Acta fabula
ISSN 2115-8037

2002
Automne 2002 (volume 3, numéro 2)
titre article
Jean‑Baptiste Mathieu

À quoi sert la littérature ?

Jean‑Jacques Lecercle et Ronald Shusterman, L’Emprise des signes. Débat sur l’expérience littéraire, Le Seuil, coll. « Poétique », 2002, 258 p., EAN 2020495309.

1À première vue, le livre de Jean‑Jacques Lecercle et Ronald Shusterman L’Emprise des signes. Débat sur l’expérience littéraire se présente comme une tentative pour répondre « aux principales questions de la poétique telles qu’elles sont formulées habituellement » (p. 250) — avec cette particularité que les deux auteurs ne défendent pas, sur ces questions, des thèses communes, mais, chacun leur tour, des thèses antagonistes. L’originalité de L’Emprise des signes ne réside cependant pas seulement dans sa forme agonistique, mais aussi dans le fait que les grands problèmes de la théorie littéraire (comme l’auteur, l’interprétation, la relation des textes au monde, etc.) y sont abordés dans un effort pour répondre à la question « À quoi sert la littérature ? » (« qui a failli servir de titre à ce volume », apprend‑on page 199). Autrement dit, ce livre a surtout pour objet d’établir ce qui fait l’intérêt de la littérature, ce qui justifie qu’on s’y intéresse et qu’on la promeuve. L’objet de ce livre, c’est encore, comme le signale son sous‑titre, l’expérience littéraire — ce que « fait » un texte littéraire à son lecteur, ce qu’il lui procure. Si s’interroger sur l’expérience littéraire conduit tout droit à la théorie littéraire, c’est, ainsi que le souligne J.‑J. Lecercle en introduction, que toute description de l’expérience littéraire « reflète (…) des choix théoriques » (p. 13).

2Pourquoi un livre sur l’expérience littéraire, et pourquoi sous la forme d’une discussion ? La réponse à ces deux questions est dans le constat que font Lecercle et Shusterman d’une crise de la littérature — plus exactement d’une crise dans l’étude et l’enseignement de la littérature. Cette crise affecterait non seulement les méthodes d’analyse de la littérature, mais aussi et surtout sa définition et l’appréciation de sa valeur. Lecercle et Shusterman fondent leur constat notamment sur une analyse de la situation des études littéraires dans le monde anglo‑américain et en France (précisons que le premier est un français qui enseigne la littérature anglaise en Grande‑Bretagne, et le second un américain qui enseigne française en France cette même littérature française). Selon eux, dans l’université anglo‑américaine, l’ancienne conception « universaliste (les valeurs décelées dans le canon de la littérature anglaise concernent l’humanité tout entière) et essentialiste (il y a une essence de la littérature, incarnée dans le canon des grandes œuvres) » (p. 20) de la littérature a succombé, sous l’influence de penseurs comme Derrida, Foucault, Lacan, à sa mise en cause par une approche historiciste et identitaire du phénomène littéraire, qui fait des œuvres littéraires et des théories de la littérature des manifestations d’identités culturelles antagonistes. En France, le problème serait le suivant : dans l’enseignement du français comme des langues étrangères, l’étude de la littérature serait progressivement marginalisée en vertu de l’orientation essentiellement utilitaire et communicationnelle de cet enseignement. S’agissant de l’enseignement des langues, cette orientation néglige le fait qu’« apprendre une langue étrangère (…) c’est avoir accès à l’altérité d’une culture », et qu’on y a accès par sa littérature : « en elle se nouent les liens cruciaux entre langue et encyclopédie (terme qui désigne l’ensemble des croyances et des savoirs qui définissent une culture) » (p. 24). L’Emprise des signes est donc un livre sur l’expérience littéraire parce qu’il est plus que jamais nécessaire, selon Lecercle et Shusterman, de réaffirmer la valeur de cette expérience face à sa réduction ou son occultation ; et c’est un débat en raison même de « l’éclatement » de la réflexion sur la littérature.

