne lisant sans doute que d’une main38, est prié de jouer dans son imagination.

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Fig. 1 : Gravure pour Simon-Pierre Mérard de Saint-Just, L’Esprit des mœurs au XVIIIe siècle ou la Petite maison, proverbe en deux actes et en prose, dans Œuvres de la Marquise de Palmarèze, t. II, Par-tout et par tous les temps, s.d. [Kehl, Imprimerie F. Chanson, 1789], acte I, sc. 6, entre les p. 46 et 47.

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Fig. 2 : Cinquième planche coloriée pour [Simon-Pierre Mérard de Saint-Just ?], La Matinée libertine, ou les moments bien employés, à Cythère, 1787, p. 132. Scène entre la Comtesse et le Chevalier, qui est l’équivalent du baron Illacaré dans L’esprit des mœurs au XVIIIe siècle ou la Petite maison, Copyright : BNF, Gallica.

17Encore plus explicite, y compris dans son vocabulaire, est, presque un siècle plus tard, le petit proverbe Un caprice de Lemercier de Neuville, publié en 1864 dans le Théâtre érotique de la rue de la santé39. Comme son titre l’indique, il s’agit d’un clin d’œil ou d’un pied de nez à Musset. La pièce détourne et désacralise le proverbe homonyme, instigateur de la grande vogue des proverbes de salon Second Empire depuis sa création à la Comédie Française en 1847, en transposant le triangle amoureux dans le contexte trivial du boudoir d’une prostituée de la rue des Martyrs, Urinette, une « drôlesse » qui n’a même pas la prétention de jouer les demi-mondaines et qui, comme son nom l’indique, n’hésite pas à se servir de son vase de nuit sur scène. Tout l’enjeu de la très mince pièce, d’un humour très potache, tourne autour de la virilité faiblissante du jeune Florestan, qui malgré les efforts prodigués par la fille de joie n’arrive pas à maintenir une érection assez longtemps pour profiter de leur rendez-vous, et, comme le Chavigny de Musset, finira par devoir rester fidèle à sa femme. Si les débuts sont difficiles

Florestan Parbleu !... Laisse-moi t’embrasser…
Urinette (Qui a interrogé son pantalon). À quoi bon, puisque tu n’es pas prêt !
Florestan Oh ! tes caresses vont me ranimer !
la situation est loin de s’améliorer pas par la suite :
Urinette (Qui l’a déboutonné et lui fait postillon) Tiens ! tiens ! tiens ! es-tu heureux ?
Florestan (Qui a débandé, et ne peut parvenir à rebander) Oui, ça commence…
Urinette (Le branlant) Ce n’est pas tout de commencer. […]
Urinette (Se couchant sur le canapé, jupe retroussée, cuisses écartées.) Me voilà ! me voilà !... Il n’y a pas le feu à la maison... nous avons le temps... le canapé n’est pas loué, que diable !...Florestan (Qui s'était précipité, le membre en arrêt, se relevant humilié.) Oh ! que c’est bête !... Voilà que vous venez de parler... tout est parti !...
Urinette (Lui refaisant patte d’araignée et postillon.) Ça reviendra !...40

18Le proverbe, pour étonnant que ça puisse paraître à la lecture d’une telle scène, fut joué « au commencement d’octobre 1863 » et réussit, quoiqu’avec un succès moins « éclatant qu’on l’eût pu croire aux répétitions », car Louis Wihl, poète allemand qui avait été invité à la représentation, en fut si scandalisé qu’il « sortit en bousculant les chaises41 ». La pièce fut ensuite reprise sur le théâtre de marionnettes d’Émile Renié rue des Martyrs. Le secret qui a rendu possible la représentation bien réelle, même si teintée de scandale, d’une telle œuvre, réside dans la double stratégie de contournement de Lemercier de Neuville et en général de toutes les pièces recueillies dans le Théâtre érotique de la rue de la santé42. D’un côté, représentation sur une scène de société, devant un public trié sur le volet et admis uniquement sur invitation. De l’autre performance confiée non pas à des acteurs en chair et en os, mais à des marionnettes, dont les corps de bois et de chiffons estompent et mettent à distance l’obscénité excessive des scènes représentées. Il est difficile de dire, par exemple, si le détail de fabrication des huit marionnettes sculptées par l’acteur Demarsy permettait effectivement un rendu aussi réaliste que le suggère le dessin très coquin de Félicien Rops reproduit en frontispice de l’édition originale (fig. 3).

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Fig. 3 : Félicien Rops, frontispice gravé pour Théâtre érotique de la rue de la santé, suivi de La grande symphonie des punaises, avec un frontispice priapique dessiné et gravé par S.P.Q.R., Partout et nulle part [Bruxelles, Poulet-Malassis], 1864. BNF, Enfer-1312. Photo : V. Ponzetto.

