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Quand une femme s'écrit (XIXe-XXIe s.)

Quand une femme s'écrit (XIXe-XXIe s.)

Publié le par Marc Escola (Source : Damien Zanone)

Quand une femme s’écrit

(XIXe-XXIe siècles) 

Colloque international à

l’Université Paris-Est Créteil 

organisé par Sylvie Ducas et Damien Zanone

(laboratoire LIS, « Lettres, Idées, Savoirs »)

 les jeudi 12, vendredi 13 et samedi 14 décembre 2024

à l’UPEC (Créteil, campus centre)

Les écritures autobiographiques se sont imposées depuis plus de deux siècles comme un lieu majeur de l’expression littéraire. Elles ont pris au fil du temps des formes diverses, accompagnées d’appellations changeantes (Mémoires, autobiographie, autofiction, récit, journal intime, journal personnel). Ces démarches ont cependant un enjeu constant : il s’agit toujours d’opérer un retour sur soi en même temps que de formuler une adresse aux autres. Ce double mouvement d’une parole dont la projection oscille entre « je » et « vous », entre une personne singulière et le groupe virtuellement assemblé autour d’elle pour l’écouter, est au cœur de l’expérience autobiographique, expérience d’écriture mais aussi de lecture.

Perçue comme nouvelle au moment où Rousseau et son « entreprise qui n’eut jamais d’exemple » firent surgir le « moi » comme objet d’écriture, cette aventure d’écriture a toujours avancé depuis comme si, à chaque fois, tout était à réinventer pour qui s’y lançait : le choix des modèles, les manières de dire, les frontières du dicible. Cette difficulté est aussi un avantage puisqu’il n’y a pas à s’encombrer du poids de traditions pluriséculaires quand on se décide à devenir écrivain ou écrivaine de soi. Les femmes, dont le sort en littérature était bien différencié de celui des hommes au xixe siècle et pendant une bonne partie du xxe, ont pu en bénéficier : en écrivant d’elles-mêmes, il leur a certes fallu affronter ce qui a longtemps été tenu pour une transgression renforcée (publier pour parler de soi, c’est plus que jamais se rendre publiques…), mais au moins n’ont-elles pas eu, en matière autobiographique, à contrer la parole de censeurs masculins qui leur auraient interdit ce type d’écriture. Certaines l’ont pratiqué avec superbe (Félicité de Genlis, Flora Tristan, George Sand, Louise Michel), d’autres ont préféré la voie détournée du récit à masque de roman (Marceline Desbordes-Valmore, Marie d’Agoult, Hortense Allart) ou de la publication posthume (plusieurs mémorialistes et diaristes). Les préjugés à l’égard des écrits autobiographiques de femmes n’ont pas disparu au xxe siècle, les clichés sur l’intime continuant notamment d’abonder sous la plume des critiques. Mais depuis le tournant de l’autofiction et l’autorisation d’écrire des « fictions de faits strictement réels » (Serge Doubrovsky, 1977), nombre d’écrivaines ont investi avec brio la citadelle du genre autobiographique. Celui-ci a été contesté (Nathalie Sarraute), orienté vers des enjeux féministes (Annie Ernaux, Hélène Cixous, Annie Leclerc…) ou postcoloniaux (Leïla Sebbar, Colette Fellous, Assia Djebar, Nina Bouraoui…), hybridé et intermédial (iconotexte de Cixous, autobiographie photographique de Sophie Calle…), déconstruit et ouvert à l’invention de soi (Chloé Delaume, « personnage de fiction »), tourné vers des vérités socialement tues en mal de mots (Christine Angot, Nelly Arcan, Virginie Despentes), etc. Les questions de l’identité - genrée, subjective mais aussi narrative - et de l’écriture comme aire d’invention et d’expérimentations au plus près d’un réel qui échappe s’y découvrent inévitables et indissociables, souvent fondées sur la déconstruction et la transgression. Un sujet-femme en devenir et non simplement tourné vers le passé en constitue toujours le point nodal.

Le colloque Quand une femme s’écrit (xixe-xxie siècles) entend donc se consacrer à décrire, à comprendre et à interpréter les spécificités du geste autobiographique quand il est accompli par des femmes qui écrivent en langue française. Il veut pointer ce qui leur est propre en ce domaine : dans les conditions d’écriture, dans les manières de faire, dans les thèmes abordés, dans la réception. Qu’observe-t-on, en ce genre d’écrit, du point de vue du genre ? On s’attend bien à ce que les réponses soient nombreuses et diverses, à l’image d’écrits qui, depuis quelque deux cent trente ans, ont cherché et trouvé tant de façons de tourner autour de l’enjeu autobiographique. La recherche collective menée dans ce colloque aura donc dans son champ d’investigation des objets très variés du point de vue de leurs dates et de leurs formes, même si la langue française sera leur partage : ce socle commun fournira l’unité du corpus considéré.

Parmi les questions qui mériteront de retenir l’attention, signalons en particulier :

- les conditions de création, de réception, de légitimation : les injonctions reçues de la part du corps social établissant ce qui peut être dit et ce qui ne le peut pas ; les pressions subies de la part de l’entourage ou des maisons d’édition, entraînant des difficultés à se faire publier ; les heurs et malheurs de la réception critique et les aléas de la reconnaissance ; le rapport avec les lecteurs et lectrices pour autant qu’il est documenté ;

- les présupposés de contenu concernant la matière autobiographique traitée : par exemple, le mythe de l’intime dont les femmes seraient les dépositaires privilégiées, cette « chambre à soi » qu’elles exploreraient sans relâche pour en révéler les contours variés (vie familiale, vie amoureuse, corps, sexe) ;

- l’ethos auctorial et les enjeux d’identité : le mode de publication (jeu de signatures et de masques), les essais de voix portés par certains textes, le contenu même de l’existence narrée en tant que transformation de soi et construction d’une identité ;

- la maîtrise des codes et le jeu avec les frontières, que ces codes et frontières relèvent du maniement des supports (texte / hors texte), du mode d’expression exploré (non fiction / fiction) ou de la recréation de soi comme personnage (féminin / masculin).

Les communications, en langue française, auront une durée de vingt minutes et seront suivies de dix minutes de discussion. Elles se feront en présence, les visio-conférences n’étant pas acceptées.

Les propositions – de 500 mots et accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique –, sont à envoyer à Sylvie Ducas (sylvie.ducas@u-pec.fr) et à Damien Zanone (damien.zanone@u-pec.fr) avant le 1er juin 2024. 

Comité scientifique :

Laurence Brogniez (Université Libre de Bruxelles), Isabelle Daunais (Université McGill), Bernard Gendrel (UPEC), Jean-Louis Jeannelle (Sorbonne Université), Delphine Naudier (CNRS), Yolaine Parisot (UPEC), Christine Planté (Université Lyon 2), Dominique Viart (Université Paris-Nanterre).