3Ce débat s’organise autour de quatre questions. La première de ces questions est celle du rapport de l’expérience littéraire au langage : dans quelle mesure l’expérience littéraire est‑elle dépendante du langage ? Ne se définit‑elle pas justement par l’instauration d’un certain rapport au langage ? La deuxième question concerne l’enracinement du texte littéraire dans les intentions de son auteur et dans une communauté dont il assumerait les revendications identitaires. Elle soulève le problème « du rapport, dans le texte littéraire, entre construction de l’identité, reconnaissance du même, et accueil de l’autre, expérience d’autrui en tant qu’il m’est toujours quelque part étranger » (p. 15). La troisième question est celle de l’accès au monde que nous procure le texte littéraire — autrement dit, de son caractère cognitif ou non cognitif. Enfin, la quatrième et dernière question concerne le rapport du texte littéraire aux valeurs : en quoi le texte littéraire contribue‑t‑il à l’expérience et la transmission des valeurs ? Les problèmes soulevés par ces quatre questions sont multiples, et de taille : problème de la relation entre le texte littéraire et le contexte politique, social, culturel, de sa production et de ses réceptions ; problème de la capacité du texte littéraire, et notamment du texte fictionnel, à représenter le réel ; problème de la définition même de la littérature et de la valeur littéraire… C’est bien à un véritable tour d’horizon des objets de la réflexion littéraire que le lecteur est convié. J.‑J. Lecercle inscrit ses thèses dans une perspective que lui‑même qualifie d’« essentialiste » : la nature de l’expérience littéraire — celle de la littérature elle‑même — doit se définir par des propriétés spécifiques de certains textes ; R. Shusterman revendique pour les siennes une inspiration « pragmatiste » : s’adonner à l’expérience littéraire, c’est adopter certaines attitudes, socialement définies, à l’égard des textes. On notera aussi l’orientation cognitiviste du premier — la littérature est une forme de connaissance — et l’insistance du second sur le désengagement à l’égard de toute visée cognitive et/ou pratique qui caractérise, selon lui, l’attitude littéraire.

4L’exposé qui va suivre se divisera quant à lui en deux parties. Je proposerai d’abord une synthèse des positions défendues par les deux auteurs sur les quatre grandes questions qui viennent d’être énoncées. Viendront ensuite le commentaire d’un certain nombre de ces thèses, ainsi qu’une appréciation d’ensemble du livre — de sa forme comme de ses visées.

Controverses sur la nature de l’expérience littéraire

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5La première controverse porte donc sur le rapport de l’expérience littéraire au langage. Sur ce sujet, la thèse de J.‑J. Lecercle est que « la littérature est le lieu privilégié où le langage devient opaque et réflexif » (p. 35) — autrement dit, le lieu privilégié où le langage s’offre lui-même comme objet d’intérêt et de connaissance pour le lecteur. L’emploi de l’adjectif « privilégié » indique que ce n’est pas seulement dans la littérature que le langage se présente ainsi, mais que c’est dans la littérature qu’il le fait le plus et le mieux :

Le texte littéraire est par excellence le lieu dans lequel le locuteur (et par extension le lecteur) est a) le plus conscient du fonctionnement général du langage, tant sur le plan grammatical que sur le plan pragmatique, et b) le plus conscient de certains fonctionnements particuliers du langage, en gros ceux qu’a toujours cherché à décrire la rhétorique. (p. 48‑49 ; je souligne)

6Selon J.‑J. Lecercle, cette définition doit permettre de distinguer entre les bons et les mauvais textes, ou (ce qui n’est pas nécessairement la même chose) entre les textes littéraires et la non‑littérature : entre Balzac et Hamlet d’un côté, Paul‑Loup Sulitzer et Tarzan de l’autre (ses exemples, page 83). À cette définition du texte littéraire, J.‑J. Lecercle adjoint une définition de la littérature comme « famille de jeux de langage » (p. 49) — cette dernière expression étant « notoirement empruntée à Wittgenstein » (ibid.). « Chaque type de texte littéraire, c’est‑à‑dire chaque genre littéraire » (p. 50) est un jeu de langage. Pour faire comprendre ce qu’il entend par là, J.‑J. Lecercle reprend à Florence Dupont sa description, dans L’Invention de la littérature (La Découverte, 1994), des métamorphoses des poèmes amoureux de Catulle, de leur improvisation en présence de leur destinataire, au cours d’un banquet, à leur inscription « dans un livre‑monument, destiné au public et à la postérité » (p. 49). Chacun des états successifs des poèmes correspond à un jeu de langage, défini par les éléments suivants :

Le style du texte, son support matériel, le cadre social dans lequel il est émis, sa temporalité (évanescente pour le banquet ; éternelle pour le livre), le sentiment qu’il exprime, les personnes qu’il implique (du banquet au livre, le statut de l’autre change), le sens auquel il fait appel (l’ouïe ou la vue), le type de lecture qu’il implique, ainsi que les deux actants, scripteur et lecteur. (p. 50)

7Selon cette description, un jeu de langage, tel que l’entend J.‑J. Lecercle, est une situation de communication. L’ensemble des jeux de langage littéraires sont unis par une « ressemblance de famille » – autre concept emprunté à Wittgenstein. Les éléments qui définissent cette ressemblance sont bien entendu la réflexivité par rapport au langage du texte littéraire, mais aussi sa complexité linguistique et encyclopédique, sa persistance, due à cette complexité, au‑delà de son contexte d’apparition, l’accès qu’il offre à la connaissance du particulier, du singulier (sous la forme, par exemple, des personnages de fiction).

