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Colloque : "Théâtre en guerre, Acteurs, auteurs, publics en temps de guerre" (Rennes, Guer)

Publié le par Aurelien Maignant (Source : Sandra Cureau)

Appel à communication

Colloque international : "Théâtre en guerre. Acteurs, auteurs, publics en temps de guerre"

 

27-28 Mai 2019

Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan (CREC Saint-Cyr) et Université Rennes 2 (CELLAM, Tempora)

 

PRÉSENTATION

Tandis que de nombreuses études ont été consacrées au rôle du théâtre dans la construction de la mémoire de guerre, ainsi qu’à la représentation de la guerre sur scène, le rôle du théâtre pendant le conflit et ses multiples manifestations n’ont pas suscité la même attention de la part des chercheurs.

En temps de guerre, au sein des armées comme dans les situations de confinement, à l’arrière comme dans les villes assiégées ou dans les zones occupées, l’activité théâtrale a souvent pu continuer de s’exercer, a dû trouver de nouvelles formes d’expression et a fourni à des populations qui en temps de paix étaient étrangères à l’art du théâtre un levier pour faire face à des situations extrêmes.

Ce colloque se propose d’explorer les multiples facettes du théâtre en temps de guerre, sans restrictions chronologiques, de façon résolument interdisciplinaire. Cet appel à communications s’adresse aux historien-nes, littéraires, historien-nes du théâtre, spécialistes d’arts du spectacle, mais aussi aux sociologues, anthropologues, ou spécialistes d’autres disciplines qui mettent au cœur de leurs réflexions l’objet théâtral à toutes les époques. Dans cette optique, nous encourageons les communications à deux voix, qui permettent un dialogue entre disciplines différentes.

Le sous-titre met l’accent sur les trois catégories que constituent publics, acteurs et auteurs, sur lesquelles se construit le spectacle. Les quelques pistes de réflexions non exhaustives qui suivent permettront de mieux saisir leurs contours, les rôles joués par chacune d’entre elles et leurs interactions possibles.

 

ACTEURS

Les communications pourront faire une large place à la question des « acteurs » – au sens large du terme – du théâtre en temps de guerre. Il s’agira tout d’abord, bien évidemment, de s’intéresser aux comédiens mobilisés pour faire vivre les représentations, jouer dans la guerre/jouer la guerre. L’on pense entre autres aux acteurs professionnels, hommes ou femmes, civils ou militaires, véritables troupes ou artistes réunis pour l’occasion qui visitent ou suivent les armées pour leur offrir des spectacles. Il peut aussi s’agir de comédiens amateurs ou de circonstance, conscrits, réservistes, élèves-officiers, combattants ou prisonniers de guerre qui organisent eux-mêmes des spectacles de théâtre : sans doute plus difficiles à saisir à travers les sources, ils n’en sont que plus intéressants à étudier. Le lien entre le statut de ces comédiens et les pièces jouées méritera par ailleurs une attention particulière. Analyser, lorsque cela est possible, le jeu de l’acteur, rendre compte de sa mimique et gestuelle, de sa façon d’occuper la scène, d’interagir avec le décor, le son, la musique, de donner corps ou pas à un texte écrit, est un moyen d’éclairer les objectifs et les effets de ce théâtre qui se fait dans des conditions particulières.

Les acteurs de ce « théâtre en temps de guerre » ne se limitent cependant pas aux seuls comédiens qui n’en constituent que la partie la plus visible. La représentation n’est souvent possible que parce que les autorités civiles et/ou militaires – et parfois de véritables services de contrôle voire de censure – ont a minima laissé faire, souvent autorisé, parfois encouragé de telles manifestations, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie, de la base au commandement : procédures, personnels, personnages pourront faire l’objet d’études spécifiques. On l’imagine : les réactions de ces autorités lorsque les pièces sont jouées hors de   ce contrôle préalable offrent aussi des situations particulièrement intéressantes à observer.