19Aucune autre forme de représentation que celle mentale du « spectacle dans un fauteuil » n’était en revanche prévue pour le « proverbe chimérique » de Jean Richepin, intitulé Faire sans dire (1896), sorte de pastorale animalière où l’irruption d’un bélier en rut vient apprendre les vertus du proverbe du titre à deux brebis précieuses, Robine et Robinotte, qui se pâmaient jusque-là avec leurs moutons d’amoureux dans la dialectique du sentiment quintessencié d’une nouvelle Carte du Tendre. Virtuose dans le langage et ironique dans le propos, le proverbe de Richepin, comme l’a bien montré Hélène Laplace-Claverie, flirte avec l’irreprésentable. Non pas à cause de « la présence sur scène d’objets ou d’animaux qui parlent43 », traits qui n’ont rien d’un obstacle à quelques années à peine de L’Oiseau bleu de Maeterlinck ou de Chantecler de Rostand, mais précisément à cause du potentiel pornographique de scènes que le travestissement animalier ou les didascalies elliptiques et savoureuses (« il se rue sur Robinotte44 » ; « On entend des bruits intraduisibles45 ») arrivent à peine à faire accepter.

Contourner les obstacles II : politique et religion

20La publication en volume ou en revue pour une consommation sous forme de « théâtre à lire » ou de « spectacle dans un fauteuil » semble être la seule option viable pour les proverbes qui s’attaquent à des sujets qui touchent de près ou de loin à la politique et à la religion, domaines très étroitement surveillés par la censure.

21Certes, font exception les proverbes de Théodore Leclercq, qui dans les années 1820 circulaient dans les salons et étaient parfois joués en société avant d’être imprimés. Si Leclercq se permet de critiquer les jésuites et leur influence sur la France de la Restauration seulement dans un dialogue qui ne semble pas destiné à la représentation (Le Père Joseph), dans ses proverbes il n’épargne en revanche pas les ambitieux, les arrivistes et les intrigants de toute sorte, nobles ou bourgeois qu’ils soient. Il s’attaque ainsi aux anciens émigrés, renfermés dans un ultraroyalisme farouche et dans un excès de protectionnisme de leurs privilèges retrouvés (Le Souper), ou à ces aspirants politiciens ineptes et sans scrupules, tels le vicomte de Goury du Château de cartes, qui se croit « propre à tout » puisqu’il « n’a jamais rien fait46 » et brigue aveuglément les faveurs des puissants, quitte à se retrouver victime du premier renversement ministériel. Les bourgeois ne sont pas mieux traités. Il suffit de penser, par exemple, à M. et Mme de Vernant qui dans Les Élections ne reculent devant aucune bassesse et aucun volte-face idéologique pour essayer d’obtenir les suffrages qui feraient élire le mari au rang de député. Il est vrai que Leclercq n’attaque pas directement le pouvoir en place, se limitant au portrait mordant de quelques provinciaux ridicules. Ses proverbes dressent pourtant dans l’ensemble un tableau critique et désenchanté d’un réalisme social rare pour le théâtre de l’époque. Stendhal ne s’y était pas trompé qui écrivait dans un article du London Magazine en 1825 :

comme la censure ôte impitoyablement de toutes les comédies qu’elle laisse jouer à Paris ce qui ressemble à la société actuelle, les proverbes de M. Leclercq auront une importance historique47.

22On peut reconnaître en Théodore Leclercq l’initiateur d’une brève saison, circonscrite aux années 1820, voire même plus précisément entre 1825 et 1830, où le proverbe dramatique, notamment quand il est publié en revue, se fait le porte-parole d’une pensée libérale et de l’esprit de critique sociale et politique qui anime les collaborateurs du Globe et de la Revue de Paris. On trouve, par exemple, une satire de l’arrivisme social de la bourgeoisie montante et de l’ineptie, de la lâcheté et de l’incompétence de l’ancienne noblesse dans Le Jeune Docteur, ou le moyen de parvenir de Scribe, publié dans la Revue de Paris en mai 1829. On y voit des médecins plus préoccupés de s’enrichir et de gagner du prestige que de soigner leurs patients, et surtout un marquis pusillanime et fainéant, ancien sénateur briguant la Chambre des Pairs, qui a pour principaux mérites de ne jamais prendre la parole pour ménager sa santé et d’avoir publié sous la Restauration les discours qu’il avait écrit contre Napoléon sous l’Empire, mais qu’il avait soigneusement gardés dans son portefeuille jusqu’à la chute de l’« usurpateur48 ». La confusion idéologique, la paranoïa et la peur du complot de la petite noblesse et des fonctionnaires obtus de province sont tournés en ridicule par Dittmer et Cavé dans Une conspiration de province ou la nuit tous les chats sont gris, paru en 1827 dans Les Soirées de Neuilly, et dans Les Mécontents de Mérimée49 (1830), deux proverbes qui ont été rapprochés à juste titre50.