8R. Shusterman défend moins d’autres thèses sur le rapport de la littérature et du langage qu’il ne critique celles de J.‑J. Lecercle, et plus précisément la thèse qui fait du texte littéraire le « lieu privilégié » de la manifestation et de la connaissance du « fonctionnement général du langage ». Selon lui, elle est « soit trop large, soit tautologique. Partant surtout de critères linguistiques, et non pragmatiques, sociaux et anthropologiques, elle ne dégage pas la spécificité de la littérature mais s’applique à de nombreuses pratiques langagières » (p. 58). R. Shusterman reproche notamment à J.‑J. Lecercle d’extrapoler à partir de quelques exemples ad hoc — comme les œuvres de Lewis Carroll — et de négliger la diversité des fins poursuivies par les textes littéraires : « Tout texte donne à voir la langue, forcément, mais sa visée peut être plus diverse. On ne peut guère prétendre que le contenu socio‑moral de textes comme La Divine Comédie, Germinal ou La Peste est secondaire par rapport à leur message métalinguistique » (p. 60). Les textes littéraires ont aussi une « composante sémantique » (p. 65) ou mimétique. Pour finir, R. Shusterman propose deux formulations différentes de ce que serait pour lui une bonne définition de la littérature. Il exprime d’abord sa préférence pour une définition en termes « d’un regard et d’un comportement sui generis vis‑à‑vis du texte » (p. 75), et non de propriétés de certains textes. Puis il propose de définir la littérature comme « espace où nous pouvons faire ce que nous voulons avec le langage, tout le langage, pris comme une fin en soi » (p. 77‑78 ; je souligne). Les derniers mots de cette définition pointent vers la notion de désengagement du texte littéraire à l’égard de toute visée qui lui serait extérieure — et notamment cognitive.

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9Après la question du rapport de la littérature au langage vient celle de l’« ancrage » du texte littéraire dans les intentions de son auteur et dans une identité communautaire — ce second « ancrage » étant défendu par les interprétations identitaires de la littérature. Celles‑ci se fondent sur deux postulats : « un texte est représentatif, d’un locuteur (son auteur) et d’un groupe social (dont il est issu et à qui il s’adresse) ; (…) les textes dits littéraires sont en réalité des textes de revendication d’identité (si possible marginale et/ou réprimée) » (p. 21). Contre ces conceptions, J.‑J. Lecercle avance les deux thèses suivantes : 1/ un texte littéraire est un texte recontextualisable — dont la lecture est profitable à d’autres publics que le public auquel il était initialement destiné, et ce au‑delà de son contexte de production —, donc la littérature est « ce qui est capable de transformer une revendication d’identité en expérience d’altérité » (p. 92) ; 2/ de toute façon, l’intérêt du texte littéraire réside moins dans la confrontation du lecteur avec la représentation d’identités particulières que dans sa contribution à la prise de conscience par ce même lecteur « des opérations de construction de sujets (sujet‑auteur, sujets‑lecteurs, sujets‑personnages) » (p. 93). Le texte littéraire « ne vise pas à construire des représentations (dé)valorisées de soi et des autres, il met en scène le processus linguistique d’interpellation des individus en sujets » (ibid. ; je souligne), à l’exemple du texte fantastique, qui présente « une expérience de non‑identité, c’est‑à‑dire non seulement d’identité autre (…), mais aussi d’une identité impossible » (p. 95). La caractéristique du héros fantastique — comme la créature de Frankenstein — serait en effet de ne pouvoir remplir tout ou partie des rubriques d’une carte d’identité, et de subir les conséquences de cette impossibilité. Pour J.‑J. Lecercle, un texte qui procure au lecteur cette expérience de l’« identité impossible », qu’il appelle également l’expérience de « la non‑identité de l’autre de l’homme » (ibid. ; je souligne), est meilleur qu’un texte qui procure au lecteur la simple expérience d’une identité autre que la sienne. La première semble en effet mettre en jeu le processus même de la construction d’identité.

10Sa polémique contre les interprétations identitaires de la littérature conduit J.‑J. Lecercle à poser la question de l’auteur, et plus précisément de la reconnaissance de ses intentions pour l’interprétation des textes : « Si le texte littéraire est porteur d’une revendication d’identité, c’est l’auteur qui revendique. (…) Cette conception fait de l’auteur un foyer d’intentions, et de l’interprétation du texte la reconstruction des intentions de l’auteur » (p. 96). J.‑J. Lecercle cherche à montrer qu’une telle conception de l’interprétation est erronée, tout au moins dans sa « version forte », laquelle postule la dépendance totale du sens d’un texte à l’égard des intentions de son auteur. Il la juge incompatible avec l’activité d’interprétation et le devenir des textes. L’intention de l’auteur « est, dans la plupart des cas, inconnaissable, et, dans les rares cas où elle est connue, elle n’est que modérément pertinente (l’auteur empirique n’est que le premier interprète de son œuvre, et son interprétation, certes intéressante, n’est pas définitive ni “vraie”) » (p. 101). En outre, un texte, « en se recontextualisant à chaque lecture, échappe aux intentions originelles de l’auteur empirique » (p. 100). L’interprétation met en rapport non des sujets — auteur et lecteur — empiriques, mais des sujets fictifs, qui sont le produit de ce que programme le texte et de « l’imposition au texte, par coup de force, de ma langue et de mon encyclopédie » (p. 108). Dans l’interprétation, auteur et lecteur empiriques s’interpellent (c’est le terme employé par Lecercle) réciproquement aux places d’auteur et de lecteur fictifs. Le texte littéraire serait celui qui mène « jusqu’à la limite » (p. 109) la relation auteur‑lecteur caractéristique de l’interprétation.