Il en va de même des modalités pratiques du jeu théâtral dans lesquelles interviennent d’autres types d’acteurs, plus proches des comédiens. Ainsi des metteurs en scène, des musiciens, des « costumiers », des « techniciens » qui contribuent, parfois à proximité directe du front ou du théâtre des opérations, dans les camps, à faire du spectacle théâtral un moyen de distraction ou d'évasion – parfois littéralement –, pour remplir des situations de vide d'action, d'attente voire d'ennui. A l’arrière, le rôle des directeurs et des propriétaires de salles de spectacles devra aussi être pris en considération.

 

AUTEURS

S’agissant des auteurs – à entendre là encore au sens large : auteurs dramatiques, dramaturges, metteurs en scènes – les communications pourront s’intéresser, par exemple, à leur condition et à leur positionnement vis-à-vis du conflit. Proposer une pièce sur une guerre alors qu'on la vit ou qu'on en subit encore les remous est en effet un pari risqué. De fait, « le théâtre grec commence par un scandale, qui est intimement lié à la guerre et au point de vue adopté sur elle[1] » : Phrynichos, lourdement condamné pour la Prise de Milet, première pièce sur laquelle il nous reste des informations précises, est l'archétype de l'auteur de théâtre qui a perdu le pari.

La plus ancienne pièce occidentale qui nous reste, Les Perses, assure en revanche le sacre d'Eschyle et son immortalité dans l'histoire littéraire. La faute originelle du théâtre occidental viendrait de ce que Phrynichos aurait miné le moral des Athéniens en les amollissant à l'excès. L'auteur en temps de guerre, s'il écrit sur les événements en cours ou en écho, a souvent une fonction politique puissante, à toutes les échelles. L’énonciation théâtrale ainsi que les conditions de la performance permettent de dire la guerre autrement, en la jouant : aux soldats (comme aux élèves officiers) elle offre la possibilité d’exprimer critiques, ressentiments ou de se caricaturer eux-mêmes en recourant à une polyphonie qui dilue efficacement la responsabilité portée en principe par celui qui s’exprime en public. Dès lors, les propositions de communication pourront s’interroger sur cette forme d’engagement singulier que permet la mise en scène théâtrale, et sur sa fonction politique.

Pour autant, la question de l’engagement n’est pas la seule entrée dans le sujet. Les communications pourront également s’intéresser au caractère polymorphe de la fonction d’ « auteur » : outre les pièces produites par ceux qui ont été consacrés, bien d'autres sont le fruit d'un travail individuel ou collectif destiné à une seule représentation, à un public restreint et choisi. Les auteurs immergés dans la guerre peuvent vouloir, finalement, aménager un moment de paix et d'insouciance au sein du conflit le temps de la pièce. Quels sont les auteurs que l’on joue en temps de guerre ? Si l’on joue du répertoire, quelles pièces classiques choisit-on de préférence et pourquoi ? si l’on joue du théâtre vivant, peut-on définir une typologie des auteurs dramatiques qui s’adaptent à la guerre, et de quelle manière s’y adaptent-ils ?

 

PUBLIC

Finalement, le rôle que l’auteur dramatique joue dans la guerre nous ramène toujours à la relation qu’il entretient avec un public et avec le lieu qu’il investit : dans le cas du théâtre aux armées, ce peut être une scène improvisée non loin de la ligne de front, un théâtre de verdure, une grange, quelques tréteaux, et face à ce théâtre ambulant, la troupe des soldats. Dans ce cas, quelles pièces leur joue-t-on de préférence[2] ? Et comment le public y réagit-il ? S’il s’agit bien souvent de renforcer le « moral » de ces troupes dévorées par l’angoisse ou l’ennui, quelle sorte de « rencontre » le spectacle peut-il produire face à ce public si particulier ? L’idée de rencontre nous semble au demeurant une piste féconde : ce cadre éphémère de la représentation permet des croisements, des contacts ou même des heurts. Quelle rencontre qu’Horace ou Le Cid joué devant un parterre de Poilus ! Quelle étrangeté pour des hommes de la troupe de se trouver devant un spectacle parisien, dépaysé pour l’occasion !