23Dans Une conspiration de province, le vent qui arrache nuitamment un drapeau et le ministre de la marine qui arrive à l’auberge incognito suffisent pour persuader les notables d’une petite ville sur la route de Paris à Nantes que Napoléon en personne « vient de débarquer à Nantes avec Marie-Louise, le petit roi de Rome, le prince Charles et vingt mille Américains51 », et que les campagnes fourmillent d’espions et de conspirateurs. Dans Les Mécontents, un groupe de hobereaux vendéens, occupés en 1810 à organiser au fin fond de leurs terres une conspiration contre l’Empereur, perdent tout à coup la tête se croyant démasqués. Dans l’un comme dans l’autre cas, la pusillanimité grotesque des anti-héros conservateurs est la cible de la vis comica des proverbes, qui montrent respectivement le maire de la petite ville s’enfuyant indignement par la fenêtre et les nobliaux effrayés tombant dans une mare et pataugeant dans la boue alors qu’ils essayent de se sauver à travers le parc de leur château. Mérimée refuse catégoriquement de faire représenter sa pièce quand Viollet-le-Duc le lui propose en 1858, bien conscients de ses « deux légers défauts, impiété et immoralité52 » ainsi que de l’inconvenance qu’aurait représenté sous Napoléon III une allusion même burlesque à un projet d’assassinat contre son illustre et homonyme prédécesseur.

24Quant à la religion et au clergé, très rarement attaqués de manière directe, ils sont la cible de La Conversion, ou à l’impossible nul n’est tenu de Scribe (Revue de Paris, octobre 1830), qui dénonce la dangereuse contrainte représentée par le célibat des prêtres, l’hypocrisie des gens d’église, surtout des grands prélats, qui s’autorisent tous les péchés pourvu que le public les ignore, et aussi la toute-puissance des jésuites et de leur redoutable réseau d’espions.

25On reconnaîtra donc avec Olivier Bara que pendant une brève période, avant la Révolution de Juillet, le proverbe a été un « genre médiatique53 » jouissant d’une liberté d’expression hors du commun, capable de théâtraliser des thématiques politiques et sociales particulièrement délicates.

Contourner les obstacles III : singularités esthétiques

26Grâce à son manque de codification, le proverbe permet enfin de contourner le dernier et plus insaisissable des obstacles en matière de théâtralisable : l’excentricité esthétique et l’éventuelle atteinte au goût dominant qui en découle. En matière de ton et de style, notamment, le proverbe semble autoriser des singularités déroutantes et inclassables.

27Le cas de Musset est certes unique qui, surtout à ses débuts, subvertit presque systématiquement les canons dramatiques et les attentes du public. Il suffit de penser aux Caprices de Marianne et à On ne badine pas avec l’amour, qui s’annoncent d’abord comme des comédies assez légères se terminant de manière tragique, avec d’une part la mort du plus pur et innocent des protagonistes et de l’autre la séparation définitive des deux amants. Mais aussi aux Marrons du feu, qui suit d’un côtéla même parabole (de la comédie amoureuse et d’intrigue en temps de carnaval… au drame et au meurtre), de l’autre un chemin presque inverse, tournant en parodie triviale l’écho tragique d’Andromaque. Ou encore, dans un tout autre registre, à La Nuit vénitienne, qui pourrait tourner au drame romantique avec enlèvement ou meurtre pour soustraire Lorette au mariage arrangé avec le prince d’Eisenach et vire en revanche vers la comédie galante et irrévérencieuse, avec le prince qui séduit son épouse et l’amant éconduit qui se console par une partie de plaisir. Il va de soi que Musset est un cas exceptionnel, dont on ne saurait extrapoler une règle universelle à propos du proverbe. S’il a exploité avec génie tout le potentiel de liberté expressive et de subversion des stéréotypes autorisé par le genre, cela ne veut cependant pas dire que tout auteur de proverbes, même parmi ses nombreux épigones, ait l’idée ou l’intention d’en faire autant. De cette expérience toute personnelle on retiendra cependant la mesure des possibilités virtuellement infinies du proverbe. Du reste, si Musset a choisi cette appellation générique pour ses pièces, c’est probablement parce que des exemples bien plus modestes et inconnus de proverbes dramatiques contenant mélange de genres et subversion de codes lui en ont suggéré l’idée.