11D’emblée, R. Shusterman objecte qu’il est paradoxal (sinon contradictoire) de défendre l’idée que la littérature est une expérience d’altérité tout en jugeant inconnaissables les intentions d’autrui. S’inspirant des travaux de Paisley Livingston (voir notamment son article « Arguing over intentions » dans la Revue internationale de philosophie, n° 4, 1996, p. 615‑633), il affirme l’enracinement partiel du sens d’un texte dans les intentions de son auteur, et la légitimité du recours aux « éléments du paratexte, de la biographie et de l’histoire littéraire » (p. 130) dans l’interprétation. Si, dans la réception d’un texte littéraire, le rôle des intentions de l’auteur n’est pas primordial, ce n’est pas parce qu’elles sont inconnaissables — elles ne le sont pas moins que celles de n’importe quel locuteur —, c’est parce qu’il est convenu que lire littérairement consiste à les tenir le plus possible pour secondaires. Quant à l’idée que la littérature fait d’une revendication d’identité une expérience d’altérité, R. Shusterman la reformule ainsi : « un texte ne survit que s’il peut passer de l’altérité de son expérience à une expérience reconnaissable » (p. 113). Autrement dit, pour survivre, un texte doit pouvoir servir de miroir aux expériences d’autres personnes que son auteur et son public initial. En outre, comme dans le cas du langage et de la connaissance de son fonctionnement, il voit dans la transmission d’une expérience d’altérité « une possibilité, et non une nécessité, de la littérature » (p. 115), et dans sa valorisation l’expression d’une exigence morale.

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12La controverse se poursuit avec la question du caractère cognitif — ou non — de l’expérience littéraire, ou, plus précisément, de la fiction, à laquelle se limite ici la discussion.

13R. Shusterman défend ici encore une thèse « négative » :

Le véritable domaine de la cognition est effectivement la science ; la fiction n’est jamais une connaissance au sens strict du terme ; elle est au mieux une reconnaissance d’un savoir préalablement acquis et/ou un exercice interne de nos capacités de réflexion qui aboutit à une connaissance de soi et non du monde (p. 145‑146)

14La définition de la connaissance sur laquelle il se fonde est la suivante : « il s’agit d’un apport d’informations nouvelles concernant le monde dit “externe” ou “réel” (p. 152 ; je souligne). Elle exclut justement ce sur quoi la fiction prétend délivrer une connaissance : la psychologie « usuelle » et la morale, qui, selon Shusterman, ne relèvent pas du domaine des faits, indépendants de nous, mais des valeurs, dont nous sommes pour ainsi dire les auteurs. Le savoir psychologique ou moral déductible d’une fiction ne serait le plus souvent rien d’autre qu’un lieu commun, une simple « leçon », et la fonction – nullement négligeable – du récit qui la véhicule serait de contribuer « à forger un consensus socio‑moral » (p. 154) ou d’aider à « mûrir » (c’est le terme employé par R. Shusterman). R. Shusterman admet également la possibilité, pour la fiction, de contribuer à « l’analyse philosophique de nos moyens et de nos conditions de connaissance » (p. 151). La fiction exerce alors une fonction qui n’est pas cognitive — il ne s’agit pas du monde — mais épistémologique. Attribuer un caractère cognitif à la fiction, c’est méconnaître son désengagement référentiel : « la fiction est justement cette forme de langage qui est totalement libre de toute obligation de dire le vrai » (p. 174), à l’inverse de la science. Selon R. Shusterman, cette attribution s’explique par le fait que « dans notre société, le sens et la vérité sont des valeurs » (p. 170), et qu’il s’agit, en les associant à la fiction, de défendre l’égale dignité de la littérature face à la science, dans un contexte de « guerre » des cultures scientifique et littéraire dont témoigne par exemple l’« affaire Sokal ». Son refus de mettre en « concurrence cognitive » la fiction littéraire et la science le conduit à critiquer Nelson Goodman, auquel il attribue l’idée que « la science et la littérature sont commensurables » (p. 149). Il réfute aussi longuement la défense du caractère cognitif de l’imitation dans Pourquoi la fiction ? (Le Seuil, « Poétique », 1999) de Jean‑Marie Schaeffer, tout en acquiesçant curieusement à sa conception de la fiction comme « modélisation permettant une connaissance contextuelle » (p. 160). Mais c’est qu’elle n’implique pas, selon Shusterman, que la fiction nous livre des faits — il ne s’agit donc pas de cognitivisme au sens strict (une première version du propos de R. Shusterman se trouve dans son article « Fiction, connaissance, épistémologie », dans Poétique, 104, novembre 1995, p. 503‑518).