Le contexte de la guerre opère d’ailleurs de nombreux déplacements : si le décalage recherché (ou impensé) qu’il produit entre le spectacle et le public est une sorte de déplacement, dans un sens plus prosaïque, on observera le triple déplacement des populations, des troupes de théâtre, de la troupe des soldats. Les situations de jeu et de représentation en sont bouleversées. Le public réunit dans ce contexte de guerre des spectateurs qui ne se seraient peut-être pas rencontrés en temps de paix. Même quand le spectacle se donne dans une salle « de spectacle », ce lieu peut se trouver transformé par le contexte de la guerre, et son public peut lui-même avoir changé. Certes le spectacle auxquels ils assistent ensemble a pour première fonction de les divertir, mais sa force est aussi de les réunir dans une attention partagée, de les distraire mais aussi de galvaniser leurs sentiments patriotiques.

Dans ce contexte, le théâtre peut donc s’offrir comme un divertissement ou une distraction (et cela même au sens fort : un détournement de l’attention ou du regard), mais il convient de garder à l’esprit qu’elle se fait dans la durée éphémère de la représentation et mettant en présence, contrairement au cinéma dont la réception est différée, tous les participants du spectacle : auteur(s), acteurs, public.

 

PROPOSITIONS

Les propositions, limitées à 500 mots et accompagnées d’une courte biographie des auteurs (150 mots maximum) seront envoyées avant le 15 novembre 2018 aux cinq organisateurs:

Sandra Cureau (CREC) sandra.cureau@st-cyr.terre-net.defense.gouv.fr 

Anne Debrosse (CREC) anne.debrosse@st-cyr.terre-net.defense.gouv.fr

Yann Lagadec (Tempora) yann.lagadec@univ-rennes2.fr

Valeria Pansini (Tempora) valeria.pansini@univ-rennes2.fr

Giovanna Sparacello (CELLAM) giovanna.sparacello@univ-rennes2.fr

Les réponses et un programme prévisionnel seront communiqués en janvier 2019.

 

COMITÉ SCIENTIFIQUE

David Hopkin, Université d'Oxford

Florence Alazard, MCF HDR, Université de Tours

Nicolas Beaupré, MCF, Université de Clermont-Ferrand

Marco Berisso, professeur associé, Université de Gênes

Nadège Centelles, MCF, Université Rennes 2

Françoise Decroisette, PR émérite, Université Paris 8

Frédéric Dessberg, MCF, Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan / Paris-Sorbonne

Katell Lavéant, professeur associée, Université d‘Utrecht

François Lecercle, PR, Université Paris-Sorbonne

 

NOTES

[1]  François Lecercle, « Dans la douleur de l’autre (Eschyle et Phrynichos) », in M. Finck, T. Victoroff, E. Zanin, P.           Dethurens, G. Ducrey, Y.-M. Ergal, P. Werly (éd.),  Littérature et expériences croisées de la guerre, apports comparatistes. Actes du XXXIXe Congrès de la SFLGC, URL : http://sflgc.org/acte/francois-lecercle-dans-la-douleur-de-lautre-eschyle-et-phrynichos/

[2] Une étude de Jean-François Dominé sur le « Théâtre aux armées » parue récemment suggère quelques pistes à ce sujet, en présentant dans chaque contexte, le rôle du commandement dans le choix des troupes et des textes à jouer. Les critères de sélection de ces spectacles mériteraient une étude approfondie. (J.-F. Dominé, « Le Théâtre aux armées ou Thalie et Melpomène s’en vont en guerre », Revue historique des armées, n° 289, 4e tr. 2017, p. 79-102.