28Pour le style et le langage surtout, le proverbe autorise des choix qui seraient normalement perçus comme « peu théâtraux », et qui furent en effet considérés comme tels par les contemporains. Depuis Carmontelle, qui fait figure de père fondateur, le proverbe revendique une approche différente à la vraisemblance, à la mimesis et au naturel de la conversation. Carmontelle lui-même dit avoir voulu fuir les belles phrases et les tournures de style littéraire pour ne donner à ses personnages que « le ton de la conversation54 », et de nombreux auteurs de proverbes ont imité son exemple. Dans la meilleure des hypothèses, cette approche permet de mieux atteindre l’illusion du naturel et de la vie et de favoriser l’identification du spectateur. Le revers de la médaille toutefois, pointé impitoyablement par Grimm à propos de Carmontelle, est le risque de la platitude et du commun, proche de la transcription brute d’un micro-trottoir contemporain. « Ses proverbes », écrit Grimm, « n’ont qu’un défaut, c’est d’être plats : car, d’ailleurs, il a de la vérité dans ses caractères et du naturel dans son dialogue ». Il serait cependant nécessaire d’y ajouter, pour en faire du théâtre en bonne et due forme, « cette petite pointe de poésie et de verve qui fait que ce qui est insipide en nature devient exquis et piquant dans l’imitation55 ».

29Les expérimentations en matière de proverbe des grands écrivains romantiques sont en revanche d’abord reçues comme peu théâtrales à cause d’un excès inverse : elles seraient trop « littéraires », trop proches d’un autre genre d’écriture. Trop narratives, par exemple, trop proches de la prose d’un romancier dans le cas de George Sand, qui effectivement depuis Les Mississipiens (1840) jusqu’à Un bienfait n’est jamais perdu (1872) multiplie les tirades interminables et les répliques argumentatives et complexement articulées. Trop poétiques, trop alambiquées, en un mot trop snob dans les cas de Musset ou de Vigny, renvoyés par la presse du temps à leur métier de poètes. « M. de Musset ne fait pas de pièce : il est poète », peut-on lire le lendemain de la première de La Nuit vénitienne dans La Revue de Paris, qui apparemment promouvait la publication de proverbes à lire, mais n’appréciait pas d’en voir sur les principales scènes de la capitale. Et l’anonyme feuilletoniste de pointer la « folle imagination » du jeune auteur, « mal à l’aise sur les planches56 », tandis que d’autres, encore moins bienveillants, n’hésitent pas à parler de « style moitié inintelligible et moitié ridicule57 », ou de « bizarre faiblesse de l’ouvrage58 », qui ne ferait pas un spectacle. Quant à Vigny, son Quitte pour la peur, en 1833, est critiqué comme « une conserve de nonne, saupoudrée d’analyse et couleur de macaron, un pastel de galimathias », bref, un « poëme dandy59 », irrecevable au théâtre.

Conclusion

30Au xviiie comme au xixe siècle, et sans doute encore aujourd’hui, le spectateur fait donc preuve d’étranges tabous esthétiques et d’idées difficiles à changer en matière de ce qui serait approprié au théâtre, publié ou représenté qu’il soit. Les allusions au sexe, ou un soupçon d’érotisme, attirent, mais gare aux pièces et aux spectacles qui franchissent la ligne mouvante et ambiguë de la pornographie. La critique du pouvoir en place, l’opposition par la force de l’art à une contrainte imposée est certes une source d’inspiration et un mobile puissant pour les dramaturges, mais représente aussi l’obstacle le plus dur à franchir pour les artistes qui voudraient se faire représenter. Sans compter que les ouvrages très ancrés dans hic et nunc politique ont plus de mal à trouver un public une fois passée l’actualité polémique de l’objet abordé. Quant au goût dominant du public, il exerce une tyrannie très difficile aussi bien à évaluer qu’à éviter. Tyrannie qui concerne non seulement sur les objets représentés, mais également le ton, le style, le format de la pièce, la mimesis, la vraisemblance…

31Choisissant les chemins secondaires et de traverse du théâtre à lire et des représentations de société, pour des cercles choisis qui partagent certains idéaux esthétiques, le proverbe offre un accès au théâtre à tous ces objets problématiques. Même marginal, un premier accès à la théâtralisation représente un pas important dans l’évolution du goût et des consciences des futurs spectateurs. Ainsi le proverbe dramatique, qui a souvent donné à lire, à entendre, et même à voir quelque chose de nouveau et de différent dans le panorama théâtral, a sans doute aidé, par ses voies détournées et discrètes, à repousser les limites du théâtralisable.