15D’entrée de jeu, J.‑J. Lecercle formule plusieurs objections aux thèses de son vis‑à‑vis. Elles portent toutes sur sa définition de la connaissance, qu’il juge « indûment restrictive » (p. 177), notamment en ce qu’elle limite la connaissance au « monde des réalités matérielles » (p. 180). Pour J.‑J. Lecercle, il n’est pas de connaissance au sens strict que des seules réalités physiques, mais aussi des réalités psychiques et sociales, pour lesquelles la contribution de la fiction littéraire est décisive. Il reproche aussi à R. Shusterman d’avoir omis de distinguer la connaissance générale de la connaissance personnelle :

Si par « connaissance » on entend aussi « ma » connaissance — la connaissance que moi, individu particulier, j’acquiers du monde, et pas seulement la connaissance générale accumulée par l’humanité dans son ensemble, alors la fiction, toute la fiction, transmet ce genre de connaissance. Une de ses caractéristiques est qu’elle s’adresse à des individus, interpelle des lecteurs individuels, alors que la science parle à la cantonade, à tous et à chacun, donc à personne en particulier. (p. 178)

16Je fais mon apprentissage du monde (notamment) grâce aux fictions. Enfin, et surtout, il reproche à R. Shusterman d’opposer science et littérature pour justifier son non cognitivisme fictionnel, alors que la littérature est moins en concurrence avec la science qu’avec la philosophie. Une fois ces objections formulées, J.‑J. Lecercle réaffirme la fonction cognitive de la fiction, en des termes tantôt classiques — « Voilà donc le rôle cognitif dévolu à la fiction : élaborer des expériences de pensée, des situations impossibles qui nous aident à comprendre le monde où nous vivons » (p. 185) — et tantôt non, empruntés à Alain Badiou et Jacques Lacan. Du premier, il retient sa conception de l’événement comme le fait imprévisible qui change irréversiblement une situation, et définit alors la fiction (ou la littérature) comme le « réceptacle » de l’événement. Au second, il emprunte sa distinction du Réel — « indépendant du monde humain, incohérent » et qui « fait retour dans le monde des hommes, sous la forme de l’événement » (p. 191) — et de la réalité — « que je construis autour de moi (…) pour y vivre » (ibid.). La fiction construit la seconde et dévoile le premier.

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17À plus d’un égard, la quatrième et dernière controverse, qui concerne le rapport de la littérature aux valeurs, s’inscrit dans le prolongement de la précédente. R. Shusterman se propose de montrer que « l’expérience littéraire est toujours une expérience éthique, non pas (forcément) en tant qu’expérience d’une valeur particulière, mais en tant qu’expérience de la valeur » (p. 207). Et cette « expérience de la valeur », il la situe dans l’acte interprétatif lui‑même, compris comme une expérience du choix — l’interprète doit faire des choix quant au sens qu’il faut attribuer à un texte — et donc comme un analogue de l’expérience morale, comprise comme une expérience de délibération. Cette conception de la dimension morale de l’expérience littéraire — et plus précisément de la lecture de fictions — entre directement en conflit avec le cognitivisme de Wayne Booth (The Company we keep. An ethics of fiction, Berkeley, University of California Press, 1988) et Martha Nussbaum (Poetic justice. Literary imagination and public life, Boston, Beacon Press, 1995), pour qui la portée morale de la fiction réside dans sa capacité à nous procurer l’expérience de dispositions d’esprit et de situations susceptibles de modifier de façon positive nos jugements et nos comportements. Outre son refus d’appeler « connaissance » ce dont les fictions nous font faire l’expérience, R. Shusterman leur fait quatre objections : 1/ certaines fictions seulement, et non toutes les fictions, ayant un contenu moral, les thèses de Booth et Nussbaum ne permettent pas de définir la dimension morale de la fiction ; 2/ l’idée que la fiction peut modifier de façon positive nos jugements et nos comportements fait bon marché des résistances du lecteur et du problème de savoir « quelles sont les expériences fictionnelles qui méritent d’être transférées ? » (p. 220) ; 3/ les thèses de Booth et Nussbaum conduisent tout droit à une appréciation moralisante des fictions, proche de l’appel à la censure ; 4/ comme toute forme d’engagement cognitif dans une fiction, elles contreviennent à la norme de désengagement référentiel qui doit gouverner notre pratique de la fiction. L’expérience éthique que nous fait faire la fiction — et la littérature — n’est pas essentiellement celle d’un élargissement de notre expérience susceptible de modifier notre action, mais, dans et par l’interprétation, celle de la liberté « sous contrainte » du choix et de la communication avec autrui.

18C’est sur ce dernier point — la communication avec autrui — que porte essentiellement la critique de J.‑J. Lecercle. À la suite de Jacques Rancière ou Gilles Deleuze, il préfère définir l’expérience littéraire comme une expérience du dissensus, et, par conséquent, comme possédant une dimension politique plutôt qu’éthique. Selon lui, l’éthique est « l’art ou la pensée de l’être‑ensemble » (p. 235), alors que la politique — qu’il identifie, à la suite de Rancière, avec la démocratie comme « condition même de l’être en commun » (p. 238) — n’est rien d’autre que l’organisation du désaccord et du conflit. Or la littérature est elle aussi du côté du dissensus en ce qu’elle est « le mode de discours qui défait les situations de partage entre la réalité et la fiction, le poétique et le prosaïque, le propre et l’impropre » (Rancière cité par Lecercle, p. 239‑240). La littérature et non la fiction : J.‑J. Lecercle critique la « fixation » de R. Shusterman sur la question de la fiction, parce que la littérature n’est pas équivalente à la fiction, « qui sert à ordonner le monde, à construire des identités » (p. 241), et non à les mettre en question.

Quelques objections

19Par sa forme même, L’Emprise des signes invite chacun de ses lecteurs à prendre part au débat. Les objections que je vais esquisser ici suivront l’ordre des controverses qui viennent d’être exposées.

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20La controverse sur le rapport de l’expérience littéraire au langage est entièrement consacrée à la question de savoir si la littérature délivre une connaissance du fonctionnement du langage. On peut regretter qu’elle néglige ainsi le problème, soulevé en introduction, de la dépendance au langage de l’expérience littéraire — de ce dont nous faisons l’expérience quand nous lisons un texte littéraire. On peut d’autant plus le regretter que J.‑J. Lecercle et R. Shusterman présentent leur livre notamment comme une défense du rôle essentiel de la littérature dans l’enseignement des langues étrangères, comme voie d’accès privilégiée à d’autres cultures. Ils semblent ainsi acquiescer à l’idée d’une solidarité essentielle entre langue, littérature et civilisation. Se pose alors le problème de la traduction — autrement dit, de la dépendance des qualités d’un texte à sa langue. Il est très largement admis qu’un texte littéraire perd une partie de ses qualités en étant traduit dans une autre langue, et pourtant on admet aussi qu’une traduction puisse être un bon moyen d’accéder à la connaissance d’une œuvre littéraire étrangère ; on insistera davantage sur la perte de qualités dans le cas d’un poème que dans celui d’un roman. Une réflexion sur la traduction ne serait‑elle pas un bon moyen de distinguer entre des qualités plus ou moins dépendantes de spécificités linguistiques, et de distinguer ainsi différents aspects de l’expérience littéraire ?

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21L’assaut de J.‑J. Lecercle contre la conception identitaire de la littérature et l’appel à l’intention d’auteur dans l’interprétation des textes peut susciter également quelques réserves. L’une des plus importantes concerne la valorisation du texte littéraire non comme représentation d’identités particulières, mais comme exhibition du processus même de la construction d’identité. La raison de cette valorisation est qu’elle fait de l’expérience littéraire la découverte d’une forme de l’expérience humaine, donc de quelque chose de plus général, de plus fondamental que la représentation d’identités particulières. Mais elle fait bon marché de ce qui nous attire fondamentalement dans la littérature — et, plus précisément, dans la fiction —, qui n’est rien d’autre, précisément, que la représentation d’identités particulières. Envisageons le problème sous un autre angle. Qu’est‑ce qui fait d’un texte un texte recontextualisable ? Dire qu’il s’agit de sa capacité à « transformer une revendication d’identité en expérience d’altérité » (p. 92) n’explique pas grand‑chose, car cela ne dit rien des qualités que doit posséder un texte pour que s’opère cette transformation. J.‑J. Lecercle donne un exemple de texte selon lui non recontextualisable : il s’agit d’un roman américain contemporain, Push, dont l’héroïne est « une adolescente noire, obèse, affligée d’un retard scolaire considérable, et mère célibataire d’un enfant trisomique » (p. 21), etc. Pourquoi ce texte n’a‑t‑il aucune chance de passer à la postérité ? Parce que « l’altérité apparente qui y est évoquée — peu de lectrices sont malades du sida et mères d’enfants trisomiques — est en réalité une revendication obsessionnelle d’identité » (p. 92). N’est‑ce pas tout simplement dire qu’il s’agit d’une représentation caricaturale et militante, et par conséquent guère crédible, d’une certaine condition — celle de femme noire dans la société américaine d’aujourd’hui ? Ce sont des caractéristiques du texte comme représentation qui sont en cause, et non la structure même de toute construction d’identité, dont J.‑J. Lecercle ne dit pas précisément ce qu’elle est. On peut également noter que le sens des notions d’identité et d’altérité n’est pas ici très clair : comment une « revendication obsessionnelle d’identité » – autrement dit, la revendication acharnée d’une différence — peut‑elle être l’évocation d’une altérité apparente ? Autre notion dont le sens demeure obscur (je rejoins ici l’opinion de R. Shusterman) : celle d’« interpellation des individus en sujets » (p. 92).

22Se demander ce qui fait qu’un texte survit revient à poser la question de ce qui fait la valeur d’un texte. Les textes de valeur — les classiques — sont précisément définis par leur capacité à s’adresser à d’autres publics que leur public initial. Au fond, ce que J.‑J. Lecercle reproche à la conception identitaire de la littérature, c’est d’en finir avec les classiques en ne voyant dans ceux-ci que les représentants d’une identité culturelle particulière et dominatrice — en ne voyant dans leur survie que la persistance d’une domination et non l’indice d’une valeur. En finir avec les classiques, c’est, d’une certaine façon, en finir avec l’idée même de littérature. Mais il n’est pas question pour lui de réactiver « l’ancienne conception universaliste » (p. 20) de la littérature, pour laquelle un texte survit parce qu’il est porteur de valeurs universelles (il y a quelque chose de cet ordre dans l’idée exprimée par R. Shusterman qu’un texte survit en vertu de ce qu’il contient de « reconnaissable »). D’où les thèses qu’il défend, dont le double défaut est à nos yeux : 1/ de négliger l’intérêt que nous prenons à ce qu’une œuvre représente ; 2/ de faire appel à des notions très abstraites qui ne sont pas suffisamment explicitées.

23La polémique de J.‑J. Lecercle contre l’appel à l’intention d’auteur dans l’interprétation est supposée constituer une étape décisive dans sa critique des conceptions identitaires de la littérature, en vertu de l’idée que définir le texte littéraire comme revendication d’identité, c’est nécessairement renvoyer à une intention de l’auteur. Mais ne peut‑on faire de lecture identitaire d’un texte sans faire référence à une intention de l’auteur (« intention » signifiant ici « projet » ou, pour reprendre les termes de J.‑J. Lecercle, « vouloir-dire ») — par exemple, en montrant que ce texte prétend illustrer des valeurs universelles alors qu’il ne s’agit que de l’affirmation de valeurs particulières, celles d’une culture ou d’un groupe particuliers ? La critique de l’appel à l’intention d’auteur, plutôt que de constituer un élément décisif dans la réfutation des conceptions identitaires de la littérature, glisse vers la question des limites de l’interprétation, comme le note R. Shusterman.

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24S’agissant de la troisième controverse, mes objections porteront essentiellement sur le non cognitivisme de R. Shusterman. Les critiques de R. Shusterman contre l’idée que la fiction contribue à la connaissance du monde se résument au fond aux deux arguments suivants : 1/ Ce sur quoi la fiction pourrait nous apporter une connaissance — la psychologie « usuelle » et surtout l’expérience morale — n’est pas de l’ordre des faits indépendants de nous : nous ne le découvrons pas, mais le construisons, et ce n’est donc pas un objet de connaissance ; 2/ Les propositions à valeur générale que l’on peut déduire d’une fiction se réduisent dans la plupart des cas à des « leçons » bien connues qui sont de simples injonctions morales, et non des informations nouvelles sur le monde. Au premier argument, on peut objecter qu’il y a bien quelque chose comme un « donné » psychologique et moral à explorer, s’agissant par exemple de l’usage varié que nous faisons des concepts psychologiques et moraux (je m’inspire ici d’un article de Sandra Laugier, intitulé « Pourquoi des théories morales ? L’ordinaire contre la norme », dans Cités, 5, P.U.F, 2001, p. 93‑112). Nos applications de ces concepts ne sont pas moins susceptibles d’être décrites et analysées que les faits physiques ; elles ne sont pas moins « du monde » que ceux‑ci. Les fictions sont des descriptions de ces applications. Le problème est qu’il semble souvent difficile d’exprimer indépendamment des descriptions fictionnelles ce qu’elles nous apprennent, ou qu’une telle tentative aboutit dans la plupart des cas à des affirmations triviales : nous rencontrons ici le deuxième argument de R. Shusterman. À celui‑ci, on peut objecter qu’« apprendre n’est justement pas réductible à recevoir une information » (Cometti, Morizot, Pouivet, Questions d’esthétique, Presses Universitaires de France, 2000, p. 90). S’il est difficile de formuler exactement ce que nous apprend une fiction, c’est qu’elle nous l’apprend sur le mode de la compréhension, qui, selon Noël Carroll, consiste à « affiner ce que nous savons déjà, à reconnaître des liens entre différentes fractions de notre savoir » (« Art, narrative, and moral understanding », dans Aesthetics and ethics. Essays at the intersection, edited by Jerrold Levinson, Cambridge University Press, 1998, p. 126‑160 ; p. 144 pour la citation) en l’appliquant à des situations particulières — par exemple, les situations décrites par les fictions — et non à « simplement avoir accès à des propositions abstraites et des concepts » (ibid., p. 143). Comprendre, c’est mettre en œuvre ce que l’on sait pour en découvrir les implications. C’est aussi acquérir une perception juste de ce que c’est d’être dans telle ou telle situation (Questions d’esthétique, op. cit., p. 90. Pour une analyse détaillée de l’apport des fictions à la compréhension, voir, outre l’article de N. Carroll, Catherine Elgin, « Les fonctions de la fiction », dans les Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 41, automne 1992, p. 33‑44).

25R. Shusterman reproche à la conception cognitive de la fiction de contredire le fondement même de celle‑ci : le désengagement référentiel. Mais il ne faut pas déduire du fait que la plupart des personnages et des situations décrits dans les fictions sont dépourvus de référents que la fiction ne vise pas, ne peut pas viser le réel : Cyrano de Bergerac avec ses Voyages dans la lune, Montesquieu avec ses Lettres persanes inventent des personnages et des situations pour dire quelque chose de leur époque (la question qui se pose alors est de savoir ce qu’apporte à leur propos le détour par la fiction). Notons que soutenir, comme le fait R. Shusterman, que la fiction peut non pas délivrer une connaissance morale mais transmettre des valeurs, ne l’éloigne pas davantage du réel : transmettre des valeurs, c’est avoir un effet dans la réalité.

26Je ne dirai rien des thèses de J.‑J. Lecercle, dont je ne parviens pas à saisir le sens, sinon ceci : si l’exemple paradigmatique du surgissement de l’événement ou du retour du Réel dans la fiction, c’est Fabrice à la bataille de Waterloo, parce que la vision subjective de la bataille est plus proche du vécu que l’indication des mouvements des troupes sur une carte d’état‑major, alors les références à Badiou et Lacan ne sont peut‑être pas indispensables (p. 192)…

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27En défendant l’idée que la valeur éthique de l’expérience littéraire réside dans l’activité d’interprétation comprise comme délibération, et donc comme analogue à la délibération morale, R. Shusterman découvre‑t‑il une spécificité de l’expérience littéraire ? On interprète aussi des œuvres philosophiques ou des textes de loi. La lecture des textes littéraires implique selon lui « une pondération, une délibération » (p. 222), comme dans l’exercice du jugement moral. On pourrait alors considérer que sa valeur éthique consiste à exercer et par conséquent développer des aptitudes nécessaires à l’exercice du jugement moral. Mais c’est également vrai de la lecture de textes philosophiques ou de textes de loi. Par contre, certains textes littéraires nous font faire des expériences morales que ne nous font pas faire les textes philosophiques ou les textes de loi. La thèse de R. Shusterman n’est donc pas totalement convaincante. Quant à celle de J.‑J. Lecercle sur le caractère fondamentalement politique de l’expérience littéraire, elle laisse encore une fois perplexe.


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28Je terminerai cet examen critique de L’Emprise des signes par quelques observations générales. La première est que, plus que de la littérature dans son ensemble, L’Emprise des signes traite de la fiction, ce qui n’est pas sans introduire quelque confusion dans le propos des deux auteurs. La deuxième est que cette confusion découle aussi de l’ambition peut‑être excessive de L’Emprise des signes, qui balaye la plupart des grandes questions de la réflexion théorique sur la littérature, comme du croisement de considérations purement descriptives et de considérations ayant trait à la valeur de l’expérience littéraire. La troisième et dernière est que cette ambition et ce croisement, ainsi que la forme dialogique du livre, ont des incidences sur la qualité de l’argumentation, parfois décousue : ainsi, pages 157‑159, R. Shusterman confond dans la même critique l’idée que la fiction délivre une connaissance du monde et l’idée que la compréhension des fictions (et, plus largement, de toute œuvre d’art) met en œuvre des processus cognitifs ; pages 186‑189, dans une discussion du non cognitivisme de Shusterman, J.‑J. Lecercle passe sans transition de la question de la vérité des représentations fictionnelles à celle de la vérité d’une interprétation, et vice‑versa.

29Ces ultimes remarques ne doivent cependant pas faire oublier tout l’intérêt qu’il y a à lire un livre comme L’Emprise des signes, pour soumettre ses propres convictions sur l’expérience littéraire à l’épreuve de la critique et affiner ses arguments.